Chacun a droit à une inhumation digne organisée par la collectivité lorsque la famille ne peut y pourvoir.
Damien Dutrieux, consultant au Cridon Nord-Est, maître de conférences associé
à l’Université de Lille 2.
L'art. L. 2213-11 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) dispose que : "Il est procédé aux cérémonies conformément aux coutumes et suivant les différents cultes ; il est libre aux familles d'en régler la dépense selon leurs moyens et facultés."
Personnes dépourvues de ressources suffisantes
L'obligation à la charge de la commune du lieu du décès d'inhumer les personnes dépourvues de ressources suffisantes résulte de la combinaison de deux articles du CGCT art. L. 2213-7 : ("Le maire ou, à défaut, le représentant de l'État dans le département pourvoit d'urgence à ce que toute personne décédée soit ensevelie et inhumée décemment sans distinction de culte ni de croyance", et art. L. 2223-27 : "Le service est gratuit pour les personnes dépourvues de ressources suffisantes. Lorsque la mission de service public définie à l'art. L. 2223-19 n'est pas assurée par la commune, celle-ci prend en charge les frais d'obsèques de ces personnes. Elle choisit l'organisme qui assurera ces obsèques.") Les textes (à l'exception du service intérieur des pompes funèbres assuré par les fabriques ; art. L. 2223-29, al. 2, du CGCT) n'utilisent plus le terme "indigent" (G. d'Abbadie, "L'inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes", dans G. d'Abbadie et G. Defarge, "Opérations funéraires" : Imprimerie nationale, 1998, p. 162).
Par ailleurs, le décret n° 2006-965 du 1er août 2006 relatif au décès des personnes hospitalisées et aux enfants pouvant être déclarés sans vie à l'état civil dans les établissements publics de santé, et créant, dans la partie réglementaire du Code de la santé publique, une section intitulée "Décès des personnes hospitalisées et mesures relatives aux enfants pouvant être déclarés sans vie à l'état civil dans les établissements de santé" (art. R. 1112-75 à R. 1112-76-2 du Code de la santé publique), traite du devenir, dans les établissements de santé, des défunts et des enfants sans vie non réclamés.
Défunts non réclamés
Concernant les défunts non réclamés par la famille ou les proches dans les dix jours à compter du décès, l'art. R. 1112-76, II du Code de la santé publique indique que l'établissement devra "faire procéder à l'inhumation du défunt dans des conditions financières compatibles avec l'avoir laissé par celui-ci" (cependant, "s'il s'agit d'un militaire, l'inhumation du corps s'effectue en accord avec l'autorité militaire compétente"). Le texte précise qu' "en l'absence de ressources suffisantes, il est fait application des dispositions de l'art. L. 2223-27 du CGCT". Il importe de relever que les obsèques doivent avoir lieu dans les deux jours francs (ce qui en pratique signifie que le jour de l’événement – le décès – n’est pas pris en compte, le délai partant du lendemain à 0 h 00).
Enfants sans vie
Concernant les enfants sans vie, alors que ces enfants sans vie étaient considérés comme des déchets anatomiques par la circulaire du 30 novembre 2001, le décret n° 2006-965 du 1er août 2006 (art. R. 1112-76, II, 2° du Code de la santé publique) impose la crémation, à la charge de l'établissement de santé (aucune participation de la commune n'est dès lors exigible), sauf si la commune de rattachement de l'établissement hospitalier permet l'inhumation dans le cimetière (certaines communes permettent même l'inhumation de fœtus ; D. Dutrieux, "La délivrance des concessions funéraires et des sépultures dans le cimetière communal" : JCP A 2003, 1933). Le Code de la santé publique prévoit, pour l'inhumation, l'existence d'une convention entre l'établissement et la commune, cette convention ayant très certainement également pour objet la prise en charge financière des opérations d'inhumation (eu égard aux tarifs pratiqués dans différents crématoriums, certains établissements de santé devraient être tentés, pour des raisons budgétaires, d'obtenir l'accord de la commune afin de procéder à des inhumations).
