"Demain dès l’aube" de Caroline de Bodinat

Si ce livre peut renvoyer à notre ultime point commun, il explore avant tout l’humanité qui s’y confronte. Celle de ces femmes et de ces hommes à qui les familles endeuillées confient leur défunt, la responsabilité que représente l’organisation des obsèques.

Un quotidien insoupçonné; personne n’ayant accès aux coulisses de cette profession aussi singulière qu’essentielle (comptant sur le territoire 25 000 salariés pour 4 972 employeurs).

"La mort n’est pas belle à regarder, s’y confronter n’a rien d’évident, l’écrire est peut-être impossible", préviendra le président fondateur des pompes funèbres indépendantes Caton, où se déroule l’immersion. S’immiscer dans ce monde inconnu, invisibilisé par la répulsion qu’il suscite, a demandé des mois d’approche, d’observation, d’apprivoisement mutuels pour en saisir le langage, les codes, l’implication, le travail opéré par chaque maillon de la chaîne.

L’observation s’est muée en action, impossible de comprendre sans éprouver la réalité des métiers. Saisir signifie se lancer, apprendre les gestes prodigués et les pratiquer. Condition sine qua non pour parvenir à partager les ressentis de ces artisans de l’ombre muselés par la discrétion qu’impose leur profession.

Quelles relations entretiennent ces acteurs du funéraire face à la mort qui ne connaît ni vacances, ni jours fériés, n’offre aucun répit ? Comment recevoir la peine des autres, prendre le relais quand les endeuillés perdent pied, quelle distance à observer, jusqu’où aller dans la compassion ? Comment vivre sa propre vie quand on exerce ce métier dont la vocation ne se découvre qu’au fil d’années d’expérience ? Comment résister aux larmes, se forger une carrure face aux drames et encaisser la pénibilité de ce travail qui prend ici tout son sens ?

Caroline de Bodinat est journaliste, portraitiste et romancière. Son récit, tissé de faits vrais, de noms et de lieux qui existent, est écrit sous la forme d’un roman, sans complaisance, sans artifice. Les humanités rencontrées deviennent des personnages attachants, impliqués, bouleversants à se dire, drôles parfois. "Que vous restiez une semaine ou des années, on ne ressort pas indemne de notre métier", alertera le directeur général de la maison. Pas indemne, non, mais sans doute plus humain.

"Demain dès l’aube", 368 pages à découvrir : paru le 11 octobre 2023 éditions Flammarion.

 

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Résonance n° 197 - Novembre 2023