Les concessions funéraires, qu’elles soient temporaires, trentenaires, cinquantenaires ou perpétuelles, sont souvent source de nombreuses interrogations et autres problématiques. Cependant, la notion de durée n’est que l’un des multiples problèmes auxquels les communes, notamment urbaines, sont actuellement confrontées. La saturation de leurs cimetières et la difficulté à disposer de terrains aptes à recevoir de nouvelles implantations ; les règles pour délivrer une concession, son renouvellement, son coût et les délais imposés pour le faire ? Qui en décide ? Quels sont les critères objectifs qui présideraient à l’obligation pour les maires d’attribuer ces concessions funéraires ? Dans quels cas celui-ci n’est pas autorisé à refuser son octroi ? Sur quoi peut-il fonder son refus ? La nature juridique particulière des concessions funéraires peut constituer une réelle difficulté pour la gestion du cimetière communal, notamment lors d'une transmission, d'une cession, d'un don ou d’une reprise, sans oublier la destination ultime des restes humains. Quelles délibérations risquent d’être illégales ? Tel était le thème de l’atelier technique proposé lors du Salon des Maires et des Collectivités Locales (SMCL).
Maître Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, avocat associée, Cabinet Seban & Associés. |
I – "Survol de la législation relative aux concessions funéraires"
Intervention de maître Marie-Hélène Pachen-Lefèvre, avocat associée, Cabinet Seban & Associés.
1 - Rappel des pouvoirs de police du maire
Articles L. 2213-7 à L. 2213-9 du CGCT.
2 - Rappel des dispositions générales relatives au cimetière
Articles L. 2223-1 à L. 2223-2 du CGCT.
- La compétence de principe du conseil municipal pour les actes de gestion du cimetière.
- Les compétences du juge administratif ou du juge judiciaire selon la nature des litiges qui concernent le cimetière.
3 - Le droit à sépulture – le terrain commun : l’inhumation sans concession
L. 2223-3 CGCT : énumération des personnes visées.
- Une obligation pour la commune de consacrer une partie du cimetière au terrain commun (CAA Nancy, 27 mars 2003, Lemoine, n° 98NC000275).
- Une compétence liée du maire pour accorder l’autorisation d’inhumer.
- R. 2223-5 CGCT : absence de droit acquis au maintien des restes mortels dans la sépulture.
4 - Le droit à concession funéraire
- L’acquisition à titre onéreux pour un temps déterminé ou de façon perpétuelle d’un emplacement dans le cimetière où la personne pourra fonder sa sépulture.
- Autorité compétente pour la création : le conseil municipal.
- Autorité compétente pour délivrer une concession L. 2122-22 CGCT : le maire sur délégation du conseil municipal.
a) Sur la forme de l’acte de concession et sa nature
- Un contrat ou un arrêté municipal établi en trois exemplaires et remis au concessionnaire, comportant les conditions et engagements réciproques du concédant et du concessionnaire (modèle : circulaire 178 du ministre de l’Intérieur du 30 avril 1959)
- La jurisprudence milite pour la nature de contrat administratif de la concession (CE Ass., 21 octobre 1955, Méline, Rec. p. 491 ; T.C. 4 juillet 1983, n° 02294, François).
- Quelques doutes depuis une décision qui assimile la concession funéraire à un
acte administratif unilatéral (CAA Bordeaux, 2 mars 2010, Cne de Brive-la-Gaillarde, n° 08BX02222) – non confirmée depuis.
- La collectivité voit sa responsabilité contractuelle engagée lorsque l’inhumation est rendue impossible par une erreur ou une négligence de la collectivité.
b) Le titre doit indiquer s’il s’agit :
- d’une concession individuelle, la personne qui peut y être inhumée est alors nommément désignée.
- d’une concession collective, une liste des personnes qui pourront être inhumées est indiquée dans le titre.
- d’une concession de famille, CE, sect., 11 octobre 1957, Cts Hérail : peut recevoir le corps du concessionnaire, son conjoint, ses successeurs, ses ascendants, ses alliés, ses enfants adoptifs ou les personnes qui ont un lien particulier d’affection avec le concessionnaire.
c) La durée des concessions – L. 2223-14 CGCT
- 4 catégories possibles : concessions temporaires pour quinze ans au plus,
concessions trentenaires, concessions cinquantenaires, concessions perpétuelles.
