La loi du 26 juillet 2013 vient apporter un fondement légal au prélèvement du montant des frais d’obsèques sur le compte bancaire du défunt, étant cependant précisé que le dispositif n’est pas encore en vigueur puisqu’un arrêté fixera le maximum susceptible d’être prélevé (celui pratiqué à ce jour étant de 3 050 €). Cette loi vient également modifier le régime des "conventions obsèques" pour mieux correspondre aux volontés des souscripteurs et ne pas induire en erreur sur l’affectation juridique des sommes payées.
Analysés par le droit civil comme des frais liés à la succession de la personne décédée, les frais d’obsèques bénéficient d’un privilège général sur les meubles en application du "2°" de l’art. 2331 du Code civil (ce qui signifie que le créancier obtiendra prioritairement le remboursement des sommes avancées sur le prix tiré de la vente des biens du défunt en dehors des immeubles de ce dernier).
Seules les dépenses nécessaires à l’inhumation - ou à la crémation qui représente aujourd’hui 30 % des décès - sont privilégiées. Ainsi, à l’exception de dépenses somptuaires (c’est-à-dire sans rapport avec la "position sociale" du défunt), la personne qui a pris en charge les obsèques d’un proche, pourra en obtenir le remboursement en priorité par rapport aux autres créanciers grâce à ce privilège (voir D. Dutrieux, "Les frais d’obsèques : La Semaine Juridique Notariale et Immobilière 1999", n° 49, p. 1771). Néanmoins, si les forces de la succession sont insuffisantes (en d’autres termes si la succession est "déficitaire"), les héritiers tenus à l’obligation alimentaire devront assumer les frais, y compris en cas de renonciation à la succession selon l’art. 806 du Code civil. Ce dernier principe, avant d’être introduit en 2006 dans le Code civil, avait été posé par la Cour de cassation (Cass. 1re civ., 14 mai 1992 ; Bull. civ. 1992, I, n° 140, p. 95).
Donner un fondement légal à une pratique
Une proposition de loi (Prop. L. AN n° 225, 26 sept. 2012) avait suggéré de "légaliser" la faculté de prélever ces frais directement sur le compte bancaire du défunt. En effet, la pratique bancaire actuelle - puisque des prélèvements étaient jusqu’alors illégalement opérés - se fondait indirectement sur une instruction de la Direction de la comptabilité publique du 31 mars 1976 visant les comptes de dépôt ouverts par les particuliers auprès du Trésor public et devenue sans objet depuis le 31 déc. 2001 (date à laquelle les comptables du Trésor ont définitivement mis fin à la gestion de comptes de particuliers).
Le Gouvernement a finalement repris cette idée dans son projet qui allait devenir la loi n° 2013-672 du 26 juil. 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires (JO du 27 juil. 2013, p. 12530 ; voir D. Dutrieux, "Frais d’obsèques et compte bancaire du défunt : La Semaine Juridique Notariale et Immobilière 2013", n° 35, act. 843).
Le Code monétaire et financier (art. 72 de la loi n° 2013-672) est donc complété par un article L. 312-1-4 selon lequel :
"La personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt peut obtenir, sur présentation de la facture des obsèques, le débit sur les comptes de paiement du défunt, dans la limite du solde créditeur de ces comptes, des sommes nécessaires au paiement de tout ou partie des frais funéraires, auprès des banques teneuses desdits comptes, dans la limite d’un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l’Économie".
Un maximum non encore défini
Dans l’attente de l’arrêté ministériel auquel renvoie ce nouveau texte (aujourd’hui les prélèvements sont opérés à hauteur de 3 050 € ; Rép. min. n° 2469, JOAN Q 10 fév. 2003, p. 1034), il est possible de relever que la loi (art. 73 et 74) contient également deux dispositions venant modifier le Code Général des Collectivités Territoriales –CGCT- (art. L. 2223-33-1 et L. 2223-34-1), destinées à réglementer davantage les "conventions obsèques" (celles conclues auprès des opérateurs de pompes funèbres sur la base d’un devis détaillé et désormais "personnalisé"), et notamment prescrire que les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire (voir sur cette question : D. Dutrieux, "De l’appellation "convention d’obsèques" et de son absence de conséquence !, note sous Cass. 3e civ. 17 mars 2010, n° 80-20.426 : Petites Affiches, n° 124, 23 juin 2010, p. 18).
