Il appartient à la Cour d'appel d'apprécier souverainement la volonté du défunt quant au choix de sa sépulture. Cette volonté permet d'écarter le principe d'immutabilité de la sépulture et de valider une exhumation opérée par certains enfants du défunt sans l'accord des autres.
Rappel sur l'exhumation
Opération qui consiste à sortir le corps d'une sépulture en vue de son inhumation dans une autre sépulture, dans l'ossuaire du cimetière communal ou en vue de sa crémation, l'exhumation nécessite une autorisation délivrée par le maire sur le fondement de l'art. R. 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Lorsqu'il est sollicité pour une telle opération, le maire doit vérifier que les conditions prévues à l'article précité sont effectivement remplies (CE, 9 mai 2005, n° 262977, Rabau : JCP G 2005, II 10131, note D. Dutrieux) ; en effet, le maire doit s'assurer de la qualité de plus proche parent du défunt du pétitionnaire, puis de faire attester sur l'honneur qu'il n'y a pas de plus proche parent au même degré ou que ceux-ci ne s'opposent pas à l'opération (on remarquera, dans l'arrêt commenté, que la demande d'exhumation ne semble avoir été sollicitée que par une partie de ces enfants).
Lorsque le défunt a été inhumé dans une concession funéraire qui n'appartient pas au demandeur, la demande d'exhumation doit par ailleurs s'accompagner de l'autorisation d'accéder à la sépulture. Pour pallier un éventuel refus de la part du titulaire de la concession ou pour surmonter l'opposition à l'exhumation dont a été informé le maire (dans ces deux hypothèses, le maire doit en effet surseoir à délivrer l'autorisation dans l'attente du règlement du conflit familial), il convient de saisir le juge judiciaire.
Rappel sur les exceptions à l'immutabilité des sépultures
Devant le juge judiciaire, l'exhumation est par principe refusée en présence d'une opposition familiale. Cette opposition de principe est aisément compréhensible en matière d'exhumation, en raison d'une grande sensibilité des familles, puisque – pour reprendre l'intéressante formule d'un rapport parlementaire des sénateurs Lecerf et Sueur – lorsque est pratiquée une telle opération, en même temps qu'est violée la paix des morts, se trouve troublée la sérénité des vivants (J.-P. Sueur et J.-R. Lecerf, "Sérénité des vivants et respect des défunts" :
Rapport n° 372, Sénat, 31 mai 2006).
Pour opposer son refus, le juge utilise le principe de l'immutabilité de la sépulture ; en effet, "la paix des morts ne [doit] pas être troublée par les divisions des vivants et leurs convenances personnelles" (cet attendu est repris dans de nombreux arrêts ; voir notamment ceux commentés par le Pr Beigner V., notamment : B. Beignier, "Le respect dû aux morts n'est pas mort ... : Droit de la famille" 2001, comm. 9). Ce principe de l'immutabilité de la sépulture souffre néanmoins deux exceptions.
La première a trait au caractère provisoire de la sépulture. Ce caractère provisoire peut, tout d'abord, s'exprimer dans la qualité de la sépulture fondée lorsque le corps a été inhumé dans le terrain commun d'un cimetière (CA Toulouse, 7 févr. 2000 : JCP G 2000, IV, 2374 ; "L'enfant étant enterré en terrain commun, sa sépulture n'est pas établie de façon stable. Il est donc de son intérêt posthume de reposer dans une concession insusceptible d'être bouleversée à brève échéance"). Ce caractère provisoire peut également se manifester dans l'existence d'oppositions au moment des funérailles.
Toutefois, l'absence d'opposition n'est pas en elle-même dirimante, dès lors que la seconde exception est présente, à savoir la volonté exprimée par le défunt (voir pour le cas d'un concubin qui ne s'était pas opposé à l'inhumation pratiquée par les parents du défunt : CA Poitiers, 7 mars 2007 : JCP N 2008, 1178, note D. Dutrieux ; il est vrai cependant que, dans cette affaire, ne s'étaient écoulés que six mois entre l'inhumation et la demande d'exhumation). Or, dans cette affaire, la Cour a considéré qu'était apportée la preuve de l'existence de cette volonté.
La volonté du défunt, au sens des dispositions de la loi du 15 novembre 1887 (CA Douai, 14 juin 1999, "Petites affiches" 1er septembre 1999, p. 10, note X. Labbée ; Cass. 1re civ. 8 avril 2009, pourvoi n° 08-12.217, à paraître au "Bulletin" ; Cass. 1re civ., 27 mai 2009 :
"Droit de la famille" 2009, comm. 94, note B. Beigner), doit en effet être démontrée pour que l'exhumation, qui ne dépend alors plus de la seule volonté du demandeur, soit nécessairement pratiquée.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l'Université de Lille 2.
Annexe : Cour de cassation chambre civile 1 RÉPUBLIQUE FRANCAISE |
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