Les économistes nous vantent les bienfaits de la concurrence. Cela pousse à une amélioration de la productivité et de la qualité des biens et des services, et à une baisse des prix. Au niveau du secteur des prestations funéraires, ces affirmations ne se vérifient pas du côté de la baisse des prix. Vérifions et essayons de comprendre pourquoi !
L’INSEE mesure les prix
L’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) publie régulièrement des indices de prix. Destiné à apprécier l'inflation, l'Indice des Prix à la Consommation (IPC) permet de mesurer de façon synthétique l'évolution du prix des produits consommés par les ménages. Le champ de l'IPC se définit comme celui de la consommation finale effective marchande monétaire des ménages. Il est constitué de sous-indices qui représentent l’évolution des prix au niveau des différents secteurs de consommation : produits alimentaires, habillement, logement, appareils ménagers, santé, transports, communications, loisirs et culture, éducation, hôtellerie, et autres biens et services.
L’indice général des prix est l’instrument de mesure de l’augmentation des prix à la consommation. Il est parfois contesté comme insuffisamment représentatif de la consommation des ménages parce qu’il accorde une place plus ou moins importante à telle ou telle catégorie de produits. Mais il est établi par une administration dont la compétence est reconnue par tous et sert de référence objective de la mesure de l’augmentation des prix à la consommation. (voir tableau ci-dessous)
Années | Évolution annuelle | |
IPC | ISF | |
2015 | 127,90 | 158,35 |
2014 | 127,85 | 155,18 |
2013 | 127,21 | 150,97 |
2012 | 126,12 | 147,87 |
2011 | 123,70 | 142,97 |
2010 | 121,13 | 139,71 |
2009 | 119,31 | 138,12 |
2008 | 119,20 | 134,83 |
2007 | 115,94 | 129,63 |
2006 | 114,24 | 126,62 |
2005 | 112,40 | 123,00 |
2004 | 110,40 | 119,70 |
2003 | 108,10 | 115,30 |
2002 | 105,90 | 111,40 |
2001 | 103,90 | 107,90 |
2000 | 102,20 | 104,80 |
1999 | 100,50 | 102,50 |
1998 | 100,00 | 100,00 |
Les services funéraires font partie de la catégorie des autres biens et services, et font l’objet d’un indice particulier. Cet indice est une composante de l’indice général. Tous les mois sont relevés les prix d’un convoi avec et sans transport, en métropole et dans les départements d’outre-mer. Ces relevés servent à l’établissement de l’indice des prix des services funéraires et à sa publication mensuelle.
Le tableau montre que, depuis 1998, l’indice général est passé de 100 à 127,90. Dans le même temps, l’indice des services funéraires est passé de 100 à 158,35, soit plus de trente points de différence. L’augmentation des prix dans les services funéraires est plus du double de l’augmentation générale des prix sur une période de dix-sept ans. Les prix augmentent en moyenne sur cette période de 1,64 % par année, alors que la croissance moyenne annuelle des prix des services funéraires est de 3,43 %.
Quand on pense que c’est sur cette période que la libéralisation des services funéraires s’est opérée en France et que le monopole a été remplacé par la concurrence, le moins que l’on puisse dire, c’est que la concurrence, en l’occurrence, ne s’est pas accompagnée d’une baisse des prix.
Comment expliquer cette évolution ?
La concurrence n’a pas exercé, comme on pouvait s’y attendre, une pression à la baisse des prix dans le secteur des services funéraires. Comment justifier cette anomalie par rapport à la théorie économique ?
Tout d’abord, force est de constater que la libéralisation du secteur et son organisation – remplacement de l’agrément par l’habilitation préfectorale et allégement de la réglementation – se sont accompagnées d’une multiplication des opérateurs, alors que le marché est resté relativement stable. Quand la part de marché de chacun baisse du fait de l’augmentation du nombre des intervenants, cela se traduit pour beaucoup par une majoration des prix pour maintenir l’équilibre de gestion.
Mais l’augmentation des prix n’est pas la seule solution, surtout si elle se heurte à la concurrence. La diversification et la multiplication du nombre de prestations sont aussi un facteur de majoration du prix du convoi. Le développement de la pratique des soins de thanatopraxie et de l’utilisation des salons funéraires est un élément de cette majoration. De même, le changement de réglementation et l’imposition de normes plus strictes ont un coût certain pour tous. Par exemple, l’obligation d’une filtration efficace dans les crématoriums, qui se justifie par ailleurs, a pour conséquence la majoration du prix d’une crémation. La filtration coûte le double du prix du four, cela ne peut que se répercuter, au moins partiellement, sinon totalement, dans le prix payé par le client.
Sans prétendre être exhaustifs, tous ces éléments constituent des facteurs d’explication de cette augmentation plus importante des prix dans les services funéraires par rapport à l’indice général des prix.
Incidence sur la prévoyance funéraire
Un contrat obsèques, c’est-à-dire un contrat qui permet au client de l’opérateur funéraire de préparer ses obsèques à l’avance, est une assurance-vie individuelle ou collective associée à un contrat de prestations funéraires financé par cette assurance-vie. Ce contrat doit le moment venu permettre de faire face au financement des prestations choisies et éviter à ses proches tous soucis administratifs et financiers.
Comme les assureurs ne peuvent lier leurs contrats qu’à l’évolution des marchés financiers, il faut que les taux d’intérêt pratiqués sur ces marchés soient supérieurs à l’augmentation des prix des prestations funéraires. Et aujourd’hui, c’est de plus en plus difficile, car les prix des services funéraires évoluent plus vite que les taux d’intérêt.
En juin 2015, une étude sur les taux de revalorisation des contrats d’assurance-vie, au titre de 2014, nous donne des indications intéressantes. Tant au niveau des contrats individuels que des contrats collectifs, le taux de revalorisation moyen, net de frais de chargement, pondéré par les provisions mathématiques correspondantes, avant prélèvements fiscaux et sociaux, s’inscrit dans une dynamique de baisse observée depuis 2007. Cette baisse est la conséquence de la contraction des taux obligataires. Les taux longs sur obligations souveraines françaises ont atteint des niveaux historiquement bas en 2014, à hauteur de 1,66 % en moyenne annuelle (contre 2,21 % en 2013). Ce niveau a pesé sur les rendements des actifs des assureurs, et par conséquence sur les taux de revalorisation servis aux assurés.
Nous voyons donc que, dans la situation actuelle des marchés financiers il faut rester prudent. Il faut distinguer la réalisation des prestations que l’on peut garantir du financement de ces prestations. Il faut surtout indiquer clairement qui prend le risque financier en sachant que ce risque ne peut être couvert complètement par l’assureur. En effet, celui-ci est soumis aux marchés financiers et ne peut s’aligner sur l’augmentation des prix des services funéraires.
Le souscripteur de contrat obsèques en prestations reçoit chaque année un courrier lui indiquant le montant de la revalorisation de son contrat. À cette occasion, il doit être informé si l’écart entre le taux de revalorisation et le taux d’augmentation des prix dans le secteur funéraire devient trop grand, et remet en cause les prestations funéraires définies dans le contrat.
Nous avons déjà suggéré à plusieurs reprises dans cette revue que, pour faire face à cette difficulté, un bon contrat obsèques devrait prévoir, au moins tous les cinq ans, une révision du capital assuré par le souscripteur, de manière à lui garantir le financement des prestations au niveau souhaité.
Maurice Abitbol
directeur d'Obsèques Prévoyance.
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