Les grands enjeux d’une bonne gestion des contrats obsèques : de la vérification de l’identité du souscripteur, de la vigilance face aux risques de blanchiment, et de la qualité du traitement des réclamations.
Méziane Benarab, directeur général OFPF (à gauche).
George-Edward Le Roy, directeur général adjoint OFPF (à droite).
Avec le raidissement d’un certain nombre de règles relatives à la vigilance, imposées par les directives européennes et transposées en droit national par des décrets ou des ordonnances, la diffusion et la gestion des contrats obsèques entre enfin dans une ère de modernité fondée sur la mise en place de rigoureux process de gestion, inaugurant ainsi une nouvelle phase de la transparence de la relation avec les réseaux de distribution, quelle que soit leur nature. Il est des responsabilités partagées avec ces derniers sur lesquelles il convient de lever le voile et d’apporter une réelle clarification. L’assureur sur lequel pèse une obligation de vigilance l’assume en procédant à la vérification de l’identité du souscripteur et de l’origine des fonds destinés au financement du contrat.
La vérification d’identité se fait par la présentation d’un document officiel en cours de validité comportant la photographie de la personne
Par exemple, un souscripteur qui règle sa prime au moyen d’un chèque de banque est très certainement solvable, mais ne donne aucune garantie quant à la provenance des fonds. L’obligation de vigilance n’est plus l’apanage exclusif de l’assureur, le distributeur du contrat – en sa qualité de mandataire d’intermédiaire d’assurances – en assume également la charge. À l’égard de son assureur, il agit comme un pré-filtre de prévention, se préservant ainsi des éventuelles mises en cause de son obligation de vigilance. Retour sur trois enjeux - la vérification de l’identité du souscripteur, la vigilance face aux risques de blanchiment et la qualité du traitement des réclamations - qui changent la donne au niveau de la prévoyance obsèques.
1- De la vérification de l’identité de l’assuré et du souscripteur
1.1 - Identification du client
Conformément à l’art. R. 561-5 1° du Code monétaire et financier, il convient d’identifier et de vérifier l’identité du client, personne physique. Ceci implique qu’il est nécessaire de relever l’identité :
- du souscripteur ou de l’adhérent ;
- de l’assuré si ce dernier est différent du souscripteur ou de l’adhérent ;
- du bénéficiaire effectif au sens de l’art. L.561-2-2 ;
- de toute personne payant une prime.
Lorsque le souscripteur ou l’adhérent est un mineur ou un majeur protégé, il convient de relever l’identité de son représentant légal, conformément aux règles instaurées par le Code civil. La vérification d’identité se fait par la présentation d’un document officiel en cours de validité comportant la photographie de la personne. Un tel document peut être une carte d’identité, un permis de conduire, un passeport, un permis de séjour ou tout autre document répondant aux critères de l’art. R561-5 du Code monétaire et financier (1*).
Il est donc nécessaire de demander un document d’identité probant avec photographie et en cours de validité (carte d’identité, permis de conduire, passeport, permis de séjour) et d’effectuer les vérifications essentielles qui impliquent le cas échéant :
- d’examiner le document (recto-verso pour la carte d’identité) afin de juger de son authenticité (attention aux éventuels gommages, grattages, surcharges, anomalies dans la jonction entre la photographie et la pièce d’identité…) ;
- de comparer la personne avec sa photographie (attention aux permis de conduire, souvent anciens) ;
- de comparer la personne avec sa description : sexe, âge, etc.
La loi applicable au contrat d’assurance-vie est, de facto, celle de l’État où se situe la résidence principale du souscripteur
Si l’organisme choisit de prendre une photocopie de la pièce d’identité justificative, celle-ci devra être réalisée recto-verso.
En cas de vente à distance, dans la mesure où l’organisme d’assurance ne reçoit que des photocopies, il est conseillé d’effectuer des contrôles de cohérence des pièces et informations qui ont été fournies par le souscripteur. Conformément à l’art. R 561-12 du Code monétaire et financier, sous réserve de dispositions plus contraignantes, les organismes d’assurance conservent pendant 5 ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec eux les documents relatifs à l'identité de leurs clients habituels (sur ce sujet voir fiche sur la vigilance constante).
