Mettre fin à l’anarchie de la profusion d’assurances décès non conformes aux recommandations de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), telle était la volonté, fortement exprimée, par la Chambre Syndicale des Services Funéraires Affinitaires (CSSFA) dans son Livre blanc.
Ce dramatique constat est issu d’une analyse approfondie du segment de la prévoyance affinitaire marquée par des pratiques faussement assurantielles et actuellement distribuées de façon massive. Cette situation entraîne un foisonnement d’assurances décès, à la base à fonds perdu, animées par une course effrénée à des cotisations toujours plus basses et parfois insignifiantes, au détriment de la sécurité juridique et financières des souscripteurs.
La majorité de ces assurances ou produits présentés comme tels se limitent à la mise à des dispositions des assurés d’une somme forfaitaire ne couvrant pas, souvent, l’intégralité des frais d’inhumation ou de rapatriement. Par ailleurs, la fragilité financière des organismes de courtage proposant ces produits crée des difficultés de trésorerie pour les entreprises diffusant ce type de produit.
Mieux encore, ce segment de marché est sous la domination d’associations à la gouvernance fragile, instable et conflictuelle qui ont réussi à évincer les opérateurs funéraires de leur distribution. Leur force est telle que ces derniers sont pris en otage par la mise en place de mécanismes d’affection très sélective des sinistres. Parfois, cette logique contourne les règles relatives à l’interdiction de canalisation des familles vers un seul et unique opérateur. Souvent, le président de l’association se transforme très vite en opérateur funéraire.
Pour mieux comprendre la structure de distribution actuelle
Elle se caractérise, globalement, par les éléments qui suivent :
• Importante disparité des formules de protection obsèques ;
• Foisonnement des distributeurs, essentiellement des associations avec un mode de diffusion archaïque ;
• Un grand absent dans la distribution des garanties : les opérateurs funéraires ;
• Certains courtiers sans sécurité juridique, financière et réglementaire ;
• Manquement total aux dispositions relatives à la conformité des garanties aux recommandations de l’ACPR ;
• Des distributeurs non inscrits au répertoire ORIAS.
Sur le plan de la répartition de la distribution par catégorie de statut des structures opérant sur ce segment, notre analyse aboutit aux résultats ci-dessous :
• Prédominance des associations à 90 %
• Position insignifiante des opérateurs funéraires à 4 %
• Mutuelles, bancassurances à 6 %
L’objectif de la Chambre syndicale est d’inverser cette tendance et de remettre les opérateurs funéraires affinitaires en position de régulateur du marché. L’objectif est certes louable et souhaité par les professionnels interrogés, mais trouver la bonne visibilité au bon produit d’assurance ne sera pas aisé au sein d’un segment complètement désorganisé et livré à une anarchie sans commune mesure.
Type de garanties affinitaires proposées
Les garanties proposées sont à 90 % des garanties relatives à des rapatriements de corps dans les pays d’origine. Généralement, on les retrouve sous la forme d’assurance décès.
Deux types de contrats d’assurance décès sont à distinguer :
• L’assurance temporaire décès : elle est souscrite pour une période déterminée (en général 1 an) avec possibilité de renouvellement par tacite reconduction. Si le décès n’intervient pas avant l’échéance, aucune prestation ne sera versée et les cotisations du contrat ne pourront être récupérées. Ce type d’assurance est souscrite à hauteur de 90 % par les ressortissants algériens, par exemple.
• L’assurance vie entière : avec ce contrat, le capital décès sera versé quelle que soit la date de décès de l’assuré. Ce contrat garantit, au décès de l’assuré, le versement d’un capital ou d’une rente au(x) bénéficiaire(s) préalablement désigné(s). Il est souscrit pour une durée indéterminée et prend fin avec le décès de l’assuré. Ce type d’assurance est souscrite à hauteur de 10 % par des familles ayant opté pour un rite funéraire spécifique.
Quant à l’assurance obsèques, elle répond un peu au même principe, mais possède 4 particularités :
• Le montant du capital décès a pour seul objectif de financer les obsèques de l’assuré, avec une durée limitée dans le temps (5-10-15-25 ans). Il permet de laisser des consignes claires autour de l’organisation de ses obsèques en soulageant la famille dans ces moments difficiles. Cet aspect est très important dans la mesure où il évite aux familles des conflits autour des volontés des défunts (rapatriement ou pas).
• La condition d’âge à l’adhésion, qui peut être poussée à 88 ans, ce qui n’est pas le cas dans les assurances décès.
• Le montant de la prime est calculé à partir d’un devis gratuit établi par un opérateur funéraire, ce qui préserve la famille d’un éventuel tiers à charge.
