Il y a des collections dont on est plus fier que d’autres, pas forcément qu’elles soient meilleures, mais quand un éditeur différent, Gilles Guillon, vous offre un projet qu’il ne pourra mener à terme, c’est qu’ un "ancien" vous fait confiance à vous, le débutant…
Page de couverture "Ravensbrück mon amour". |
L’idée était au départ des romans noirs historiques, sur la période de la Seconde Guerre mondiale. Quand Gilles m’a parlé du projet, je fus enthousiasmé immédiatement, il m’envoyait en même temps deux manuscrits : Un vent printanier, sur la rafle du Vel d’hiv, de Michel Vigneron, et Zazou, de Jean Mazarin, sur la naissance de la Résistance à Paris.
La collection [39-45] Le roman noir au service de l’Histoire était née…
De mon côté, un jeune auteur, qui jusqu’alors n’avait écrit que des nouvelles, Stanislas Petrosky, me propose un manuscrit qui sort des sentiers battus.
L’histoire d’un jeune Allemand qui se retrouve bien malgré lui à construire le camp de Ravensbrück, puis y en devient kapo. Son talent pour le dessin va en faire l’illustrateur de ce camp de concentration, son âme d’artiste va tout retranscrire, toutes les horreurs, tous les crimes, mais aussi les gestes de bravoure des prisonnières. Son personnage, Gunther, va en plus tomber amoureux d’une juive d’origine française, Edna.
Pour un premier roman, Stanislas nous offre du noir pur jus dont on ne sort pas forcément indemne, chaque page tournée, même si les personnages sont fictifs, est une page d’histoire, les évènements historiques ont eu lieu, les atrocités décrites ont été subies par des femmes, des enfants…
Le quatrième de couverture
Gunther, jeune artiste allemand enrôlé de force au moment de la construction du camp de Ravensbrück, en devient l’illustrateur officiel, obligé de mettre son talent de dessinateur au service des autorités nazies. Rien n’échappe au crayon affûté du jeune homme : l’horreur des camps, les expériences médicales, les kommandos, les mœurs des officiers, la vie, la mort. Dans ce roman noir, Stanislas Petrosky pénètre au cœur de Ravensbrück et en décrit implacablement chaque recoin, afin de ne jamais oublier.
Rencontre avec l’auteur
Sébastien Mousse : Ton roman est plein de descriptions très crues, voire sadiques, sur les opérations subies par les déportés. Pourrait-on parler de complaisance de ta part ?
Stanislas Petrosky : Surtout pas, bien au contraire, je me suis efforcé d’être le plus réaliste possible, sans jamais donner trop de détails, le minimum, je n’ai pas voulu faire "traîner" les scènes d’expériences, par exemple.
SM : Pourquoi avoir choisi un héros dessinateur ? Ce n’est pas ce qu’il y a de plus courant…
SP : Premièrement, j’ai une passion pour le dessin, et deuxièmement, je me suis dit que, quoi de mieux que le ressenti d’un artiste pour décrire ce genre d’horreur, pour se poser des questions.
SM : Comme t’es tu documenté sur ce camp ? Qu’est-ce qu’il y a de vrai dans ce roman ?
SP : Beaucoup de lecture, les livres de Germaine Tillion, rescapée du camp, ceux de Christian Bernadac et plein d’autres ; en fait, bien avant l’écriture, pendant, et même après afin de vérifier, j‘ai lu des centaines de témoignages, Internet regorge d’informations. J’ai vraiment fait un gros travail de recherche, et j’ai trouvé cela plus que passionnant. Je sais que mes collègues Jean Mazarin et Michel Vigneron ont fait de même, notre éditeur est très dur… Il reste peut-être des erreurs, mais nous avons fait le maximum, en revanche, ce sont des romans noirs dans un cadre historique, et pas des livres d’histoire, nous sommes romanciers, pas historiens. Quant à savoir ce qui est vrai, toutes les expériences décrites, les tortures, les kommandos, tout est vrai, tout est issu de témoignages, seuls mes personnages sont fictifs, et encore…
SM : Le personnage de Gunther, un ouvrier allemand qui est amené à "dessiner" toutes les horreurs nazies, est quelque part complice de celles-ci. Comment expliques-tu que le lecteur s’y attache ?
SP : C’est simple, Gunther n’est pas un nazi, Gunther est un artiste, un utopiste, un homme bon, seul le courage lui manque parfois, bref, il est comme beaucoup d’hommes et de femmes.
SM : Après avoir décrit de telles abominations, dans un pays aujourd’hui ami, il n’y a pas si longtemps, quelle est ta foi en l’humanité ?
SP : Malgré ce qui se passe au Niger, en Syrie, et dans tant d’autres endroits de notre planète, ce qui s’est passé début janvier à Paris, j’ai foi, je crois en l’homme. La plupart des hommes et des femmes sont bons, mais inertes, ils, nous ne réagissons pas quand il le faut. Ce qui s’est passé en 39-45 en Allemagne n’était pas le but de tout un peuple, mais de certains, des Gunther et des Wilhelm, il y en a eu beaucoup… À notre époque, grâce aux réseaux sociaux, à Internet, nous sommes "ultra-connectés", on sait ce qui se passe partout en temps et en heure, et cela fait naître des mouvements de soutien, de solidarité, souviens-toi des "printemps arabes", de "la marche des Charlie", l’homme et la femme sont bons, mais ils ne le savent pas forcément.
SM : Si tu devais faire lire ton livre à une personne, réelle ou fictive, ce serait qui et pourquoi ?
SP : Deux personnes, mon grand-père et ma grand-mère, parce qu’ils l’ont vécu, et qu’ils auraient été heureux et fiers de lire ce livre, je pense…
SM : Et une chanson pour résumer ce livre, à écouter avec la lecture ?
SP : "Nuit et Brouillard" de Jean Ferrat, chanson ô combien émouvante sur la déportation…
SM : Et ton actualité littéraire du moment ?
SP : Commencer par faire la promotion de "Ravensbrück mon amour" côté cour et côté jardin. Je dois t’avouer que j’ai pris goût à la recherche historique, je pense que l’an prochain, avec une amie, nous te soumettrons un manuscrit sur la Résistance…
SM : Nous verrons cela en temps utile, mais tu m’en vois ravi, merci d’avoir répondu à mes questions, Stanislas, et bonne route à toi et ton roman !
Sébastien Mousse
Thanatopracteur et directeur littéraire
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