- Une idée reçue : les concessions perpétuelles n’ont pas été supprimées, il s’agissait des concessions centenaires.
- Concessions temporaires : en réalité entre 5 à 15 ans, le conseil municipal peut créer plusieurs catégories de ces concessions.
- Pour toutes les concessions non perpétuelles : le titulaire ou l’ayant droit a un droit au renouvellement (L. 2223-15 CGCT), son prix est celui en vigueur au moment du renouvellement (CE 21 mai 2007, n° 281.615, Pujol). À défaut du renouvellement dans les deux années après le terme de la concession : la procédure de retour du terrain à la commune est mise en place.
d) Le prix des concessions funéraires – L. 2223-15 CGCT et R. 2223-11 CGCT
- Versement d’un capital dont le montant est fixé par le conseil municipal (L. 2223-15 CGCT) et acquittement des frais de timbres et d’enregistrement (677-1 CGI).
- Le tarif est fixé selon la durée de la concession, sa superficie et d’autres critères librement choisis (R. 2223-11 CGCT et circulaire n° 75-434 du 9 août 1974).
- Le paiement du prix obéit à une procédure particulière en trois étapes
(circulaire n° 59-178 du 30 avril 1959).
- Le maire ne peut accorder de facilités de paiement, lesquelles relèvent de la compétence du comptable.
- Interdiction de la mise en place d’un "droit d’entrée des corps" pour les personnes non décédées sur la commune ou non résidentes (CE 10 décembre 1969, commune de Nerville-la-Forêt, n° 76.354).
e) La superficie accordée – R. 2223-11 CGCT
- Superficie : minimum 2 m2, maximum fixée par le conseil municipal.
- CE 25 juin 2008, Cts Schiocchet, n° 297.914 : le maire peut s’opposer à une demande si la superficie réclamée est excessive et si "l’importance de cette surface par rapport à la superficie susceptible d’accueillir de nouvelles sépultures et, d’autre part, de la dimension de la famille, compte tenu notamment de leur absence de descendance, par rapport aux besoins des autres personnes susceptibles de demander une concession".
f) Les motifs de refus de l’octroi d’une concession
- Règle 1 : il faut distinguer le droit à sépulture du droit à la concession.
L’absence de droit à sépulture au titre de l’art. L. 2223-3 du CGCT n’est pas un motif légal pouvant fonder un refus d’octroyer une concession funéraire (CE 25 mai 1990, Commune de Cergy / Duval-Bertin, n° 71.412).
- Règle 2 : le principal motif de refus est celui de l’absence de place dans le cimetière.
- Le Conseil d’État a considéré : "qu’un maire, qui est chargé de la bonne gestion du cimetière, peut, lorsqu’il se prononce sur une demande de concession, prendre en considération un ensemble de critères, parmi lesquels figurent notamment les emplacements disponibles, la superficie de la concession sollicitée au regard de celle du cimetière, les liens du demandeur avec la commune ou encore son absence actuelle de descendance" (CE 25 juin 2008, n° 297.914).
- Le choix des motifs du refus est important, car leur illégalité peut entraîner la mise en cause de la responsabilité de la commune pour le préjudice moral et matériel subi (CAA Marseille, 20 mai 1998, commune de Saint-Étienne-du-Grès, n° 046348).
- Les principaux motifs admis par la jurisprudence : le manque de place dans le cimetière et les contraintes liées à l’aménagement du cimetière (CE 26 avril 1994, Mlle Arii, n° 133.244).
- Sont notamment interdits les motifs suivants : l’absence de résidence sur la commune, la réservation d’emplacements pour les seuls résidents de la commune, la propriété d’une autre concession dans le cimetière (CE 5 décembre 1997, cne de Bachy c/ Saluden-Laniel, n° 112.888).
g) Choix de l’emplacement
C’est le maire qui détermine l’emplacement mais, dans l’hypothèse où le demandeur a fait part de ses préférences, l’autorité territoriale ne peut s’y opposer que pour des motifs d’intérêt général (CE 28 janvier 1925, Valès).
h) Obligations du concessionnaire et du concédant
- Obligations du concessionnaire : paiement du prix et obligation d’entretien (L. 2213-8 CGCT).
- Obligations du concédant : respect des droits du concessionnaire – délivrance d’un terrain conforme à sa destination – éviter toute voie de fait ou emprise irrégulière.
