Les économistes ont l’habitude de dire que la concurrence sur un marché permet d’établir un juste prix d’équilibre entre l’offre et la demande. Ce raisonnement suppose que cette concurrence soit libre et non faussée c’est-à-dire que chaque intervenant pèse le même poids. Alors la concurrence ajuste l’offre et la demande sur le marché, qualifié d’autorégulateur. Sommes-nous dans cette situation sur le marché de la prévoyance funéraire ?
Maurice Abitbol, directeur
d’Obsèques Prévoyance.
Quelques rappels
L'art. 10 du décret du 9/05/95 prescrit que toutes les formules de financement en prévision d'obsèques "sont des contrats dont l'exécution dépend de la durée de la vie humaine au sens du 1° de l'art. L. 310-1 du Code des assurances". Tout contrat dont la finalité est d'assurer un financement en prévision d'obsèques entre dans le champ d'application du décret, puisque le critère posé par le législateur dans la loi du 8 janv. 1993 est la destination des sommes versées. Tout contrat établi en prévision du financement des obsèques est donc obligatoirement un contrat d’assurance.
Ces contrats peuvent :
- prévoir des "prestations d’obsèques à l’avance" en combinant un contrat d’assurance sur la vie et un contrat de prestations funéraires ;
- prévoir "le paiement d’un capital" en vue de couvrir le financement d’obsèques sans aucune stipulation de prestations funéraires.
Seules les entreprises d’assurances peuvent émettre des contrats d’assurance sur la vie, supports de formules de financement en prévision d’obsèques. Ces entreprises ne peuvent fournir des prestations obsèques et donc ne peuvent que garantir un capital à terme.
Les opérateurs funéraires ont l’exclusivité de la fourniture de biens et services funéraires.
Le contrat de prestations d’obsèques peut être commercialisé par un opérateur funéraire ou tout autre intermédiaire d’assurance, ou encore par une entreprise d’assurance.
Les opérateurs funéraires qui proposent à leurs clients des contrats obsèques ont une activité d’intermédiaire d’assurance. Ils doivent être immatriculés au registre des intermédiaires d’assurance et satisfaire à des conditions d’honorabilité, de capacité professionnelle, de responsabilité civile et de garantie financière.
Le marché de la prévoyance funéraire
Le marché de la prévoyance funéraire est en développement continu. Le nombre de contrats d'assurance obsèques en cours dans les sociétés d'assurances (sources FFSA) à la fin de l'année 2011 s'élève à près de 3 millions, en progression de 7 % sur un an. Les contrats en capital (non adossés à un contrat de prestations funéraires) représentent 74 % du portefeuille (soit 2,2 millions de contrats), les contrats adossés à un contrat de prestations funéraires (contrats en prestations) représentant un quart du portefeuille.
Les cotisations de l'ensemble des contrats en portefeuille fin 2011 s'élèvent à 1 044 millions d'euros, soit une progression de 4 % par rapport à 2010.
Le nombre de personnes décédées et détentrices d'un contrat d'assurance obsèques ayant fait l'objet d'un règlement dans l'année, en 2011, représente 18,3 % de l'ensemble des personnes décédées en France, soit une part relative qui augmente chaque année.
Nous sommes passés de 8.5 % décès couverts par un contrat obsèques en 2003 à 18.3 % en 2011, soit une progression de 9.8 points en 8 ans. C’est une progression moyenne de 1.22 points par an. Si cette progression se maintient nous allons vers un taux de 50 % des décès couverts par un contrat obsèques en 2040.
Le baby-boom des naissances que la France a connu au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale va se transformer en papy-boom. Nous allons passer de 532 000 décès en 2011 à plus de 700 000 en 2040. Ce qui représente une progression de 39 % en 28 ans, soit une progression annuelle moyenne de 1.13 points. Nous pouvons donc en déduire que la progression des décès en France risque d’être inférieure à celle des décès couverts par un contrat obsèques.
En conséquence toute entreprise qui ne veille pas, non seulement à avoir un portefeuille de contrats obsèques suffisant, mais à le faire progresser au moins au même rythme que la progression de décès couverts par un contrat obsèques, ne pourra que voir son activité diminuer, au mieux stagner. En tout cas, elle aura du mal à bénéficier de l’augmentation d’activité attendue dans le secteur.
… les assureurs, quels que soient leurs statuts et leurs intermédiaires ne peuvent vendre un contrat obsèques prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance qu’en collaboration avec un opérateur funéraire
Les intervenants au niveau de l’offre
Progressivement depuis le changement de règlementation en 1993 pratiquement toutes les compagnies d’assurance proposent des contrats de financement des obsèques, d’abord les assureurs traditionnels, leurs agents et quelques courtiers qui se sont spécialisés dans la prévoyance funéraire.
