Après le foot avec le Mondial, le vélo avec le Tour de France, l’athlétisme avec les Jeux de Rio, le brexit et ses conséquences dont la planète financière n’avait pas besoin, de nouveaux attentats, un été chaud et froid, nous voici à la rentrée. Que va nous réserver cette année remplie d’élections de toutes sortes pour finir par la présidentielle pour ce qui nous concerne principalement : la prévoyance funéraire ?
Maurice Abitbol, directeur d’Obsèques Prévoyance. |
Quelques rappels
- Depuis plusieurs années, les prix des prestations funéraires augmentent plus que l’indice général des prix malgré la libéralisation du secteur et un accroissement de la concurrence (voir notre article dans Résonance n° 117).
- La loi Eckert du 13 juin 2014 nous impose de nouvelles tâches administratives très lourdes pour la recherche de contrats obsèques en déshérence. Ces dispositions se justifient peut-être pour les contrats d’assurance sur la vie classique. Mais pour ce qui concerne les contrats obsèques, dont les montants en moyenne tournent autour de 4 500 €, elles nous paraissent démesurées (voir notre article dans Résonance n° 118).
- L’Institut National des Études Démographiques (INED), dans une étude publiée en mars 2016, annonce une hausse importante des décès à terme en raison de deux phénomènes nouveaux. La fin de l’effet des classes creuses nées pendant la Première Guerre mondiale et l’arrivée des baby-boomers aux grands âges. Depuis plusieurs années, les prévisionnistes nous annoncent que le "baby-boom" de l’après-guerre va se transformer en "papy-boom". Mais les professionnels du service funéraire n’ont pour l’instant rien vu venir (voir notre article dans Résonance n° 119).
- La chute des taux de rendement des placements obligataires qui constituent l’essentiel des portefeuilles des assureurs a une incidence directe sur les revalorisations des contrats d’assurance sur la vie, donc des contrats obsèques. Cette réalité, qui semble durable, oblige les intervenants à repenser leur modèle économique (voir notre article dans Résonance n° 120).
- L’économie 2.0 investit tous les secteurs de l’activité économique. Le secteur funéraire ne fait pas exception, et doit s’adapter aux nouvelles technologies sans perdre son âme, c’est-à-dire un service personnalisé dans la dignité et la sobriété (voir notre article dans Résonance n° 121).
- La directive européenne sur la distribution en assurances est entrée en vigueur le 23 février 2016. Son application en droit français interviendra le 23 février 2018. L’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), organe de supervision de la banque et de l’assurance, dans le n° 27 de mars-avril 2016 de sa revue, nous donne quelques indications sur ce qui va changer. Les opérateurs funéraires, intermédiaires d’assurance à titre accessoire, en proposant des contrats obsèques donc des contrats d’assurance, sont concernés par cette directive (voir notre article dans Résonance n° 122).
Tentative prévisionnelle non exhaustive
Ces rappels nous fournissent quelques éléments pour essayer de répondre à la question de ce qui nous attend après cette rentrée.
Comme chacun sait, "trop d’impôt tue l’impôt". Nous pourrions étendre cette expression aux règles administratives : "trop de règles administratives tue la règle". Multiplier les règles indistinctement quelle que soit la taille de l’entreprise et quel que soit le secteur au prétexte que tous les citoyens sont traités pareillement par la République est une aberration. Surtout que cette règle n’est pas valable pour tous, puisque les entreprises du CAC40 sont imposées en moyenne à 8 % alors que les PME le sont à 33 %. Multiplier les règles sans se donner les moyens de les faire appliquer ne fait que défavoriser ceux qui respectent la réglementation. Combien d’entreprises de services funéraires ne respectent pas encore actuellement la facture type regroupant les prestations courantes, les prestations optionnelles et les frais avancés pour le compte de la famille ? Combien utilisent des emplois de vacataires ?
Nous n’allons pas citer toutes les règles non uniformément appliquées qui ne font que fausser la concurrence. Dans le cadre de la recherche des contrats en déshérence, traiter les contrats obsèques, dont le montant en général est inférieur à 10 000 €, comme les contrats d’assurance sur la vie, dont le montant est beaucoup plus important, pouvant atteindre des centaines de milliers d’euros, est regrettable, et ne fait qu’entraîner des coûts relatifs importants aux souscripteurs.
Éviter la multiplication de règles administratives lourdes, continuer à responsabiliser les opérateurs, assurer un meilleur contrôle de l’activité et protéger au mieux les consommateurs, c’est ce que la profession peut espérer pour l’avenir.
- La crémation représente aujourd’hui un tiers des obsèques, et l’on s’oriente vers une proportion dépassant les 50 % dans les prochaines années. Les pouvoirs publics souhaitent intervenir pour réguler la création de crématoriums et leur répartition sur le territoire. Un projet de loi devrait voir le jour en ce sens. Espérons que là aussi la responsabilisation des intervenants sera préférée à une planification rigide qui ne fera que compliquer la concurrence et favoriser le lobbying.
