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Damien-Dutrieux

Damien Dutrieux 

consultant au CRIDON 

Nord-Est, maître 

de conférences associé 

à l’Université de Lille 2. 

(Centre "Droits et

perspectives du droit")

 

Le principe de l’immutabilité de la sépulture et du respect dû aux morts permet de rejeter une demande d’exhumation.

 

Opération qui consiste à sortir le corps d’une sépulture en vue de son inhumation dans une autre sépulture, dans l’ossuaire du cimetière com- munal ou en vue de sa crémation, l’exhumation nécessite une autorisation délivrée par le maire sur le fondement de l’art. R. 2213-40 du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), c’est-à-dire, dans l’exercice de son pouvoir de police spéciale. Lorsqu’il est sollicité pour une telle opération, le maire doit vérifier que les conditions prévues à l’article précité sont effectivement remplies (CE, 9 mai 2005, n° 262977, Rabau : JCP G 2005, II 10131, note D. Dutrieux) ; en effet, le maire doit s’assurer de la qua- lité de plus proche parent du défunt du pétitionnaire, puis faire attester sur l’honneur qu’il n’y a pas de plus proche parent au même degré ou que ceux- ci ne s’opposent pas à l’opération. Lorsque le défunt a été inhumé dans une concession funéraire qui n’appartient pas au demandeur, la demande d’exhumation doit par ailleurs s’accompagner de l’autorisation d’accéder à la sépulture. Pour pallier un éventuel refus de la part du titulaire de la concession ou pour surmonter l’opposition à l’exhumation dont a été informé le maire (dans ces deux hypothèses, le maire doit en effet surseoir à délivrer l’auto- risation dans l’attente du règlement du conflit familial), il convient de saisir le juge judiciaire.

La traditionnelle jurisprudence relative au principe de l’immutabilité des sépultures a pour effet de poser les bases du règlement de tels litiges par le juge judiciaire.

 

La demande d’exhumation

 

L’instruction générale relative à l’état civil du 11 mai 1999 (annexée : JO 28 sept. 1999 et mise à jour par l’IGEC, 29 mars 2002 : JO 28 avr. 2002, p. 7719) indique (§ 426-7) dans une note que :

 

"À titre indicatif et sous réserve de l’appréciation des tribunaux, en cas de conflit, l’ordre suivant peut être retenu pour la détermination du plus proche parent : le conjoint non séparé (veuf, veuve), les enfants du défunt, les parents (père et mère), les frères et sœurs".

Toutefois, cette précision concerne davantage l’autorité de police chargée d’appliquer l’art. R. 2213-40 précité, article qui indique que la demande d’exhumation doit émaner du plus proche parent du défunt. Il est en effet possible de rappeler que si les autres autorisations en matière d’opérations funéraires (transport de corps, soins de conservation, moulage, mise en bière, inhumation, crémation) sont délivrées à la demande de la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles, l’exhumation en revanche est autorisée à la demande du plus proche parent du défunt. Comme il a été précisé, le maire doit effectivement vérifier cette qualité, sous peine d’engager la responsabilité de la commune (CAA Nantes 30 sept. 1998, n° 96NT01061, Mordellet : Rec. CE, tables p. 1064 ; Dr. adm. 1999, comm. 57 ; CAA Bordeaux, 5 juin 2008, n° 07BX00828, Commune de Chauvigny). Certaines cours d’appel semblent finalement ne pas tenir compte de la hiérarchie en plaçant les proches au même niveau (CA Aix-en-Provence, 18 déc. 2008, n° 08/07266 : RLDC mai 2010, n° 3818, note D. Dutrieux ; cet arrêt a d’ailleurs été confirmé : Cass. 1re civ., 14 avr. 2010, n° 09-65.720 : JCP A, n° 4, 24 janv. 2011, 2034, p. 28, note D. Dutrieux), ce qui est cependant sans conséquence pour la solution donnée, puisque le maire quant à lui, quelle que soit la place de l’opposant dans la hiérarchie, doit surseoir à délivrer l’autorisation s’il est saisi d’un désaccord familial pour l’exhumation.