La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 (art. 20) a ajouté un second alinéa à l'art. L. 2223-27 du CGCT pour prévoir que, lorsque la commune prend en charge l'organisation et le financement des obsèques d'une personne dépourvue de ressources suffisantes, le maire peut faire procéder à la crémation du corps lorsque le défunt en a exprimé la volonté.
Solliciter le remboursement
La commune ayant payé les frais d'obsèques peut solliciter le remboursement des sommes engagées pour l'inhumation en utilisant le privilège institué par le Code civil (art. 2331 du Code civil) ou, à défaut d'un actif successoral suffisant, sur le fondement de l'obligation alimentaire des enfants ou du conjoint survivant (D. Dutrieux, "Le paiement des frais d'obsèques" : Gazette des communes 29 octobre 2007, p. 62).
Justification des taxes en matière funéraire
Par ailleurs, c'est en raison de l'obligation pour la commune de prendre en charge l'inhumation des personnes dépourvues de ressources suffisantes que le législateur permet au conseil municipal de voter des taxes communales sur les opérations de convoi, d'inhumation et de crémation. Ces taxes constituent des prélèvements de nature fiscale et doivent être inscrites dans la section de fonctionnement du budget de la commune.
Pour ce qui concerne les inhumations, ces opérations comprennent les inhumations en terrain commun, dans une concession particulière ou dans une propriété privée, ainsi que les dépôts d'urnes cinéraires dans une sépulture (pour le ministre de l'Intérieur, le scellement d'une urne sur un monument funéraire s'assimile à l'inhumation de l'urne dans une concession et se trouve donc susceptible d'être taxé ; Rép. min. n° 30827 : JOAN Q, 30 août 1999, p. 5178) ou dans une case de columbarium.
La taxe de crémation ne peut être prélevée que par la commune sur le territoire de laquelle sera effectuée l'opération. Concernant les convois, la circulaire du ministère de l'Intérieur n° 97-00211 C du 12 décembre 1997 précise que : "Les convois funéraires recouvrent les opérations de transport de corps après mise en bière effectuées sur le territoire de la commune à condition qu'ils ne soient pas réalisés avec pompe ou cérémonie." Enfin, contrairement à certaines pratiques locales, il ne peut être prélevé de taxe d'exhumation (Rép. min. n° 11051 : JOAN Q, 18 avril 1994, p. 1947).
Solidarité entre les communes
Il est possible de relever enfin un nouvel art. L. 2321-5 du CGCT (loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques ; JO du 23 mars, p. 5186) qui vient prévoir que les communes, dont les habitants représentent, au titre d’une année, plus de 10 % des parturientes ou plus de 10 % des personnes décédées dans un établissement public de santé comportant une maternité et situé sur le territoire d’une autre commune comptant moins de 3 500 habitants, contribuent financièrement aux dépenses exposées par cette autre commune pour la tenue de l’état civil et l’exercice des actes de police des funérailles, si le rapport entre le nombre des naissances constatées dans cet établissement et la population de la commune d’implantation dépasse 40 %.
Ce texte précise que la contribution de chaque commune est fixée en appliquant aux dépenses visées au premier alinéa la proportion qui est due aux habitants ayant leur domicile sur son territoire dans le nombre total d’actes d’état civil ou, selon le cas, de police des funérailles constatées dans la commune d’implantation (la contribution étant due chaque année au titre des dépenses constatées l’année précédente).
Cette contribution doit être fixée d’un commun accord entre les communes concernées, et, à défaut, par le préfet. Il importe de relever que ce dispositif entre en vigueur immédiatement et va déjà concerner les charges exposées en 2010 (D. Dutrieux, "Solidarité entre communes en matière d’état civil" : un cavalier écarté du projet de loi de finances rectificative pour 2010 réintroduit dans la loi n° 2011-302 du 22 mars 2011 : JCP A 2011, act. 212).
Damien Dutrieux
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