Le nouveau Thilliez est sorti le 4 juin, j’ai eu la chance de l’avoir lors du salon du livre de Paris, Franck me l’a offert lors de cet événement. Jusqu’alors, j’ai toujours aimé ses thrillers, rien à redire sur le style, et le gars est toujours inspiré, et pas qu’un peu… J’avais déjà été gâté avec "La Forêt des ombres" dont le héros, David Miller, est un thanatopracteur, voici que, dans "PANDEMIA", le sujet m’intéresse énormément aussi, mais surtout, il devrait captiver toute la profession…
Page de couverture "PANDEMIA". |
Et si demain un groupuscule terroriste frappait notre pays, notre continent, voire la planète avec un attentat biologique…
Si, demain, un virus grippal inconnu, donc sans vaccin et mortel dans certains cas, frappait le pays, serions-nous parés pour réagir ?
Car c’est cela le thème du dernier Thilliez, des cygnes contaminés retrouvés dans le parc du Marquenterre, d’autres en divers lieux de la planète, et la contamination commence…
On retrouve dans ce livre Lucie Henebelle et Franck Sharko, personnages fétiches de Franck, mais aussi d’autres comme Camille Thibauld, croisée dans "[Angor]".
"L’homme, tel que nous le connaissons, est le pire virus de la planète. Il se reproduit, détruit, étouffe ses propres réserves, sans aucun respect, sans stratégie de survie. Sans nous, cette planète court à la catastrophe. Il faut des hommes purs, sélectionnés parmi les meilleurs, et il faut éliminer le reste. Les microbes sont la solution. "Comme chaque matin, Amandine a quitté sa maison de verre pour les locaux de l’Institut Pasteur. Mais ce matin-là est particulier. Appelée pour des prélèvements à la réserve ornithologique du Marquenterre, en baie de Somme, la microbiologiste est déconcertée : trois cadavres de cygnes gisent sur une étendue d’eau. En forêt de Meudon, un homme et son chien ont été abattus.
L’étang qui jouxte la scène de crime a été passé au peigne fin. Bilan : un sac de toile lesté de parpaings. À l’intérieur : des ossements, des crânes, un casque. Quatre corps en kit. Et pendant ce temps, une grippe coriace fauche jusqu’aux plus robustes. Elle n’a pas épargné certains increvables du 36, quai des Orfèvres. Une grippe dont la souche demeure curieusement non identifiable. Après "Angor", une nouvelle aventure pour Franck Sharko et Lucie Henebelle. Et l’enjeu est de taille : la préservation de l’espèce humaine."
Tout au long du roman, on sombre dans une psychose, Franck orchestre de main de maître une mise en scène oppressante et parfois bien trop réaliste, même si tout n’est que fiction. Plusieurs enquêtes s’entrecroisent, se nouent, pour ne former qu’une seule et terrifiante histoire, celle de la folie meurtrière et destructrice d’un homme…
Comme à son habitude, Thilliez n’invente pas la science, il travaille, fouille, lit, rencontre, et ainsi tisse un thriller aux relents scientifiques. Quand un auteur travaille véritablement ses recherches, le résultat est magnifique, car hyperréaliste. On sait que nous sommes dans un livre, dans l’imaginaire d’un auteur, mais on ne peut s’empêcher de se poser une question : Qu’adviendrait-il si demain cela arrivait ?
Est-ce que par exemple le secteur funéraire est préparé pour ce genre de catastrophe ? Des corps potentiellement pathogènes pour tout le personnel ? Quel danger pour les salariés, les familles, tous les intervenants ? Vaste question au moment où nos élus légifèrent déjà sur un texte qui fait grand bruit au sein de la thanatopraxie : levée de l’interdiction des soins pour les personnes séropositives…
"Bientôt, ce monde contaminé par la médiocrité, la misère, l’assistanat va connaître l’embrasement, puis le changement."
Rencontre
Franck Thilliez |
Sébastien Mousse : Bonjour Franck, "PANDEMIA" sort ce mois-ci, une légère avance sur le calendrier, d’habitude, tes sorties sont en octobre. Tu utilises cette fois un sujet qui terrifie beaucoup de monde, le bioterrorisme, comment t’es venue cette idée ?
Franck Thilliez : J’ai toujours eu en tête l’idée d’écrire un jour sur les microbes, mais deux éléments principaux me bloquaient. D’une part, le sujet avait déjà été traité à maintes reprises en littérature et au cinéma, et je ne trouvais pas comment le développer de façon originale. Pour moi, une "histoire de microbes" se résumait au vol d’un virus dangereux dans un laboratoire, que l’on répandait ensuite dans la population. Ensuite, je voulais une spécificité française : il fallait que mon histoire se passe proche de chez nous, sur notre territoire. Tout s’est déclenché lorsque j’ai visité l’Institut Pasteur de Lille. Je me suis rendu compte que des spécialistes traquent des microbes dans la nature de la même façon que des policiers poursuivent des assassins. Il y avait là, à l’évidence, un angle original à étudier et développer.
SM : C’est un sujet qui fait peur, on sait que c’est tout à fait plausible, que c’est un terrorisme pire que l’attentat à la bombe, tu le prouves dans ton livre, car les victimes deviennent à leur tour vecteurs de mort. C’est une chose qui te fait peur ?