Dualité des formules de financement d’obsèques
En effet, selon la circulaire n° 2006-00119 C, du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire et du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, en date du 20 déc. 2006 (http://www.circulaires.gouv.fr/pdf/2009/04/cir_21732.pdf) relative aux formules de financement en prévision d’obsèques, il importe néanmoins d’opérer une distinction et c’est ce que rappelle indirectement mais nécessairement l’arrêt du 17 mars 2010 de la Cour de cassation précité.
Formule basée sur un devis désormais "personnalisé"
Ces formules peuvent en effet prendre la forme, tout d’abord, de contrats prévoyant des "prestations d’obsèques à l’avance" qui combinent un contrat d’assurance-vie et un contrat de prestations funéraires. Jusqu’à la promulgation de la loi n° 93-23 du 8 janv. 1993, modifiant le titre VI du livre III du Code des communes et relative à la législation dans le domaine funéraire (JO du 9 janv. 1993, p. 499, dite loi Sueur), la prévoyance funéraire a vécu sous la règle de l’usage et, pour la majeure partie des contrats, dénommés "convois d’avance", avec les normes des règles de l’épargne ou de la capitalisation.
Depuis cette loi, la formule de prestations d’obsèques à l’avance est un contrat spécifique qui comporte deux volets, un volet financement et un volet description des prestations funéraires. Elle implique obligatoirement l’action conjointe d’un assureur et d’un opérateur funéraire. Pour sa partie financement, elle s’appuie sur un contrat d’assurance sur la vie à forme individuelle ou collective par lequel l’assureur s’engage à verser, au décès du souscripteur ou de l’adhérent, le capital constitué à l’opérateur funéraire que ce souscripteur ou adhérent aura préalablement désigné.
Pour sa partie prestations funéraires communément désignée sous l’appellation "convention obsèques", elle définit les prestations funéraires que l’opérateur funéraire désigné s’engage à réaliser (voir la circulaire du 20 déc. 2006 précitée).
Face à certaines pratiques bancaires souhaitant commercialiser ce type de produit, le législateur est venu apporter des modifications par la loi n° 2004-1343 du 9 déc. 2004 de simplification du droit (JO 10 déc. 2004 p. 20857) en imposant un contenu détaillé des prestations d’obsèques tout en garantissant la possibilité de modifier les prestations et l’opérateur chargé d’exécuter le contrat. Ce contenu est donc, en plus d’être détaillé, désormais "personnalisé".
En effet, la nouvelle rédaction de l’art. L. 2223-34-1 du CGCT est la suivante :
"Toute clause d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance sans que le contenu détaillé et personnalisé de ces prestations soit défini est réputée non écrite.
Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers, conformément à l’art. L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année, lorsqu’il est positif, un montant correspondant à une quote-part du solde créditeur du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total des provisions mathématiques, diminuée des intérêts crédités aux provisions mathématiques relatives à ce même contrat au cours de l’exercice. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’art. L. 132-22 du même Code. Un arrêté précise les modalités de calcul et d’affectation de cette quote-part".
Affectation aux obsèques pour l’autre formule
Ensuite, les formules de financement en prévision d’obsèques peuvent prendre la forme de contrats souvent dénommés "en capital" qui sont des contrats d’épargne souscrits en vue du financement d’obsèques, mais qui ne comportent aucune stipulation de prestations funéraires.
Au décès du souscripteur, le capital constitué par le contrat d’assurance est versé (le capital ou la rente stipulés payables lors du décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ou à ses héritiers ne font pas partie de la succession de l’assuré selon l’art. L. 132-12 du Code des assurances) au bénéficiaire désigné par le souscripteur ou adhérent, sans que, indique expressément la circulaire du 20 déc. 2006, "cette somme soit contractuellement affectée à la couverture des frais d’obsèques".
C’est sur ce second point que porte également la réforme destinée à éviter que celui qui souhaite financer ses obsèques vienne à conclure un contrat dans lequel l’affectation n’existe pas.
L’art. L. 2223-33-1 du CGCT dispose que :
"Les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire".
La loi n’a toutefois pas fait disparaître la dualité de ces contrats.
Damien Dutrieux,
consultant au CRIDON Nord-Est, maître de conférences associé à l’Université de Lille 2.
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