5 - Identité des concessionnaires
- La décision octroyant une concession est une décision individuelle créatrice de droit qui ne peut être retirée au-delà du délai de 4 mois de son édiction sauf fraude du demandeur (CAA Bordeaux, 2 mars 2010, Gilbert X, n° 08BX02222).
- La concession est transmise par voie de succession au décès du concessionnaire (cas du décès sans testament : indivision perpétuelle entre héritiers).
- Le titulaire de la concession est le régulateur du droit à inhumation dans la concession (Rép. Min. n° 47006 : JOAN Q 26 octobre 1992, p. 4919).
6 - Droit de construction du titulaire de concession funéraire
- L. 2223-13 du CGCT : "Les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux."
- Le maire, en application des articles L. 2213-8 et L. 2213-9 du CGCT, ne peut interdire que les constructions pouvant porter atteinte à l’ordre et à la décence dans le cimetière (CE 18 février 1972, Chambre syndicale des entreprises artisanales du bâtiment de la Haute-Garonne, n° 72.277).
- Une interdiction de principe de construction est censurée par le juge (CE 8 novembre 1993, consorts Sentilles et commune de Sère-Rustaing, n° 128447 ; n° 133324).
- À l’opposé des parcelles concédées, le concessionnaire dispose d’un droit de propriété sur les ouvrages construits (CE 19 octobre 1966, Cne de Clermont).
Philippe Dupuis, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT. |
II – "Les principales erreurs à ne pas commettre"
Intervention de Philippe Dupuis, qui assure de nombreuses formations en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT.
1 - La reprise des terrains communs
Un formalisme simple. La reprise de ces sépultures sera décidée par une délibération du conseil municipal, qui charge le maire de son exécution. Elle s’opère par un arrêté du maire, affiché aux portes de la mairie et du cimetière, et notifié aux membres connus de la famille. Si on ne connaît personne, on se contentera de l’affichage.
Cet arrêté précise :
- la date de la reprise effective ;
- le délai laissé aux familles pour récupérer les objets déposés sur la sépulture.
Il convient de relever que le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) n’évoque pas ces formalités de reprises. Néanmoins, la jurisprudence en fait un préalable obligatoire (Cass. crim., 3 octobre 1862, Chapuy : Bull. crim. 1862, II, p. 908), et le ministre de l’Intérieur le rappelle opportunément (Rép. min. n° 36690, JOAN 9 décembre 1991).
De gauche à droite : Philippe Dupuis, Steve la Richarderie, Marie-Chistine Monfort et Marie-Hélène Pachen-Lefèvre. |
2 - La reprise des concessions échues
Art. L. 2223-15 du CGCT, 3e alinéa
"À défaut du paiement de cette nouvelle redevance, le terrain concédé fait retour à la commune. Il ne peut cependant être repris par elle que deux années révolues après l’expiration de la période pour laquelle le terrain a été concédé… Dans l’intervalle de ces deux années, les concessionnaires ou leurs ayants cause peuvent user de leur droit de renouvellement."
Le terrain fait ainsi retour à la commune sans aucune formalité, aucune publicité, et ce, quel que soit son état général à la fin de la durée de la concession (CE 26 juillet 1985, M. Lefèvre et autres : Juris-Data n° 1985-605744 ; Rec. CE, tables, p. 524 ; CE 20 janvier 1988, Mme Chemin-Leblond c/ Ville de Paris : Dr. adm. 1988, comm n° 128).
L’erreur à ne pas commettre : la matérialisation d’une procédure alternative dans le règlement de cimetière
"Considérant que la ville de Paris a entendu, en instituant l’art. 29 précité de son règlement général des cimetières, soumettre l’exercice de son droit de reprise des concessions funéraires arrivées à leur terme à une procédure préalable d’information des concessionnaires par voie d’affichage en vue, notamment de leur rappeler leur obligation de procéder à l’enlèvement des monuments funéraires existant sur les terrains anciennement concédés". (CAA Versailles 17 septembre 2008, n° 08VE00240).
