Méziane Benarab, directeur général de l’Office Français de Prévoyance Funéraire (OFPF). |
À l’heure du débat de cet été sur la réforme de la loi pénale, l’occasion est tout indiquée de revenir sur un sujet d’actualité et d’opérer un zoom sur les règles encadrant les décès de détenus survenus au sein de ces établissements. Un encadrement juridique très particulier, tant sur le plan national qu’au niveau européen. Revue de détails des différentes dispositions législatives et réglementaires régissant cette situation très particulière. Mais avant même d’analyser la situation du défunt, il convient préalablement d’aborder la phase de dégradation de l’état de santé du détenu, qui peut conduire à une suspension de sa peine dès lors que le pronostic vital est engagé.
La suspension de peine en cas de pathologie engageant le pronostic vital
La suspension de peine pour raisons médicales est une mesure d’aménagement de peine stipulée par l’art. 10 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Cette dernière permet la sortie de prison anticipée de personnes condamnées atteintes "d’une pathologie engageant leur pronostic vital" ou de celles présentant "un état de santé durablement incompatible avec leur maintien en détention".
Originellement accordable sous seules conditions médicales "quelle que soit la nature (criminelle ou correctionnelle) de la peine ou la durée de la peine restant à subir", cette suspension est depuis la loi du 12 déc. 2005 relative au traitement de la récidive réservée aux seules personnes ne présentant pas de "risque grave de renouvellement de l’infraction". Les personnes en détention provisoire ne peuvent par ailleurs pas bénéficier de cette mesure.
L’octroi d’une suspension de peine pour raisons médicales entraîne la mise en liberté du condamné pour une durée indéterminée. Cette suspension de peine crée des obligations particulières à la personne qui en bénéficie. Si son état de santé s’améliore suffisamment, la mesure peut être retirée et la personne à nouveau incarcérée. La peine reprend alors son cours.
Décès dans les prisons ou les maisons de réclusion ou de détention : la déclaration de décès
En cas de décès dans les prisons ou les maisons de réclusion ou de détention, il en sera donné avis sur-le-champ, par les concierges ou gardiens, à l'officier de l'état civil, qui s'y transportera et rédigera l'acte de décès.
En effet, conformément à l’art. 80 du Code civil, lorsqu'un décès se sera produit ailleurs que dans la commune où le défunt était domicilié, l'officier de l'état civil qui aura dressé l'acte de décès enverra, dans le plus bref délai, à l'officier de l'état civil du dernier domicile du défunt, une expédition de cet acte, lequel est immédiatement transcrit sur les registres. Cette disposition ne s'applique pas aux villes divisées en arrondissements, lorsque le décès est survenu dans un arrondissement autre que celui où le défunt était domicilié.
Dans tous les cas de mort violente ou survenue dans un établissement pénitentiaire, il ne sera fait sur les registres aucune mention de ces circonstances, et les actes de décès seront simplement rédigés dans les formes prescrites par l'art. 79 du Code civil.
Décès d’une personne détenue : les obligations du chef d’établissement
En cas de décès d'un détenu, le chef de l'établissement donne les avis prévus à l'art. D280 du Code de procédure pénale. Ainsi, tout incident grave touchant à l'ordre, à la discipline ou à la sécurité de l'établissement pénitentiaire doit être immédiatement porté par le chef de l'établissement à la connaissance du préfet et du procureur de la République, en même temps qu'à celle du directeur interrégional des services pénitentiaires et du ministre de la Justice.
Si l'incident concerne un prévenu, avis doit en être donné également au magistrat saisi du dossier de l'information et, si l'incident concerne un condamné, au juge de l'application des peines.
Si le détenu appartient aux forces armées, l'autorité militaire doit en outre être avisée.
S'il y a eu suicide ou mort violente, ou encore si la cause du décès est inconnue ou suspecte une enquête est déclenchée par le procureur de la République.
En cas de suicide, de mort violente ou si la cause du décès est inconnue ou suspecte, un officier de police judiciaire doit se rendre sans délai sur les lieux et procéder aux premières constatations. Le procureur de la République ou un officier de son choix se rend sur place s’il le juge nécessaire afin de déterminer les circonstances du décès. Il peut alors engager une information pour recherche des causes de la mort.
En pratique, tous les décès survenus en détention font l’objet d’un rapport d’autopsie à la demande des parquets.
En toute hypothèse, la déclaration du décès est faite à l'officier de l'état civil, conformément aux dispositions de l'art. 84 du Code civil.
Le lieu du décès ne doit être indiqué dans l'acte de décès que par la mention de la rue et du numéro de l'immeuble, et non celle de "maison d'arrêt" ou "centre de détention".
Personne détenue : décès d’un proche - information
Au cas où une personne détenue vient à décéder, à être frappée d'une maladie mettant ses jours en danger, ou être victime d'un accident grave, ou encore placée dans un établissement psychiatrique, sa famille ou ses proches sont informés sans délai par le chef d'établissement des circonstances dans lesquelles est survenu le décès, la maladie, l'accident ou le placement.
