Alors que l’obligation de posséder un dispositif "mémoriel" s’impose depuis plus d’une année, le ministère vient de publier une réponse étonnante concernant la mention de l’identité des défunts dont les cendres sont dispersées sur l’espace affecté à cet effet dans le site cinéraire communal.
La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 est venue introduire de nouvelles dispositions concernant le droit de la crémation afin de régler un grand nombre de difficultés liées à l’absence de statut pour les cendres. Cette même loi impose désormais, pour certaines communes ou établissements publics de coopération intercommunale, un site cinéraire dans lequel doit figurer un espace de dispersion.
Premier statut pour les cendres
Les deux chambres se sont accordées pour donner, tout d’abord, un statut civil, un nouvel art. 16-1-1 venant disposer que "les restes des personnes décédées, y compris les cendres de celles dont le corps a donné lieu à crémation, doivent être traités avec respect, dignité et décence". Parallèlement, le respect dû au corps s’impose, "y compris après la mort". Ainsi, les cendres ne pourront plus être au centre d’activités commerciales, notamment. Ensuite, c’est le statut pénal qui a été introduit par cette loi. La protection de l’intégrité du cadavre (art. 225-17 du Code pénal) vise désormais expressément les urnes cinéraires et donc nécessairement les cendres qu’elles contiennent.
Destination des cendres
La destination des cendres obéit depuis cette loi à un article législatif – l’art. L. 2223-18-2 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) –, qui prévoit que les cendres seront dispersées en pleine nature sauf sur les voies publiques, ou que les cendres intégreront une sépulture traditionnelle ou un équipement réservé aux cendres (inclus dans un site cinéraire d’un cimetière).
Le site cinéraire devient obligatoire pour les communes ou établissements publics compétents de 2 000 habitants et plus, mais l’entrée en vigueur du dispositif a été décalée au 1er janvier 2013.
Délai de réflexion
Les familles disposent, depuis cette loi du 19 décembre 2008, d’un délai de réflexion d’une année quant à la destination des cendres, délai pendant lequel elles ont la possibilité d’un dépôt provisoire au crématorium ou dans un édifice de culte.
Espace de dispersion
S’agissant de l’art. L. 2223-2 du CGCT au centre de l’interrogation du sénateur Jean-Pierre Sueur, ce texte dispose expressément que :
"Le site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation comprend un espace aménagé pour leur dispersion et doté d’un équipement mentionnant l’identité des défunts, ainsi qu’un columbarium ou des espaces concédés pour l’inhumation des urnes."
Or, le premier commentaire "officiel" de la loi par le ministère de l’Intérieur était des plus clairs. La circulaire du 14 décembre 2009 (n° NOR : IOCB0915243C) indiquait en effet que :
"III - Statut et destination des cendres issues de la crémation (articles 11 à 17 de la loi)
[…]
Les caractéristiques minimales du site cinéraire sont énoncées par l’art. 15 de la loi (codifié à l’art. L.22232du CGCT) :
- "présence d’un espace aménagé pour la dispersion des cendres, doté d’un équipement mentionnant l’identité des défunts" : il peut s’agir d’un monument, d’un mur où les noms sont inscrits directement ou à l’aide de plaques commémoratives individuelles, voire d’un équipement informatique, sous réserve des prérogatives de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. Quel que soit le type d’équipement choisi, il doit permettre la conservation des informations sur une durée au moins équivalente à celle applicable aux actes d’état civil […]".
À la lecture de cette circulaire, force est d’admettre que le ministère modifie dans la réponse reproduite ci-dessous (Rép. min. n° 06623, JO Sénat Q, 26 décembre 2013, p. 3730) son interprétation initiale.
Pourquoi pas ? pourrait-on dire
Néanmoins, considérer qu’en droit le terme "équipement" puisse être interprété comme recouvrant celui de "registre papier" relève d’une grande audace qu’il nous est difficile, à l’instar du sénateur auteur de la question posée, de valider. Que les communes concernées prennent leurs responsabilités, en gardant à l’esprit que le juge administratif ne s’est jamais estimé lié par l’interprétation d’un ministre contenue dans une réponse ministérielle, a fortiori lorsque cette dernière fait montre d’une certaine "fantaisie"…
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
Annexe
Question écrite n° 06623 de M. Jean-Pierre Sueur (Loiret – SOC) publiée dans le JO Sénat du 30/05/2013 – page 1629
Réponse du ministère de la Réforme de l’État, de la Décentralisation et de la Fonction publique publiée dans le JO Sénat du 26/12/2013 – page 3730
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