La reprise des concessions en état d’abandon : les erreurs à ne pas commettre
Erreur 1 : l’irrespect du délai d’information
Il faut constater l’état d’abandon, ce qui se fait grâce à un procès-verbal dressé en présence du maire ou de son délégué (sauf à Paris où c’est le conservateur du cimetière). Les descendants et successeurs du titulaire seront prévenus par lettre recommandée avec accusé de réception de cette démarche. Cette lettre doit les inviter à être présents ce jour ou à s’y faire représenter. La lettre doit être adressée un mois avant. Dans le cas courant où les adresses ne sont pas connues, il pourra être remplacé par un affichage à la mairie ainsi qu’à la porte du cimetière, précisant date et heure de cette visite (CE 6 mai 1995, commune d’Arques c/ Mme Dupuis-Matton, req. n° 111720). C’est une formalité substantielle dont le non-respect entraînera la nullité de la procédure.
Erreur 2 : une description trop succincte de l’état des sépultures
Le juge refuse les formules trop vagues : "Considérant que, par procès-verbal établi le 17 décembre 1977, le maire de Chissey-en-Morvan a constaté que "la plupart" des dix-sept concessions concernées, parmi lesquelles figure la concession 197 dont était titulaire M. Y..., "se trouvent dans un état d'abandon total" et que "d'autres ... n'ont aucun vestige de tombe" ; qu'ainsi, contrairement aux dispositions précitées, les mentions de ce procès-verbal ne décrivent pas l'état précis dans lequel se trouvait chaque concession ; que, par suite, le requérant est fondé à soutenir que la procédure de reprise de concession menée par la commune de Chissey-en-Morvan était irrégulière" (CAA Nancy 3 novembre 1994, M. Gaunet, req. n° 93NC00482)
Erreur 3 : l’irrespect des conditions d’affichage du premier PV
Art. R2223-16 CGCT :
"Dans le même délai de huit jours, des extraits de procès-verbal sont portés à la connaissance du public par voie d'affiches apposées durant un mois à la porte de la mairie, ainsi qu'à la porte du cimetière.
Ces affiches sont renouvelées deux fois à quinze jours d'intervalle.
Un certificat signé par le maire constate l'accomplissement de ces affichages. Il est annexé à l'original du procès-verbal".
Traduction pratique
- 1er PV : affichage un mois. 15 jours où il n’y a pas d’affichage.
1er renouvellement (qui correspond en fait à un deuxième affichage) : les affiches sont apposées pendant un mois. 15 jours où de nouveau il n’y a pas d’affichage.
2nd renouvellement (qui correspond en fait à un troisième affichage) : les affiches sont apposées pendant un mois.
Erreur 4 : attention aux délégations !
Art. R2223-18 CGCT :
Un mois après cette notification et conformément à l'art. L. 2223-17, le maire a la faculté de saisir le conseil municipal, qui est appelé à décider si la reprise de la concession est prononcée ou non. Dans l'affirmative, le maire peut prendre l'arrêté prévu au troisième alinéa de l'art. L. 2223-17.
Art. L. 2122-22 CGCT :
Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : 8° De prononcer la délivrance et la reprise des concessions dans les cimetières.
3 - L’ossuaire
L’art. L. 2223-4 du CGCT :
"Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés.
Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt.
Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire."
Un équipement obligatoire
Depuis le vote de la loi no 2008-1350 du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire. Art. L. 2223-4.
Le maire peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt.
La réforme du 19 décembre 2008 interdit désormais d’incinérer les restes repris lorsque ces personnes avaient manifesté leur opposition à la crémation. Cette opposition pouvant être connue ou attestée.
Opposition à la crémation
- Connue : le défunt a laissé un écrit souhaitant que ses restes mortels ne fassent jamais l’objet d’une crémation.
- Attestée : des proches du défunt, sa famille, à l’issue d’une procédure de reprise qu’ils ne contestent pas, expriment l’opposition que le défunt aurait eue d’être incinéré.
Il est de plus désormais énoncé à l’art. L. 2223-4 du CGCT que "les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition sont distingués au sein des ossuaires". Ces restes mortels seront inhumés dans des boîtes à ossements comportant autant que faire se peut les noms et prénoms des défunts. En cas d’ignorance de ces indications, on portera l’indication de l’endroit où ces restes auront été retrouvés. Réponse du ministère de l’Intérieur, de l’Outre-Mer et des Collectivités territoriales, publiée au JO Sénat du 10 septembre 2009, p. 2161.
Quelle utilité ?