À cet effet, chaque personne détenue est invitée, lors de son écrou, à indiquer le nom et les coordonnées de la ou des personnes qui seraient à prévenir.
Le conseil, l'aumônier et le visiteur de prison qui suivent cette personne détenue sont également avisés, s'il y a lieu.
L’annonce par le directeur du décès constitue une situation particulièrement pénible pour les personnes en prison. Il doit faire preuve d’un maximum de doigté, de précautions et de compassion. La façon dont il y fait face est considérée, à juste titre, par les détenus, leurs familles et la collectivité pénitentiaire comme la marque du sérieux et des préoccupations de l’administration pénitentiaire. Cet aspect est également important pour l’attitude et le rôle du personnel.
Art. 47-1 de la Recommandation R(87)3 du Comité des ministres aux États membres sur les règles pénitentiaires européennes
"En cas de décès d’un(e) détenu(e), sa proche famille doit en être immédiatement informée (famille au sens large : naturelle ou légitime ; concubin ou conjoint). Des parents même éloignés peuvent également être avertis s’ils portaient un intérêt particulier au (à la) détenu(e) ou si des circonstances particulières le justifient.
À son écrou, le (la) détenu(e) aura désigné les personnes à prévenir dans ce cas. Le chef d'établissement doit avertir les proches du (de la) détenu(e) par le moyen le plus rapide, soit le téléphone, et leur expédier en outre un télégramme pour donner un support écrit à l'information. Il est recommandé aux personnels en relation avec la famille d'un(e) détenu(e) décédé(e) d'adopter une attitude faite de patience et de compréhension, quelle que soit l'attitude des intéressés".
Décès d’une personne détenue : sort des documents disponibles
Conformément à l’art. R57-6-4 : en cas de décès de la personne détenue, les documents confiés au greffe de l'établissement pénitentiaire sont remis à ses ayants droit ou, à défaut, joints à son dossier individuel et versés, s'il y a lieu, avec ce dossier, aux archives départementales.
Les objets et valeurs conservés par l’établissement pénitentiaire après le décès d’un(e) détenu(e) doivent être remis à la personne présentant au chef d’établissement un certificat d’hérédité. Ce certificat est délivré par la mairie de la commune de résidence du (de la) défunt(e) ou des héritiers, si la valeur des biens du (de la) détenu(e) est inférieure à 5 335 €. Si la mairie refuse de délivrer un certificat d’hérédité, ce qu’elle est en droit de faire, ou si les biens et valeurs excèdent 5 335 €, l’hérédité sera établie par un certificat de notoriété délivré par un notaire ou un juge d’instance. Sur présentation d’un tel document, le chef d’établissement doit remettre les biens du (de la) détenu(e) et conserver le document comme justificatif de la remise des effets aux héritiers.
Après un délai de trois ans depuis le décès d'un détenu, si les bijoux, valeurs, vêtements et effets personnels n'ont pas été réclamés par ses ayants droit, il en est fait remise à l'administration des domaines et cette remise vaut décharge pour l'administration pénitentiaire ; l'argent est de même versé au Trésor.
Qui a la charge des frais d’obsèques du défunt ?
Les frais d’obsèques sont à la charge de la famille du détenu. Ils ne seront pris en charge par l’Administration que dans l’hypothèse où aucune famille ou aucun héritier ne se manifeste. L’inhumation a alors lieu dans la commune du lieu de décès sur la base du tarif le plus économique. Si l’héritier se manifeste ultérieurement, il devra rembourser l’administration des frais qu’elle aura engagés.
En revanche, les frais de transport de la dépouille du détenu peuvent dans certains cas être assumés par l’Administration, dans le cadre de l’aide aux indigents prévue à leur libération. Si le décès a eu lieu dans un établissement pénitentiaire ou hospitalier situé dans le ressort judiciaire dont relève la résidence habituelle du détenu, il n’y a pas de prise en charge de l’administration, sauf à titre exceptionnel quand la situation de la famille est particulièrement critique.
Si le décès a eu lieu dans un établissement situé hors du ressort judiciaire dont relève la résidence habituelle, l’Administration peut prendre en charge les frais de transport du corps sur la base du tarif le plus économique et à la demande de la famille du défunt. Il faut cependant que la famille et les héritiers du défunt soient sans ressources (ce qui pourra être établi notamment par tout document fiscal) et le patrimoine du défunt insuffisant pour permettre cette prise en charge.
Personne détenue - Permission pour cause de décès
Un détenu doit être informé immédiatement du décès ou de la maladie grave d'un proche parent. Dans ce cas, et lorsque les circonstances le permettent, le détenu devrait être autorisé à rendre visite à ce parent, soit sous escorte, soit librement.
À l'occasion de la maladie grave ou du décès d'un membre de leur famille proche, une permission de sortir d'une durée maximale de trois jours peut être accordée, d'une part aux condamnés à une peine privative de liberté inférieure ou égale à cinq ans, et, d'autre part, aux condamnés à une peine privative de liberté supérieure à cinq ans, lorsqu'ils ont exécuté la moitié de leur peine.
Méziane Benarab
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