FT : Évidemment. Les microbes sont invisibles, ils sont partout autour de nous, se multiplient tout seuls à une vitesse prodigieuse. Les armes, les bombes laissent des traces, tandis que les épidémies et pandémies traversent les villes en ne causant aucun dégât matériel. Ils ne connaissent pas non plus les frontières. Si les terroristes n’utilisent pas l’arme microbiologique aujourd’hui, c’est, je pense, pour deux raisons principales : le virus qu’ils répandraient par exemple dans la population finirait par se retourner contre eux. Et ensuite, les terroristes cherchent le spectaculaire, la revendication ponctuelle par des actes sanglants et violents. Difficile de revendiquer la diffusion d’un microbe dans une population. Non, le pire, c’est un microbe nocif entre les mains d’un fou (Lettres à l’Anthrax en 2001), d’une secte ou ce genre d’organisation aux croyances infondées.
SM : Un autre sujet est effrayant dans ce livre, le Darknet, cet Internet obscur, la face immergée de l’iceberg virtuel. De simples manipulations pour atterrir en ces lieux où l’anonymat règne en maître absolu, et bien sûr en découle tout ce qu’il y a de plus illicite : trafics d’armes, de drogues, prostitution, meurtres, pédophilie… Qu’est-ce qui est le plus dangereux ?
FT : Le plus dangereux est sans doute cette impression que tout un chacun a de voyager dans ces lieux en toute impunité. C’est comme si l’on entrait dans un supermarché et que le vendeur vous disait : "Prenez tout ce que vous voulez, c’est gratuit aujourd’hui !" Avant, il était quasiment impossible de se procurer, par exemple, un faux permis de conduire, parce que le monde du faux, du trafic était complètement dissocié de la vie de tout un chacun : un commercial qui n’avait plus de permis n’allait pas se mettre à errer physiquement dans les milieux ou endroits dangereux pour obtenir les faux papiers. De nos jours, il lui suffit de rester chez lui, tranquillement caché derrière son écran, pour se procurer tout ce qu’il veut. Il existe une véritable économie illégale et souterraine, qui fonctionne parce qu’il y a de l’offre et de la demande. Et la demande, c’est un peu chacun d’entre nous…
SM : Une fois de plus, tu t’es hyper documenté, que cela soit du côté bactériologie/virologie, épidémiologie/pandémie/zoonoses, mais aussi informatique, combien de temps de recherches ? Plus que le temps d’écriture ?
FT : Il est vrai qu’il y a eu énormément de recherches pour "PANDEMIA", environ 5 mois de lectures, de rencontres et d’interviews de spécialistes. La principale difficulté était d’expliquer des thèmes compliqués de la façon la plus simple qui soit, et de l’intégrer dans une enquête policière. Et aussi, je voulais un récit plausible, très proche de la réalité. Les chercheurs qui ont lu mon roman ont vraiment apprécié son caractère réaliste, et c’est d’ailleurs ce qui fait le plus peur : cela pourrait réellement arriver !
SM : Maintenant que tu es une des figures les plus connues de la littérature française, les portes s’ouvrent-elles plus facilement quand tu as besoin de renseignements, de rencontrer un ponte d’un sujet pointu ?
FT : Oui et non. Quand je suis arrivé à l’Institut Pasteur, personne ne me connaissait ! Mais très vite, les chercheurs se sont rendu compte du sérieux de ma démarche. Il ne s’agissait pas de réaliser un épisode des Experts, mais de plonger dans le quotidien de ces spécialistes et de décrire leur métier au mieux, sans les trahir. Le plus important est de créer une relation de confiance, c’est un échange. Au fil des années, j’ai pu également développer un réseau de personnes prêtes à m’aider en cas de besoin, dans les domaines de la police, de la médecine légale, de la justice, et même de la thanatopraxie ! Tout cela s’est fait au fur et à mesure, et non de façon brutale…
SM : La transmission de maladie est une des phobies des thanatopracteurs, souvent en contact de défunts décédés de pathologies plus ou moins "contagieuses." Le Gouvernement est en train de légiférer afin que les corps des personnes décédées du SIDA aient le droit de recevoir des soins de conservation, ce qui est jusqu’alors interdit. Tu en penses quoi ?
FT : J’ignorais cette forme de "ségrégation", que je trouve assez scandaleuse. Cette étape autour de la mort est une période difficile pour les vivants, et j’imagine très bien qu’une personne qui ne peut pas dire un dernier au revoir à un défunt doit avoir énormément de mal à faire son deuil. Je peux comprendre cette peur de la transmission de microbes dangereux, mais il doit y avoir des solutions comparables à certaines autopsies de personnes contaminées faites dans des environnements sécurisés. Évidemment, derrière, il faut des moyens, de la formation, mais cette étape du dernier au revoir n’a pas de prix à mes yeux.
SM : En parlant thanatopracteur, à quand le retour de David Miller, héros de "La Forêt des ombres" ?
FT : Peut-être un jour, sait-on jamais ! Le métier de thanatopracteur est peu commun, assez méconnu des gens, il mérite qu’on parle de lui.
SM : Peut-on connaître le sujet de ton prochain best-seller ?
FT : Ce sera un "one-short", dans le monde des rêves et du sommeil !
SM : Franck, je te remercie une fois de plus d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, au plaisir.
FT : Merci à toi !
Sébastien Mousse
Thanatopracteur - Éditeur l’Atelier Mosésu
Résonance n°111 - Juin 2015
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