Il existe trois hypothèses dans lesquelles, une fois l’exhumation réalisée, les restes mortels sont déposés à l’ossuaire. Il s’agit de la reprise des sépultures en terrain commun, au terme du délai de rotation, et de la reprise des concessions funéraires soit parvenues à échéance et non renouvelées dans un délai de deux ans, soit à l’achèvement d’une procédure de constatation "d’état d’abandon". Rép. min n° 00131, JO S, 5 juillet 2012.
Combien en faut-il ?
L. 2223-4 CGCT
"Lorsque le cimetière n'offre pas d'emplacement suffisant pour la construction de l'ossuaire visé au premier alinéa de l'art. L. 2223-4, les restes peuvent être transférés par décision du maire dans l'ossuaire d'un autre cimetière appartenant à la commune.
Lorsque la commune est membre d'un syndicat de communes, d'un district ou d'une communauté urbaine, le transfert peut avoir lieu dans les mêmes conditions sur le territoire d'une autre commune appartenant au même groupement de communes."
Caractéristiques techniques
Rien ne précise quelles doivent être les caractéristiques techniques de cet équipement (Rép. min. n° 5973 du 6 décembre 1993, JOAN Q, p. 4378) : "Aucun texte ne précise les caractéristiques particulières de l’ossuaire communal."
Le plus souvent, il s’agira d’une fosse ou d’un caveau de reprise affecté à cette mission, voire parfois d’un édicule construit spécifiquement à cette fin.
Que peut-on y déposer ?
L’art. L. 2223-4 du CGCT :
"Un arrêté du maire affecte à perpétuité, dans le cimetière, un ossuaire aménagé où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Aucune définition du terme "restes" en droit. Néanmoins du point de vue lexicographique :
- restes, dépouille mortelle de l'homme (Littré),
- cadavre, ossements (Larousse).
Ainsi, rien ne s’oppose à l’inhumation de corps à différents stades de décomposition, nonobstant des problèmes pratiques (place, etc.).
Art. R. 2223-20 du CGCT :
Trente jours après la publication et la notification de l'arrêté, le maire peut faire enlever les matériaux des monuments et emblèmes funéraires restés sur la concession. Il fait procéder à l'exhumation des restes des personnes inhumées. Pour chaque concession, ces restes sont réunis dans un cercueil de dimensions appropriées.
Art. R. 2213-42 du CGCT :
Les personnes chargées de procéder aux exhumations revêtent un costume spécial qui est ensuite désinfecté ainsi que leurs chaussures. Elles sont tenues à un nettoyage antiseptique de la face et des mains. Le ministre chargé de la Santé fixe, après avis du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP), les conditions dans lesquelles les cercueils sont manipulés et extraits de la fosse. Lorsque le cercueil est trouvé en bon état de conservation au moment de l'exhumation, il ne peut être ouvert que s'il s'est écoulé cinq ans depuis le décès. Lorsque le cercueil est trouvé détérioré, le corps est placé dans un autre cercueil ou dans une boîte à ossements.
R. 2223-6 du CGCT :
Les cendres des restes exhumés sont déposées dans un columbarium, dans l'ossuaire ou dispersées dans le lieu spécialement affecté à cet effet prévu à l'art. R. 2223-9.
Rappelons qu’il pourrait être judicieux dans les cimetières connaissant des carrés confessionnels d’instituer des ossuaires confessionnels. En effet, une circulaire du ministre de l’Intérieur en date du 19 février 2008 (NOR/INT/A/08/00038/C) préconise la création d’ossuaires spéciaux pour les défunts issus des carrés confessionnels.
L’obligation d’une inhumation en cercueil
Les restes d’une concession non renouvelée sont donc réunis dans un cercueil de dimensions appropriées en vue soit de leur réinhumation immédiate dans l’ossuaire spécial, soit de leur crémation suivie de la dispersion des cendres dans le lieu spécialement destiné à cet effet, conformément aux articles L. 2223-4 du CGCT et R. 361-30 du Code des communes. Rép. min. n° 33616, JOAN Q 8 novembre 1999.
En pratique, ce cercueil est dénommé "reliquaire", ou "boîte à ossements", en reprenant la formulation de l’art. R. 2213-42 du CGCT.
Le dépôt en vrac, ou de toute autre manière qui ne pourrait qu’être jugée irrespectueuse, pourrait être passible du délit de l’art. 225-17 du Code pénal.