1.2 - De quelques considérations sur la carte nationale d’identité
En application de l'art. 2 du décret n° 55-1397 du 22 oct. 1955 modifié, la carte nationale d'identité a une durée de validité de 10 ans. Il convient de rappeler qu'une carte nationale d'identité périmée, c'est-à-dire délivrée depuis plus de 10 ans, n'a aucune force probante au regard de la nationalité française. En revanche, même périmée, elle permet à son titulaire de justifier de son identité tant que la photographie est ressemblante (2*).
La carte nationale d'identité (CNI), instituée par le décret n°55-1397 du 22 oct. 1955 modifié, est un document officiel qui permet à tout citoyen de justifier de son identité et de sa nationalité française dès lors qu'elle est en cours de validité. S’agissant des contrats obsèques, les opérateurs funéraires sont confrontés à une réelle difficulté liée à l’âge avancé des assurés. Bon nombre d’entre eux, se retrouvent hébergés dans des maisons de retraite et ne sont pas titulaires d’une CNI ou ne l’ont jamais demandée. Dans cette situation particulière, comme le stipule l'art. L. 561-5 du Code monétaire et financier, les personnes mentionnées à l'art. L. 561-2 vérifient l'identité du client et, le cas échéant, l'identité et les pouvoirs des personnes agissant pour le compte de celui-ci, dans les conditions suivantes :
Lorsque le client est une personne physique, par la présentation d'un document officiel en cours de validité comportant sa photographie. Les mentions à relever et conserver sont les nom, prénoms, date et lieu de naissance de la personne, ainsi que la nature, les date et lieu de délivrance du document et les nom et qualité de l'autorité ou de la personne qui a délivré le document et, le cas échéant, l'a authentifié.
1.3 - De la notion de résidence fiscale et de ses implications sur le contrat obsèques
La nouvelle génération de contrats obsèques intègre désormais une clause précisant que la souscription n’est ouverte qu’aux seuls résidents fiscaux français. Cette exigence mérite d’être clarifiée. La définition que chacun de nous se fait de cette notion diverge de celle donnée par l’administration fiscale. Selon la doctrine administrative de celle-ci, le résident fiscal doit remplir 4 conditions cumulatives :
- avoir son foyer fiscal en France : lieu de la résidence habituelle de la famille,
- avoir son lieu de séjour principal en France : séjourner plus de 183 jours / an en France,
- exercer une activité professionnelle en France : activité principale,
- avoir son centre d’intérêt économique en France : lieu de ses principaux centres d’activités économiques, financières, administration de biens…
A contrario, n’est pas résidente fiscale la personne qui déroge à l’un de ces quatre critères. La résidence fiscale n’a rien à voir avec la nationalité.
Dès lors, pour justifier de ce statut, l’assuré doit fournir à l’opérateur funéraire prescripteur du contrat l’une des pièces suivantes :
- Avis de paiement de la redevance télévision.
- Avis d’imposition.
- Avis de paiement de la taxe d’habitation.
- Avis de paiement de la taxe foncière.
Mais alors quelle est l’implication directe de cette notion de résident fiscal français ? En dehors des considérations fiscales (3*), ce statut détermine la loi applicable au contrat d’assurance-vie. La loi applicable au contrat d’assurance-vie est, de facto, celle de l’État où se situe la résidence principale du souscripteur. La fiscalité suit le même sort que la législation applicable, c’est le pays de résidence qui prévaut.
Hypothèse : Si un couple français vivant en Allemagne et répondant aux conditions de non-résidence fiscale souscrivait un contrat d’assurance-vie français, ce contrat se verrait alors appliqué le droit et la fiscalité allemands. Le souscripteur ayant la possibilité de choisir le droit s’appliquant à son contrat, il pourrait donc décider que son contrat soit de droit français, celui de la nature du contrat, ou de droit allemand, celui de sa résidence fiscale. Ce choix devant être explicite, s’il ne l’était pas c’est le droit du pays de résidence qui s’appliquerait automatiquement. Dès lors il est aisé de comprendre que l’assureur, dans le cadre de son dispositif de vigilance, n’est pas enclin à autoriser l’adhésion au contrat de résidents de pays tiers. Cette vigilance préventive est également une forme de bouclier protecteur pour le prescripteur. Imaginez un instant une contestation sur un contrat soumis à la loi d’un pays tiers à l’Europe qui n’a rien prévu en matière d’assurance-vie.
