Encore un livre sur un tueur en série… le sérial killer a encore frappé ! Depuis Thomas Harris et la création d’Hannibal Lecter, le tueur psychopathe aux innombrables victimes est un phénomène de mode, que cela soit dans la littérature, le cinéma ou les séries TV. Seulement, au bout d’un moment, ça saoule un peu… Des assassinats plus horribles les uns que les autres, un criminel narcissique qui cherche à se venger de sa mère qui l’étouffait, et qui est amoureux de sa sœur. Bref, on avait presque envie de revenir à un bon vieux crime passionnel de derrière les fagots, où le type s’est fait flinguer parce qu’il a une relation avec la femme d’un autre.
Fabio Mitchelli |
Sauf que notre ami Fabio, plutôt que créer un tueur sadique en fouillant dans le côté obscur de son esprit, a eu l’idée d’en prendre un connu, de se servir de ce qu’il avait commis – tout le monde sait que la réalité, en toutes choses, dépasse la fiction – et de transposer le tout dans une trame issue de son imagination.
L’heureux élu fut Jeffrey Dahmer, dit "le cannibale du Milwaukee" (1960-1994), célèbre tueur en série qui a fait pas moins de 17 victimes, tous des hommes issus de la communauté afro-américaine. Gamin, il dépeçait des animaux, entrée fracassante dans l’âge adulte avec des viols, assassinats et démembrement de jeunes hommes. Et pour parfaire cette image de chic type, il était nécrophile et cannibale. Les corps de ses victimes étaient découpés, jetés dans de l’acide, il en mangeait des morceaux, en gardait, et parfois décorait son appartement avec les restes... Lors de son jugement, tout le monde a été frappé par sa froideur absolue.
Fabio a donc transposé les déviances, perversions, crimes de cet homme dans son roman. Le tueur se nomme non plus Jeffrey mais Blake, et Blake va avoir le même modus operandi que Dahmer. Au fur et à mesure de son récit, l’auteur va semer des concordances entre fiction et réalité, car ce livre reste un polar et non une biographie de Jeffrey Dahmer.
Un thriller, ou un polar, tout dépend où l’on se place du point de vue de la lecture, mais le livre est construit avec une enquête axée sur ce tueur, et surtout du suspens : Qui est Blake ? Car, tour à tour, chaque personnage peut être soupçonné d’être le "Mal".
Le résumé
Et si le diable existait ? Et s’il suffisait d’avoir de la compassion à son égard pour espérer être épargné ? Et s’il en avait pour vous ?
1963. Une banlieue de Cleveland, dans l’Ohio, aux États-Unis. La genèse de toute une série de meurtres non élucidés prend sa source dans l’horreur.
1981. Freddy Lawrence et Victoria Fletcher, officiers de police à la brigade des homicides violents de Cleveland, sont chargés d’une enquête toute singulière : des corps humains gisant dans des barils de plastique bleu sont remontés à la surface par une équipe de botanistes travaillant sur une zone du parc de Cuyahoga Valley.
L’investigation les mènera sur d’effroyables charniers, révélant que les victimes étaient en majeure partie de très jeunes Afro-Américains de la communauté gay de Cleveland. Au cours de l’enquête, Freddy et Victoria seront hantés par les fantômes de leur passé. Ils prendront alors conscience à quel point le diable peut être magnanime…
Pourront-ils seulement embrasser leurs démons ? Qui est vraiment "Blake" ? Et vous, seriez-vous capable d’accorder de la compassion au diable jusqu’au point de danser avec lui ? Le cannibale de Cleveland les mènera alors là où personne n’a encore jamais osé poser les pieds…
L’avis
Après avoir "bouffé" à toutes les sauces du tueur en série, avec du très bon comme Claire Favan, et du très mauvais avec XX (je ne tiens pas à me fâcher…), j’en avais marre du genre, sauf que, sadomasochisme littéraire, c’est moi qui ai tenu à recevoir le service presse du livre, Dahmer est un personnage hors normes, et à ce jour nul ne connaît les motivations, les pathologies qui ont entrainé ces dérèglements chez lui.
Le roman est bien écrit, une plongée en enfer, où il faut bien retenir que les scènes de crimes ne sont pas issues de l’imagination de Fabio, mais ont été commises par Dahmer. Tout en étant poussé dans le détail, le livre n’est pas glauque, encore moins gore, l’auteur a su se mettre des barrières afin de ne pas sombrer dans la sensationnalisme, comme on peut le lire parfois dans certains livres, où le tueur s’acharne sur sa victime pendant 15 pages avec une vingtaine d’instruments différents.
Une plongée dans l’Amérique des années 60 à 90, une ambiance clairsemée de musique où le suspense est distillé au fil des chapitres à bonne dose, des personnages bien travaillés. Et surtout, détail intéressant, Mitchelli prouve que nul besoin est de créer des "héros" diaboliques, ils existent déjà. Jeffrey Dahmer a existé, torturé et tué.