Art. 225-17
Toute atteinte à l'intégrité du cadavre, par quelque moyen que ce soit, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
La violation ou la profanation, par quelque moyen que ce soit, de tombeaux, de sépultures, d'urnes cinéraires ou de monuments édifiés à la mémoire des morts est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 € d'amende.
La peine est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 € d'amende lorsque les infractions définies à l'alinéa précédent ont été accompagnées d'atteinte à l'intégrité du cadavre.
Quel devenir pour ces restes ?
Rép. min. n° 01357 publiée dans le JO Sénat du 9 août 2007
Le terrain affecté à l’ossuaire bénéficie d’une affectation définitive et perpétuelle. Le retrait des ossements d’un ossuaire pourrait, sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, constituer un manquement au respect dû aux morts. Il convient de remarquer que cette affectation à perpétuité implique que, techniquement, une fois les ossements déposés dans l’ossuaire, il n’est pas prévu qu’une famille puisse en demander la restitution. Il convient néanmoins de remarquer l’absence de jurisprudence sur ce point.
Récemment, le Gouvernement vient rappeler notre analyse en estimant que l’exhumation de restes mortels se trouvant dans l’ossuaire est interdite. Il s’agit donc réellement de l’ultime sépulture des défunts.
Rép. min n° 00131, JO S, 5 juillet 2012
Lorsqu’un corps est inhumé dans une sépulture en terrain commun, le plus proche parent du défunt peut à tout moment en demander l’exhumation en vue d’une réinhumation dans un emplacement concédé, évitant ainsi le placement d’office à l’ossuaire au terme du délai de rotation. S’agissant de la reprise des concessions parvenues à échéance, la famille dispose d’un droit à renouvellement pendant deux années, auquel le maire ne peut s’opposer. Enfin, la procédure de constatation d’état d’abandon s’étale sur une durée minimum de trois années, qui donnent plusieurs occasions à la famille de faire obstacle à l’exhumation des restes mortels. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que le placement à l’ossuaire est définitif. Dès cet instant, les restes mortels sont placés sous la responsabilité de la commune, et la famille ne peut donc plus en disposer. En conséquence, le maire ne peut pas délivrer d’autorisation d’exhumation pour extraire des ossements, même individualisés, de l’ossuaire.
Marie-Christine Monfort, chef de service en charge de deux crématoriums et du cimetière communautaire à Lille Métropole Communauté Urbaine. |
III – "Les concessions funéraires : quelques cas concrets"
Intervention de Marie-Christine Monfort, chef de service en charge de deux crématoriums et du cimetière communautaire à Lille Métropole Communauté Urbaine.
Les concessions funéraires : droit à concession
Le maire peut-il refuser l’attribution d’une concession ?
- Le conseil municipal peut prendre une délibération pour proscrire la concession de terrains, dans un de ses cimetières, aux particuliers ne répondant pas aux conditions posées par l’art. L. 2223-3 du CGCT.
- Cette décision doit être motivée par la bonne gestion de ce cimetière, notamment l’impossibilité technique de procéder aux reprises des concessions expirées.
Le statut des concessions
Collectives, individuelles, familiales. Conséquences pratiques.
- Un particulier fonde une concession familiale dans le cimetière de la commune afin qu’y reposent le moment venu lui-même, son conjoint et ses descendants.
- Toutefois, au décès de son épouse, il s’oppose formellement à l’inhumation dans ladite concession – son corps est admis dans le caveau d’attente.
- Ce n’est qu’au décès de son père que le fils du couple, devenu ayant droit de la concession, y organise l’inhumation de sa mère.
- La commune, en dépit du statut de la concession, était tributaire de l’accord de son titulaire jusqu’à son décès.
Autre illustration :
- Un couple fonde une concession dans laquelle il fait aménager un caveau de 6 places.
- Les deux époux décèdent.
- Quelques années plus tard, leur fille unique perd son enfant et, en qualité d’ayant droit de la concession de ses parents, y demande son inhumation.
- Après vérification, il apparaît que la concession est une concession collective :
- Sur le contrat ne figurent que les noms des deux fondateurs…
- Dans ce cas, le nombre d’emplacements contredit le statut enregistré.
- Cette faute ancienne est opposée au maire actuel qui se trouve placé devant un dilemme.
Le renouvellement
Règles de publicité. Gestion des renouvellements.
- Il est essentiel de vérifier la validité de la concession sur laquelle un particulier demande à élever un monument.
