Si une concubine a effectivement organisé les obsèques, doit-elle pour autant prendre à sa charge les frais qui en découlent ?
Il arrive parfois que, lors d’un décès, la concubine prenne en charge l’organisation des obsèques puis demande aux héritiers de payer la facture de l’entreprise de pompes funèbres. Cependant, les héritiers du concubin, en raison de mauvaises relations avec la concubine – ou d’absence de relations ! – ne veulent pas payer ou rembourser les frais d’obsèques prétextant qu’ils n’ont rien demandé, et que la concubine a été désignée usufruitière.
Dans le cadre de la législation funéraire, il est important de distinguer, d’une part, la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles et, d’autre part, le redevable des frais d’obsèques.
La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles
Concernant la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles, s’appliquent encore les principes issus de l’art. 3 de la loi du 15 novembre 1887 selon lesquels tout majeur ou mineur émancipé en état de tester a droit de régler les conditions de ses funérailles notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner et le mode de sa sépulture. Néanmoins, quand il n’y a pas de volonté exprimée, l’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 nous rappelle qu’il appartient à la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles d’organiser les obsèques (§ 426 de l’instruction). Dans ce cadre-là, il est reconnu que cette personne n’est pas nécessairement le plus proche parent du défunt mais la personne qui a partagé le plus d’intimité avec ce dernier, de façon à pouvoir deviner la volonté du défunt (v. à titre d’illustrations D. Dutrieux, "Volonté du défunt et volonté du fondateur de la sépulture" : JCPN 2008, 1178).
C’est pourquoi, sauf à démontrer soit l’existence de volonté écrite du défunt, soit une mésintelligence notoire entre le défunt et sa concubine, il demeure qu’indubitablement c’est à cette dernière d’organiser les obsèques.
La personne devant prendre en charge les frais d’obsèques
En revanche, les frais d’obsèques constituent indubitablement une charge successorale, la jurisprudence ayant même reconnu la possibilité pour la concubine d’organiser les obsèques que les enfants du défunt ont dû payer malgré la stipulation d’une convention obsèques au profit de ladite concubine (Cass. 3e civ., 17 mars 2010, n° 80-20.426 : LPA n° 124, 23 juin 2010, p. 18, note D. Dutrieux).
La loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 a même modifié le Code monétaire et financier afin de permettre un prélèvement direct des frais d’obsèques sur le compte bancaire du défunt ("Frais d’obsèques et compte bancaire du défunt" : JCPN n° 35, 30 août 2013, act. p. 844, note D. Dutrieux). Selon l’art. L. 312-1-4 du Code monétaire et financier : "La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d'un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie." Le seuil maximal de prélèvement a été fixé à 5 000 € par un arrêté du 25 octobre 2013 (D. Dutrieux, "Compte bancaire du défunt : prélèvement fixé à 5 000 € pour les frais d’obsèques" : JCPN, n° 50, 13 décembre 2013, act. 2013).
Il importe de relever, notamment avec M. Jo Le Lamer et Mme Frédérique Plaisant (Transition, n° 77, janvier 2014, p. 30), que c’est désormais la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles qui peut obtenir le paiement auprès de l’établissement teneur du compte bancaire.
Les héritiers du concubin devront payer
C’est pourquoi il convient de rappeler clairement aux enfants du défunt qu’il paraît, en l’état, particulièrement difficile pour eux de refuser le paiement des frais d’obsèques sauf à démontrer le caractère particulièrement somptuaire de ces derniers ou le non-respect de la volonté du défunt.
Afin d’être complet, il est même possible d’ajouter que, même si elle a été désignée comme usufruitière dans un testament par le défunt, la concubine légataire n’est tenue qu’au paiement des intérêts des dettes successorales, à l’exception du capital, pesant sur les nus-propriétaires (art. 612 du Code civil ; Cass. civ 1re, 9 déc. 2003, Bull. civ. I, n° 255).
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
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