2 - De la vigilance face aux risques de blanchiment
Conformément aux dispositions législatives et réglementaires, issues de la transposition de la troisième directive, et reprises par le Code monétaire et financier, les organismes d’assurance doivent mettre en œuvre une approche par les risques. Cette approche circonstanciée s’applique notamment aux produits, aux canaux de distribution, aux clients et aux opérations. Pour ce faire, l’art. L. 561-32, l’art. R. 561-38 du Code monétaire et financier et l’art. A.310-8 du Code des assurances prévoient que les organismes d’assurance élaborent une classification des risques en identifiant spécifiquement les cas de risques faibles ou de risques élevés de blanchiment, ce qui permettra de déterminer le niveau de vigilance adéquat (allégée, standard ou renforcée). Dans cette perspective, il appartient à chaque organisme d’assurance d’élaborer sa propre classification. Pour cela, il convient de réaliser un examen des risques liés aux contrats, aux clients et aux opérations.
Tout d’abord, la réflexion sur la nature du produit commercialisé est fondamentale pour l’élaboration et la conception du dispositif. Il permet notamment de connaître l’intensité du niveau de vigilance qui sera nécessaire en regard de l’activité de l’organisme d’assurance. Il est entendu que la commercialisation d’un contrat temporaire décès ne requiert pas un niveau de vigilance identique à celui applicable aux bons anonymes de capitalisation.
… les organismes financiers sont tenus de justifier auprès de leur autorité de contrôle que l’étendue des mesures de vigilance est appropriée à leurs risques
Rappelons que les organismes financiers sont tenus de justifier auprès de leur autorité de contrôle que l’étendue des mesures de vigilance est appropriée à leurs risques. Dans un certain nombre de cas, l’approche par les risques définie par les organismes peut s’appuyer sur les cas d’exemption prévus par la réglementation. Cela étant, rien n’empêche un organisme d’étendre ses exigences à des situations dispensées d’obligations de vigilance par la réglementation. Il convient de rappeler que pour les risques faibles, les seuils d’exemption tombent dans le cas où il y aurait un soupçon de blanchiment. Les critères de classification des risques tiennent compte de l’objet du contrat, de ses modes de commercialisation et de gestion ainsi que des éléments propres à ses caractéristiques tels que les facultés de souscription, les possibilités de rachat, les modes de sortie et les montants en jeu.
2.1 - Les contrats présentant un risque faible justifiant d’une vigilance allégée
Les produits à faible risque sont ceux qui, notamment en raison de leur nature ou de leur durée, rendent l’opération de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou sa tentative difficile. L’art. L. 561-9 du Code monétaire et financier distingue deux catégories de contrats à risque faible :
- les contrats dont la liste est à définir par les organismes d’assurance lorsque le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme leur paraît faible (art. L. 561-9 I) et pour lesquels l’obligation d’identification demeure (art. L. 561-5) mais la portée des mesures de connaissance de la clientèle est réduite (art. L. 561-6). Concernant cette catégorie, l’organisme doit faire l’évaluation des risques liés à ces contrats ;
- les contrats dont la liste est strictement définie par décret (art. L. 561-9 II), qui ne sont pas soumis aux obligations d’identification et de connaissance de la clientèle (articles L. 561-5 et L. 561-6). La liste de ces contrats est définie à l’art. R. 561-16 du Code monétaire et financier. Il s’agit: de contrats d’assurance-vie dont la prime annuelle ne dépasse pas 1 000 € ou dont la prime unique ne dépasse pas 2 500 € (art. R. 561-16 1°).
Les contrats d’assurance-vie de faible montant ne sont pas des vecteurs de blanchiment intéressants pour les blanchisseurs. C’est la raison pour laquelle ils sont répertoriés dans la catégorie des vigilances allégées (art. R. 561-16 1 du Code monétaire et financier). Toutefois, il est nécessaire de rester vigilant notamment si le souscripteur souscrit plusieurs contrats de faible montant, l’approche client devant être alors privilégiée.