Par ailleurs, en prolongement de la COP21, nous pouvons nous attendre à un durcissement des règles environnementales. 2018 est la limite pour l’application des nouvelles règles en matière de rejet. Avant même leur application, il est question de durcissement pendant que d’autres prédisent le report de la date fatidique, car à ce jour, plus de la moitié des crématoriums ne sont pas en mesure de respecter ces normes. La période électorale qui va s’ouvrir ne favorisera pas des décisions fermes et claires applicables par tous. Encore ne faudra-t-il pas s’étonner de l’augmentation de tarifs des crémations, qui varient en France de 400 à 850 € selon l’âge de l’installation et le respect des règles environnementales.
- Du milieu du XXe siècle au début du XXIe, nous avons basculé dans un autre monde. Nous vivons un développement scientifique et technologique sans précédent qui progressivement investit tous les domaines de l’activité humaine, et donc aussi le secteur du funéraire. Beaucoup de services se créent en s’appuyant sur le numérique. Nous pouvons faire confiance à l’imagination humaine pour que d’autres nouveautés se greffent sur notre secteur. Les professionnels du secteur devront être attentifs à ne pas se laisser manger la laine sur le dos, à l’image de certaines sociétés de l’économie dite collaborative qui ne génèrent des bénéfices monstrueux qu’à ses initiateurs.
- L’activité des opérateurs funéraires sera de plus en plus dépendante des opérateurs d’assurance obsèques. En effet, le nombre de funérailles financées par un contrat de prévoyance est en constante augmentation. Il devrait dépasser 30 % du nombre de décès. La part des opérateurs funéraires dans la conclusion de ces contrats est relativement faible. Environ un quart des contrats comportent des dispositions funéraires précises. De plus, les opérateurs doivent adosser leurs contrats de prestations à un contrat d’assurance.
L’assurance obsèques est en pleine évolution. Tout d’abord, face à la cupidité de certains, il a bien fallu préciser quelques règles. Un contrat obsèques ne peut désormais servir qu’à financer des obsèques. Cela va sans dire, mais pas pour tout le monde. Cela va donc mieux en le disant ! Il n’existe que deux types de contrats obsèques. Un contrat en capital et un contrat en prestations. Le premier prévoit en cas de décès de l’assuré le paiement d’un capital au bénéficiaire du contrat. Ce capital sert au financement des obsèques sans garantie que, le moment venu, la totalité de la facture sera couverte. Le second type de contrat est un contrat qui permet de régler le financement et l’organisation des obsèques. Les dernières évolutions précisent que ce type de contrat doit être accompagné d’un devis détaillé et personnalisé pour être valable.
L’assureur a en charge le placement des fonds récoltés et revalorise chaque année la valeur du capital assuré de manière à couvrir l’augmentation des prix des prestations funéraires choisies par le souscripteur. Jusqu’à une période récente, les rendements des marchés financiers permettaient de compenser sans trop de difficultés l’augmentation des prix. Vu la baisse des rendements financiers, c’est de plus en plus difficile.
De plus, avec les rachats d’entreprises de services funéraires, la concurrence est rude chez les fournisseurs de contrats obsèques. Les opérateurs funéraires ont recours à des intermédiaires d’assurance (courtiers, agents, mandataires). Et à ce niveau aussi, des changements notables ont eu lieu. Rachat, concentration et regroupement font que deux groupes dominent très nettement l’offre de prévoyance funéraire et ne laissent pas beaucoup de place à des intervenants indépendants. Bien choisir son fournisseur de contrats obsèques sera un élément déterminant pour garantir l’indépendance et l’activité de l’opérateur.
En conclusion
Ces quelques réflexions n’ont pas la prétention d’être exhaustives. Elles nous donnent toutefois une idée des évolutions que ne manquera pas de connaître notre secteur d’activité après cette période estivale. Le secteur des services funéraires connaît une forte tendance à la structuration de l’offre sous la forme de concentration et/ou d’adoption de différentes formes de commerce organisé. L’exigence de proximité et de professionnalisme caractérise l’évolution de la demande et ne peut être ignorée par les acteurs.
Au niveau de la prévoyance funéraire, l’exigence de proximité est moins forte, sauf que, dans le cas de prestations funéraires détaillées et personnalisées adossées au contrat d’assurance, elle reste au cœur de la demande. Le marché des prestations funéraires et le marché de la prévoyance funéraire sont en pleine mutation, et nous connaîtrons encore des évolutions qu’il est difficile d’anticiper avec certitude.
Maurice Abitbol
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Résonance n°123 - Septembre 2016
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