- Une commune a repris en 2002 une concession expirée depuis 1991 sur laquelle elle avait autorisé un aménagement en 1993.
- Condamnation de la commune à indemniser le particulier.
- Les titres de concession doivent être conservés par la commune, le doute pouvant bénéficier au particulier.
- Une commune a dû considérer comme perpétuelle une concession réputée temporaire créée en 1868 dans une parcelle dédiée à compter de 1898 à l’implantation des concessions perpétuelles.
- La commune a lancé en 2007 une procédure de reprise qui a été annulée par le juge administratif, qui a estimé que son absence prolongée de réaction fondait la famille à penser que la concession était perpétuelle.
Transmission des concessions
Un cas particulier en exemple : le legs
- Si la concession a déjà été utilisée, le bénéficiaire du legs d’une concession ne peut être qu’un membre de la famille.
- Une commune a refusé le legs d’une concession au profit d’une amie de la défunte dont les parents y avaient été inhumés, les ayants droit ayant parallèlement fait connaître leur désistement.
- Le juge administratif a annulé cette décision.
Les inhumations
Précautions préalables à la délivrance de l’autorisation. Le contrat de concession, même ancien, doit être consulté avant toute autorisation d’inhumation :
- Une commune autorise l’inhumation de plusieurs membres d’une famille dans une concession créée en 1957.
- Il s’agissait en fait d’une concession individuelle fondée par un particulier pour la seule inhumation de son fils, divorcé.
- La condamnation de la commune sera moindre du fait que les inhumations irrégulières concernaient des membres de la famille.
Les exhumations
La demande doit émaner du plus proche parent.
- Sont considérées comme des exhumations les réductions et réunions de corps.
- Une commune, ayant autorisé une exhumation demandée par un particulier se présentant comme étant le plus proche parent du défunt, se voit attaquer ensuite par une personne, héritière du même rang, opposée à l’opération.
- La commune n’avait pas connaissance de l’existence de ce conflit.
- La commune est exonérée de toute responsabilité, dans la mesure où elle a exigé du requérant une attestation sur l’honneur.
- Il doit être certifié qu’il n’existe aucun autre parent venant au même degré de parenté que lui ou, si c’est le cas, qu’aucun d’eux n’est susceptible de s’opposer à l’exhumation sollicitée.
Aménagement du cimetière
Nécessité d’élaborer et de tenir à jour un plan de gestion qui permet de connaître l’emplacement des terrains concédés. Risque encouru d’attribuer successivement la même parcelle à deux concessionnaires différents :
- la commune attribue dans un premier temps un terrain d’une superficie de 5,4 m² à un couple désireux de reposer côte à côte le moment venu,
- au décès du conjoint survivant, impossibilité de procéder à l’inhumation, car un terrain concédé à une autre personne empiète sur cette parcelle : la défunte est admise au caveau provisoire,
- la commune a dû prendre à sa charge tous les frais liés à la mise à disposition d’un terrain équivalent à la famille.
Autre situation : une commune a consenti la concession d’un terrain d’attente à un particulier, à proximité d’un terrain où reposent ses parents.
- Le terrain est resté vierge et non identifié.
- La commune autorise à tort une inhumation sur cette parcelle qui a été concédée entre-temps à une autre famille.
- La commune a limité la portée de sa condamnation en obtenant que la famille accepte de procéder à l’exhumation du défunt afin que le terrain soit restitué à son titulaire initial.
- L’ensemble des opérations a été pris en charge par la commune.
Police des cimetières
Surveillance des opérations – Dangerosité des monuments
À l’occasion d’une superposition dans une concession familiale, un usager remarque que le nombre de cercueils présents ne correspond plus au nombre de défunts réputés inhumés dans la sépulture.
- La commune est dans l’incapacité de fournir un exemplaire de l’autorisation qu’elle aurait délivrée pour qu’il soit procédé le cas échéant à une exhumation.
- La disparition des restes mortels manquants est imputable à un manquement du maire de la commune dans l’exercice de ses pouvoirs de police.
- Cette faute engage la responsabilité de la commune.
Autre conséquence :
Quand le maire a connaissance d’un danger potentiel que présenterait un monument dans le cimetière, parallèlement à la procédure administrative, il doit prendre toute disposition pour interdire l’accès au périmètre concerné, par des barrières ou des rubalises.
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