 

Le refus de l’exhumation

 

Devant le juge judiciaire - devant le juge administratif, s’agissant d’un pou- voir de police, l’exhumation est de droit, dès lors que les conditions de l’art. R. 2213-40 sont remplies (voir par exemple : TA Amiens 23 mai 2005 et TA Toulouse 2 juin 2005 : Collectivités territoriales - Intercommunalité 2006, comm. 8, note D. Dutrieux) - l’exhumation est par principe refusée en présence d’une opposition familiale. Cette opposition de principe est aisément compréhensible en matière d’exhumation, en raison d’une grande sensibilité des familles, puisque - pour reprendre l’intéressante formule d’un rapport parlementaire des sénateurs Lecerf et Sueur - en quelque sorte, lorsque est pratiquée une telle opération, en même temps qu’est violée la paix des morts, se trouve troublée la sérénité des vivants (J.-P. Sueur et J.-R. Lecerf, "Sérénité des vivants et respect des défunts" : Rapport n° 372, Sénat, 31 mai 2006).

 

Pour opposer son refus, le juge utilise le principe de l’immutabilité de la sépulture ; en effet, "la paix des morts ne [doit] pas être troublée par les divisions des vivants et leurs convenances personnelles" (cet attendu est repris dans de nombreux arrêts ; voir notamment ceux commentés par le professeur Beigner V. notamment : B. Beignier, "Le respect dû aux morts n’est pas mort" ... : "Droit de la famille 2001", comm. 9). Ce principe souffre néanmoins deux exceptions.

La première a trait au caractère provisoire de la sépulture. Ce caractère provisoire peut, tout d’abord, s’exprimer dans la qualité de la sépulture fondée lorsque le corps a été inhumé dans le terrain commun d’un cimetière (CA Toulouse, 7 févr. 2000 : JCP G 2000, IV, 2374 ; "L’enfant étant enterré en terrain commun, sa sépulture n’est pas établie de façon stable. Il est donc de son intérêt posthume de reposer dans une concession insusceptible d’être bouleversée à brève échéance").

 

Ce caractère provisoire peut également se manifester dans l’existence d’oppositions au moment des funérailles. Toutefois, l’absence d’opposition n’est pas en elle-même dirimante, dès lors que la seconde exception est présente, à savoir la volonté exprimée par le défunt (voir pour le cas d’un concubin qui ne s’était pas opposé à l’inhumation pratiquée par les parents du défunt : CA Poitiers, 7 mars 2007 : JCP N 2008, 1178, note D. Dutrieux ; il est vrai cependant que, dans cette affaire, ne s’étaient écoulés que six mois entre l’inhumation et la demande d’exhumation). Il convient alors d’apporter la preuve de l’existence d’une volonté exprimée par le défunt. La volonté du défunt, au sens des dispositions de la loi du 15 nov. 1887 (CA Douai, 14 juin 1999, Petites affiches 1er sept. 1999, p. 10, note X. Labbée ; Cass. 1re civ. 8 avr. 2009, pourvoi n° 08-12.217, à re paraître au Bulletin ; Cass. 1 civ.,

27 mai 2009 : "Droit de la famille 2009", comm. 94, note B. Beigner), doit en effet être démontrée pour que l’exhumation, qui ne dépend alors plus de la seule volonté du demandeur, soit nécessairement pratiquée.

 

Il sera enfin observé que la demande présentée, pour être recevable, doit porter sur une opération autorisée par la législation funéraire ; en effet, la preuve de la volonté du défunt ne permet pas l’exécution d’une opération funéraire à laquelle le demandeur ne peut prétendre (Cass. 1re civ. 6 janv. 2004 : RGCT, juillet-août 2003, p. 753, note D. Dutrieux).

 

 

Damien Dutrieux

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