Si vous avez aimez les livres de Harris, de Cornwell, de Favan ou de Thilliez, n’hésitez pas une seule seconde, vous devriez apprécier ce livre.
Rencontre avec l’auteur
Sébastien Mousse : Bonjour Fabio, première question … Comment décide-t-on de s’inspirer d’un sale type comme Jeffrey Dahmer pour créer le personnage principal de son roman ?
Fabio Mitchelli : Bonjour Sébastien. Pour répondre à ta question, je ne pense pas pouvoir "décider" de m'inspirer de tel ou tel personnage, je me suis simplement laissé guider par la fascination pour Dahmer qui me dévore depuis déjà vingt ans. J'ai laissé mûrir, même si je me suis essayé à quelques frêles "scribouillages" pendant ces deux décennies...
SM : Combien de temps de recherche, de travail sur Dahmer pour créer le personnage de Blake ?
FM : J'ai travaillé presque une année entière sur la documentation concernant Dahmer, mais pas uniquement. J'ai dû étudier les comportements, les mœurs des individus, criminels ou pas, les décors, bref, l'attitude des années 80. J'avais ma liste "Objets interdits" punaisée sur mon mur face à moi, tels que : "ordinateurs portables, téléphones portables, Internet, SMS, etc.". Bref, je me suis même tapé la liste des voitures américaines, existantes ou pas, à cette époque. Pour Dahmer, je connaissais le personnage depuis l'année de son arrestation, ça m'a aidé...
SM : Passer son temps avec le "diable" pour écrire, n'est-ce pas trop lourd ?
FM : Lorsque je suis plongé dans l'écriture d'un nouveau roman, j'ai tendance à m'enfermer chez moi, et à me refermer sur moi-même, ce qui n'est pas très bon. Savoir que ce que l'on écrit s'est réellement déroulé, ça laisse quelques séquelles. Mais heureusement, je peux compter sur quelques personnes de mon entourage pour me faire oublier que le diable existe...
SM : Dahmer est un personnage qui a inspiré déjà beaucoup d’auteurs, de scénaristes, de peintres. Tu as su retranscrire avec brio ce qu’il était dans une œuvre de fiction. Cela te tente-t-il de recommencer avec un autre personnage, bon ou mauvais ?
FM : C'est exactement ce que j'ai déjà fait. Mes lecteurs pourront retrouver le Dr Josef Mengele, le maudit "Ange de la mort" qui a sévi dans le camp d'Auschwitz, lors de la Seconde Guerre mondiale. Dans le "Protocole 424" (qui sera très probablement publié courant 2015), le sujet sensible des "Big Pharma" est traité en toile de fond. La guerre que se livrent les laboratoires pharmaceutiques est dépeinte en une fresque moderne, venant se superposer sur une trame surprenante, qui se déroule 70 ans plus tôt...
SM : Une musique pour accompagner ce livre – j’ai comme une petite idée ?
FM : Sans aucune hésitation : "Sympathy for the devil" des Rolling Stones... mais aussi "Say it ain't so, Jo" de Murray Head. Le début, et la fin du roman...
SM : Si tu devais faire lire ce livre à une personne, voire à un personnage fictif, à qui et pourquoi ?
FM : Je pense que j'aurais du mal à le faire, mais j'essaierais de convaincre le père de Jeffrey Dahmer, Lionel Herbert Dahmer, de le lire. Son père aimait profondément son fils, bien que certains médias aient voulu faire croire le contraire. La compassion d'un père envers son enfant, prêt à tout pardonner, même le pire, m'émeut beaucoup. J'ai eu l'occasion de visionner un film qui est en ligne sur YouTube, il s'agit du père qui vient visiter son fils en prison, quelque temps avant qu'il ne soit assassiné. C'est émouvant, même si l'on sait que Dahmer a commis des actes de cruauté innommables. Alors oui, j'aimerais que M. Dahmer-père lise ce roman, en espérant qu'il comprenne toutes les paraboles que celui-ci contient à propos de son fils, et qu'il me confie si c'est bien ainsi qu'il percevait son enfant alors même qu'il avait découvert les horreurs commises par Jeffrey...
SM : "La Compassion du diable" est en librairie depuis quelques semaines, cela fonctionne bien, les lecteurs sont au rendez-vous… as-tu commencé un nouveau livre ?
FM : Effectivement, mais pour le moment, c'est "Silence radio" pour ce roman, on se retrouve en 2016...
SM : Fabio, merci d’avoir répondu à mes questions pour les lecteurs de Résonance, amitiés.
Sébastien Mousse
Thanatopracteur et directeur littéraire
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