• Ce type d’assurance est très peu développé au sein de la communauté. Elle correspond à peine à 6 % des contrats souscrits, généralement auprès des agences de la bancassurance.
Les risques liés aux assurances décès affinitaires souscrites
Des cotisations la vie durant, jusqu’au décès. En conséquence, les cotisations payées peuvent représenter le double de la somme débloquée dans le cadre du contrat.
Insuffisance du capital garanti à la famille qui ne couvre pas la totalité des frais funéraires engagés (par exemple, le séjour en chambre funéraire). Ce qui génère des frais à charge de la famille.
En cas de suspension du règlement des primes, l’assuré perd la totalité des primes acquittées. Ces primes sont à fonds perdu en cas d’arrêt de paiement de la cotisation.
Mais les risques les plus conséquents se situent au niveau réglementaire. En effet, sous l’apparence d’une cotisation, un grand nombre d’associations proposent une couverture inhumation ou rapatriement sans rattachement à une garantie assurantielle. Il s’agit en réalité d’une sorte de "tontine" exposée au risque d’exercice illégal de la fonction d’assureur.
L’urgence du moment : assainir la situation et arrimer ce segment aux recommandations de l’ACPR en matière de commercialisation
C’est consciente de la gravité de la situation que la Chambre syndicale a entrepris une saisine de l’Autorité de contrôle afin de lui exposer la gravité de la situation. Sensible à cette action, une réunion de travail s’est déroulée le 3 juin dernier. Lors de cette réunion, il a été évoqué la situation sur le marché des assurances obsèques par des associations diffusant des produits présentés en tant que garanties d’assurance et qui ne sont adossées à aucun assureur.
Ainsi, il a été relevé deux catégories de manquements : d’abord quant aux produits proposés, qui ne sont pas conformes aux contraintes imposées par l’assurance en général ; ensuite, le fait de prendre des engagements assurantiels sans avoir la qualité d’assureur. Il a été convenu de transmettre un dossier complet à l’ACPR afin d’engager des contrôles. Rappelons également les pratiques anticoncurrentielles développées par ces associations en orientant les familles vers un entrepreneur unique au moment de la survenance des décès.
Pour la mise en place de véritables contrats obsèques avec dépôt de volontés
Sortir de la situation décrite précédemment et donner une véritable perspective en matière d’assurance obsèques pour les entreprises spécialisées dans les services funéraires affinitaires suppose la mise en place de produits de couverture fiables, adossés à des assureurs de renom. C’est le choix de la Chambre syndicale, qui a décidé d’engager des travaux en vue de la mise en place d’une garantie obsèques efficiente, garantissant aux professionnels distributeurs et aux souscripteurs la sécurité juridique requise.
Une clarification des produits distribués par les entreprises est également nécessaire. En effet, il convient de distinguer les assurances décès, des assurances obsèques.
Le premier ne donne pas de garantie de financement intégral des obsèques et se limite à la simple mise à disposition d’un montant de capital, généralement insuffisant et ne permettant pas la couverture des frais d’obsèques. Généralement, ces produits donnent lieu à des paiements de prime la vie durant et comportent le risque de perte du capital constitué en cas de suspension ou d’arrêt de règlement des cotisations.
Le second correspond parfaitement, à la notion de prévoyance obsèques et s’appuie sur un devis établi par un professionnel et un financement limité dans le temps. La pertinence de ce type de produit réside dans le fait qu’il s’accompagne du dépôt de volontés des souscripteurs.
La Chambre syndicale ambitionne également de réguler l’activité des associations servant de support à des contrats d’assurance décès collectifs et de remettre au centre de ce segment de marché les professionnels affinitaires.
Un cabinet de courtage pour apporter tant aux entreprises qu’aux souscripteurs la sécurité juridique attendue
En créant son propre cabinet de courtage, la Chambre syndicale ambitionne de réguler ce segment de marché en s’appuyant sur des entreprises engagées dans l’opération de repositionnement des professionnels face aux associations. Ainsi, 16 entreprises associées au capital social se sont unies afin de mettre en place une véritable stratégie de réforme de la prévoyance obsèques affinitaire, en s’appuyant sur les recommandations du régulateur relatives à la commercialisation et en donnant tout son sens au devoir de conseil.
Si l’entreprise de pompes funèbres classique est confrontée à l’influence croissante des organismes financiers dans la diffusion des garanties obsèques, l’entreprise affinitaire est de son côté exposée à celle des associations. Des préoccupations certes pas très communes, mais qui se rejoignent sur le fond : garantir leur pérennité sur un marché en très forte mutation.
Meziane Benarab
Résonance n° 206 - Août 2024
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