L’obligation, issue de la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 de distinguer, au sein de l’ossuaire, les restes susceptibles de crémation de ceux qui ne le sont pas, pouvait amener à penser qu’une demande d’exhumation était envisageable. Néanmoins, le ministre de l’Intérieur, contestant cette interprétation, confirme l’impossibilité d’obtenir une exhumation après le dépôt des restes à l’ossuaire.
Avant que de relever l’interdiction d’accorder une autorisation d’exhumer de restes déposés à l’ossuaire, il est possible de rappeler que la notion d’ossuaire se retrouve au centre de plusieurs problématiques propres à la législation funéraire.
Caractère obligatoire du cimetière
La question du caractère obligatoire pour chaque commune de posséder un cimetière a été longuement débattue. Depuis la loi n° 85-772 du 25 juillet 1985 (Journal officiel 26 juillet 1985 voir P. Pellas, "Le nouveau régime de localisation des cimetières : de la "relégation" à la "réinsertion" ": JCP G 1987, I, 3297), la formulation de l’art. L. 2223-1 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) semblait apporter une réponse à ce débat ; en indiquant que "chaque commune consacre à l’inhumation des morts un ou plusieurs terrains spécialement aménagés à cet effet", cet article posait donc le principe que la commune pouvait ne pas être propriétaire du terrain dès lors qu’il lui était affecté (voir M.-T. Viel, "Droit funéraire et gestion des cimetières" : coll. "Administration locale", Berger-Levrault, 2e éd., 1999, p. 222) ; toutefois, l’intervention, avec la codification de la partie législative du CGCT, du nouvel art. L. 2223-4 amenant le maire à affecter "à perpétuité" un emplacement pour l’ossuaire a remis à l’ordre du jour ce débat, certains auteurs considérant, à raison selon nous, que le maire ne peut "affecter à perpétuité" si le cimetière n’appartient pas à la commune (voir G. Chaillot, "Le droit funéraire français" : éd. Pro Roc, 1997, t. 2, p. 54 ; G. Chaillot, "Le droit des sépultures en France" : éd. Pro Roc 2004, p. 58).
Procédure de reprise :
En matière de reprise des sépultures (terrain commun, concessions particulières), il importe de relever qu’une fois les restes exhumés, ils doivent être "réunis dans un cercueil de dimensions appropriées", dénommé reliquaire ou boîte à ossements (art. R. 2223-20 du CGCT ; Rép. min. n° 33616 : JOAN Q, 8 novembre 1999, p. 6469 ; voir D. Dutrieux, "Reprise de concessions funéraires : les communes doivent-elles utiliser un reliquaire ?" : AJCT avril 2011, p. 173), pour être réinhumés dans l’ossuaire. Le maire peut toutefois décider de faire procéder à la crémation des restes présents dans les concessions reprises (art. L. 2223-4 du CGCT). Cette faculté a été remise en cause par le législateur qui, dans la rédaction donnée à cet art. L. 2223-4 par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 (à la suite du rapport des sénateurs Lecerf et Sueur, "Sérénité des vivants et respect des défunts" : Rapp. n° 372, Sénat, 31 mai 2006), interdisait toutefois la crémation en cas d’opposition connue, attestée ou présumée du défunt. Le dernier de ces termes ayant pour effet de rendre théoriquement impossibles la plupart des crémations au titre de l’art. L. 2223-4 (voir D. Dutrieux, "La fin des crémations administratives ?" : AJDA 2010, p. 1130), ce texte a été une nouvelle fois modifié (loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, Journal officiel 18 mai 2011) pour n’interdire la crémation qu’en cas d’opposition connue ou attestée, le terme "présumé" ayant été effacé (voir D. Dutrieux, "Simplification et amélioration de la qualité du droit : les apports à la législation funéraire" : JCP A 2011, 2228).
Pouvoir du maire dans le cadre de la gestion du domaine public communal
Si le terme "ossuaire" est présent dans le CGCT (notamment aux articles L. 2223-4 et R. 2223-6), la définition de l’ossuaire est peu explicite puisqu’il est simplement indiqué qu’il s’agit d’un lieu destiné à la réinhumation des restes exhumés (voir D. Dutrieux, "Un équipement du cimetière méconnu : l’ossuaire communal" : Funéraire magazine 2005, n° 159, p. 12). Les seules précisions sont celles apportées par le ministre de l’Intérieur dans une réponse à une question écrite (Rép. min. n° 5973 : JOAN Q, 6 décembre 1993, p. 4378). En pratique, il s’agit d’un emplacement affecté à perpétuité à la conservation des restes consistant en un ancien caveau ou en une simple fosse (ce qu’indiquait une ancienne circulaire du ministère de l’Intérieur du 30 mai 1924 ; voir D. Mastin, "Cimetières et opérations funéraires - Guide pratique" : 2e éd. Sofiac 2001, p. 376). Les restes inhumés dans l’ossuaire doivent avoir été préalablement introduits dans une boîte à ossements (Rép. min. n° 33616 : JOAN Q, 8 novembre 1999, p. 6469 ; voir D. Dutrieux, "Reprise de concessions funéraires : les communes doivent-elles utiliser un reliquaire ?", étude précitée).
Il importe de relever que l’ossuaire ne constituait un équipement obligatoire que lorsque le maire n’optait pas pour la crémation systématique des restes présents dans les concessions reprises (art. L. 2223-4 précité), puisque dans cette hypothèse l’ossuaire n’était a priori d’aucune utilité. La loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 rend, comme il a été précédemment indiqué, obligatoire l’ossuaire puisqu’il n’est pas possible de procéder à la crémation des restes d’une personne dont l’opposition à la crémation est connue ou attestée.
Une prohibition confirmée
Dès lors que des restes ont été déposés à l’ossuaire (faisant suite à une "rotation" du terrain commun, ou à une reprise pour non-renouvellement ou abandon), seul le maire peut éventuellement les faire retirer de cet équipement afin de procéder à leur crémation.
Cette faculté ouverte au maire, parfois contestée, ressort de la réforme introduite par la loi n° 2008-1350 du 19 décembre 2008 ayant modifié les règles relatives à l’ossuaire. En effet, ce retrait doit être possible, sinon on ne saurait comprendre pourquoi il convient de distinguer, en application de l’art. L. 2223-4 du Code de l’urbanisme, au sein de l’ossuaire entre les corps selon la possibilité ou non d’opérer une crémation ("Les restes des personnes qui avaient manifesté leur opposition à la crémation sont distingués au sein de l’ossuaire."). Si la distinction s’impose, c’est indubitablement que les corps peuvent sortir de l’ossuaire pour faire l’objet d’une crémation !
En revanche, la famille ne peut récupérer les restes déposés à l’ossuaire. En effet, à la question du sénateur Yves Détraigne l’interrogeant sur la possibilité pour une famille d’obtenir l’exhumation d’un corps déposé à l’ossuaire, le ministre de l’Intérieur a répondu que l’exhumation ne pouvait être autorisée (Rép. min. n° 00131, JO Sénat Q, 23 août 2012, p. 1818 ; voir D. Dutrieux, "Une famille peut-elle réclamer un corps déposé à l’ossuaire ?" : Résonance n° 84, octobre 2012, p. 10).
C’est ce refus que confirme le ministère de l’Intérieur dans la réponse reproduite ci-dessous.
Damien Dutrieux
Annexe :
Réponse du ministère de l’Intérieur publiée dans le JO Sénat du 12/09/2013 - page 2654 |
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