Plus récemment le développement de la bancassurance a amené sur le marché de la prévoyance funéraire de grandes entreprises financières. Leur implantation s’est faite d’abord avec la collaboration d’une grande entreprise de services funéraires capable d’intervenir sur tout le territoire national. Des réseaux d’entreprises funéraires qui ne voulaient pas être en reste se sont empressés de s’associer à cette collaboration.
Ont suivi aussi les grandes mutuelles d’assurances, les institutions de prévoyance et même de plus en plus les mutuelles de santé. Devant le vieillissement de la population et le recul du tabou de la mort, toutes ces institutions veulent diversifier leurs offres et proposent des contrats de prévoyance funéraire à leurs adhérents qui constituent naturellement une clientèle captive.
Tous ces intervenants peuvent au sein de leur réseau vendre des contrats d’assurance décès prévoyant le paiement d’un capital en vue de couvrir le financement d’obsèques, sans aucune stipulation de prestations funéraires. Mais les assureurs, quels que soient leurs statuts et leurs intermédiaires ne peuvent vendre un contrat obsèques prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance qu’en collaboration avec un opérateur funéraire. C’est donc le secteur funéraire qui est responsable du développement des assurances dans le secteur funéraire sur le segment du financement des obsèques à l’avance.
Les parts de marché
Nous avons vu plus haut que les contrats en capital représentent 74 % des contrats d’assurance obsèques en cours dans les sociétés d'assurances. Les contrats adossés à un contrat de prestations funéraires (contrats en prestations) représentent 26 % du portefeuille dont seulement une partie (environ 17 %) est vendue par les opérateurs funéraires.
La part de marché des bancassureurs ne cesse d’augmenter au détriment des assureurs traditionnels. Leur réseau d’agences constitue un avantage considérable. Ils captent une bonne partie des affaires nouvelles. Ils ont investi ce marché car, bien que modeste, celui-ci présente un fort potentiel de développement puisqu’il croît de 9 à 10 % chaque année depuis dix ans. À ce rythme on s’oriente vers un taux de 50 % de couverture des décès par un contrat obsèques dans les 15 prochaines années. Le pourcentage de contrats obsèques, quelle que soit leur forme (en capital ou en prestations), entre les mains des bancassureurs feront de ceux-ci à l’avenir les donneurs d’ordre des opérateurs funéraires, avec tous les risques que cela représente même s’ils passent par des plateformes dirigées par des réseaux d’opérateurs funéraires. Ces derniers prélèvent leur dîme au passage.
Demain le risque est grand de voir les payeurs décider des prix qui devront être pratiqués sur le marché des prestations funéraires. Cette menace pèse sur le secteur funéraire depuis plusieurs années et l’on peut se demander pourquoi les réseaux font la courte échelle à ces bancassurances pour leur permettre de dominer le marché. Je dis bien courte échelle car comment un bancassureur peut-il vendre un service funéraire sans être habilité sinon en bénéficiant du concours de réseaux d’opérateurs habilités, qui confectionnent des devis standardisés dont ils prennent la responsabilité ?
L’offre des contrats en prestations personnalisés
La part de marché occupée par les opérateurs funéraires est relativement faible. De plus les opérateurs doivent adosser leurs contrats de prestations à un contrat d’assurance. Les réseaux comme les indépendants ont donc recours à des intermédiaires d’assurances (courtiers, agents ou mandataires). Et à ce niveau aussi des changements notables sont en cours.
Le groupe Burrus via le groupe Diot, acteur majeur du courtage d’assurance, vient de prendre le contrôle de FAPE Obsèques et du Vœu Funéraire. Mais le groupe Burrus détient à plus de 90 % de l’assureur alsacien ESCA, qui depuis 2004 a repris AFI Europe. Ce groupe devient un acteur majeur dans le domaine de la prévoyance obsèques.
Il rivalise avec le groupe Médéric, qui après avoir repris AUXIA et réalisé des accords avec des grands groupes d’opérateurs funéraires est aussi un intervenant majeur du secteur.
En conclusion
Nous voyons donc que sous une apparente diversité l’offre sur le marché de la prévoyance funéraire se concentre de plus en plus entre quelques mains. Les opérateurs funéraires indépendants doivent rester vigilants, bien s’informer sur qui fait quoi et qui contrôle qui avant de choisir leur partenaire en assurance s’ils veulent préserver leur indépendance au niveau de la prévoyance funéraire.
Le meilleur moyen de rester indépendant c’est de choisir un partenaire indépendant.
Maurice Abitbol
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