Mais alors, quid des contrats obsèques ? Quelques rappels statistiques permettent de comprendre qu’ils ne peuvent bénéficier de l’exonération de vigilance. En effet, il est un fait avéré que près de 75 % des primes destinées au financement des contrats obsèques sont des primes uniques et que le montant moyen d’une prime se situe entre 3 500 à 4 500 €. Dès lors l’obligation de vigilance reste de mise. Aucun prescripteur ne peut s’en exonérer sans risquer une mise en œuvre de sa responsabilité en cas de défaillance.
2.2 - De la qualité du traitement des réclamations
C’est très certainement sur le terrain de la qualité de traitement des réclamations que les assureurs et leurs réseaux de distribution gagneront leur crédibilité. Si l’assuré doit bénéficier d’une information préalable à la signature du contrat obsèques, il est également en situation d’attendre un suivi de gestion la vie durant. En effet, un contrat obsèques ne se fige pas à la signature. Bien au contraire il suit à la fois l’évolution des aléas de vie de l’assuré (changement d’adresse, changement d’entreprise bénéficiaire), et l’évolution de ses volontés (avenants au contrat, désignation de bénéficiaires de second rang). Sensible à cette exigence, l’Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) a publié une recommandation (4*) sur le traitement des réclamations.
Pour l’ACP, l’information du client sur les modalités d’examen des réclamations ainsi que le traitement de celles-ci font l’objet de plusieurs textes, notamment de nature législative et réglementaire, applicables aux secteurs de l’assurance et de la banque. Néanmoins, les contrôles effectués au sein des établissements de crédit, des organismes d’assurance et des intermédiaires, les annexes au rapport de contrôle interne sur la protection de la clientèle, ainsi que les informations émanant des clients reçues par l’ACP, ont mis en évidence certaines modalités de saisine et de traitement des réclamations insuffisamment protectrices de la clientèle.
… il est nécessaire de rester vigilant notamment si le souscripteur souscrit plusieurs contrats de faible montant…
En conséquence, l’ACP recommande de bonnes pratiques ayant pour objet de garantir à la clientèle :
- une information claire et transparente sur les modalités de traitement des réclamations, ainsi qu’un accès facile au système de traitement des réclamations ;
- un traitement des réclamations efficace, égal et harmonisé ;
- la mise en place d’éventuelles actions correctives à partir des dysfonctionnements identifiés à travers le traitement des réclamations.
Dans le cadre de la mise en place d’un mécanisme de traitement des réclamations, il convient d’établir une très nette distinction entre la notion de réclamation et celle de demande d’information.
À titre d’exemple, le contrat Pleins services Obsèques diffusé par l’Office Français de Prévoyance funéraire (OFPF) intègre un art. 11 spécialement dédié à l’examen des réclamations et se met ainsi en phase avec la recommandation de l’ACP. Pas moins de trois niveaux d’examen ont été ouverts au service de l’assuré ou de ses proches et des bénéficiaires. Ainsi, ils peuvent s’adresser :
- au médiateur de l’OFPF, pour toute réclamation concernant l’organisation des obsèques,
- au service qualité clientèle de Antin Épargne Pension pour toute réclamation concernant l’assurance.
- Enfin, si un éventuel différend persistait après réponse, le souscripteur peut adresser sa réclamation pour tout recours au médiateur désigné par la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA). Celui-ci s’engage à formuler son avis dans les trois mois à compter du jour où il est saisi du dossier. Le recours est gratuit et son avis ne s’impose pas.
Le souscripteur peut également saisir les juridictions compétentes ou l’ACP, chargée du contrôle de l’assureur. Les enjeux ainsi évoqués s’érigent en fondamentaux de la pratique d’une bonne gestion des contrats obsèques. Ils sont également le meilleur garant de préservation des distributeurs, notamment les opérateurs funéraires, d’une éventuelle mise en cause de leur responsabilité en cas de défaillance quant au principe de vigilance préventive ainsi prônée.
Méziane Benarab
George-Edward Le Roy
Nota : (1*) – Art. R561-5 (2*) - Instruction générale ayant pour objet de faire la synthèse de la réglementation applicable en matière de délivrance et de renouvellement de la carte nationale d'identité instituée par le décret n° 55-1397 du 22 oct. 1955 modifié. (3*) - Les taux des prélèvements sociaux ont évolué par étapes. Le gain de chaque période est donc (4*) - Recommandation sur le traitement des réclamations 2011-R-05 du 15 déc. 2011. |
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