"Même pour une personnalité politique assassinée chez elle, en pleine ville, il vaut mieux ne jamais faire appel au capitaine Leblanc", dit l’Artiste. Le commissaire Beaulieu va pourtant commettre cette erreur…
Éric de l’Estoile |
La venue de ce policier mystérieux, aux méthodes singulières, va déchaîner les passions, exacerber les ambitions, révéler les pulsions et faire exploser au grand jour les mœurs les plus sauvages. La partie est sanglante, torride, obscène. Tous les coups sont permis. Tous vont effleurer le mal qui rôde sous un étrange visage dans cette grande ville de province. C'est l'hécatombe, la descente aux enfers. L’Artiste s’en moque, il n’a pas d’états d’âme. Il vient pour la vérité, peu lui importe le reste. Et pourtant…
Comme son titre l’indique, vous trouverez dans ce polar énormément de références à l’œuvre de Charles Baudelaire, entre autres. Nous voici plongés dans un homicide quelque peu bizarre, grande mise en scène macabre, qui a donc tué Marc Antoine ?
C’est la première question que va se poser le lecteur mais, au fil des pages, on ne cherche plus cette réponse, non pas que l’on s’en fiche, on sait qu’elle viendra avant de refermer le livre.
Ce qui intéresse, hypnotise le lecteur, c’est ce qu’il va advenir de chaque personnage, surtout les flics, car cet Artiste, ce poulet bien spécial, a le don de révéler les parties cachées, le côté obscur de chaque personne qu’il va croiser.
Entre les policiers, "les pères la cloche", le monde de la finance, de l’industrie chimio-pharmaceutique, de la politique et la haute bourgeoisie rouennaise, Éric de l’Estoile nous brosse ici une galerie de portraits hauts en couleur.
En effet, aucun personnage ne laisse indifférent, soit on l’aime, on le plaint ou, au pire, on le déteste. Et ça c’est bien, un livre qui ne vous laisse pas froid, qui donne vie à ses acteurs, c’est très bien.
En plus de l’aspect policier du livre, on y trouve aussi un petit côté pamphlet sur cette société qui ne pense qu’aux profits, qu’aux carrières. Personne n’est épargné, aucune auréole de sainteté, les seules que vous trouverez seront plus situées sous les bras qu’au-dessus des têtes.
"L’Effleure du mal", un roman à découvrir, à dévorer, à lire… Afin de garder les pieds sur terre.
Rencontre avec l’auteur :
Sébastien Mousse : Bonjour Éric, c’est donc avec plaisir que j’ai lu ton livre, pour trois choses : j’aime le polar, j’aime Baudelaire et je suis de la région. D’ailleurs, tu sais que j’ai eu comme un petit goût d’Adieu poulet en lisant ton bouquin, c’est normal ?
Éric de l’Estoile : Merci pour la référence. Il est vrai que les circonstances, les meurtres, les coups bas, la politique, les claques qui se perdent et des flics aussi clairs qu'un pastis troublé par l'eau, se passent dans la même ville de Rouen. Comme quoi, entre 1975 et 2015, rien n'a vraiment changé. On pourrait presque dire à propos de ce livre : "Adieu l'Artiste" !
SM : Des types comme l’Artiste, on croit toujours en avoir croisé, on espère toujours, genre de pygmalion qui nous révélera complètement notre caractère… D’ailleurs pas forcément effet pygmalion, pour certains, cela est plus l’effet Golem. Un fantasme que de croiser un tel personnage ?
EdE : Pas vraiment. Sauf si on est persuadé d'avoir un bon fond. Mais ça, je doute qu'aucun de nous puisse l'affirmer. Il faut aller au bout de soi pour affronter un type pareil. L'Artiste est un miroir, en fait. Le miroir de notre société, vue à travers différents caractères et personnalités. Le roman policier, le polar noir en particulier, est un véritable vecteur de l'homme dans ce qu'il a de plus personnel, surtout dans sa façon d'aborder sa propre existence. L'Artiste n'inflige aucune vision du monde, il ne juge pas, laissant la sentence aux feux éternels qui rongent notre conscience de mortel. Le seul fantasme serait de voir sa propre âme de l'intérieur. Qui va s'y risquer ?
SM : Le titre, des citations et autres indices sur Charles Baudelaire sont placés dans ce livre, tu es un amateur ?
EdE : Fan de son œuvre et surtout de son livre "Les Fleurs du mal". Il y a beaucoup de non-dits dans cet ouvrage, qui symbolise bien, par ses tableaux, les tourments de l'âme humaine. J'ai ouvert ce livre pour la première en passant mon Bac. Mais je l'ai conservé et relu par la suite plusieurs fois. Baudelaire m'a ouvert les portes de l'art et de la littérature, et m'a incité à devenir écrivain. J'y ai découvert que l'art pouvait ne pas être conventionnel, la tristesse un plaisir et l'écriture… une souffrance autant qu'une délivrance. Et je m'étais juré de lui rendre un jour hommage à ma façon. Ce que j'ai fait avec cet ouvrage. L'Artiste aurait pu être un contemporain de Baudelaire, s'il n'avait été peintre et flic.
SM : Quel est ton actualité littéraire du moment, sur quel nouveau livre travailles-tu ?
EdE : Je viens de terminer un polar sur la police technique et scientifique qui brise les conventions et les fantasmes du genre, car les héroïnes de cet ouvrage sont justement les techniques utilisées par des hommes et des femmes pour faire parler les morts et découvrir la vérité. À paraître en novembre aux éditions Cogito, de Rouen.
SM : Éric, je te remercie de m’avoir accordé ce moment pour les lecteurs de Résonance.
EdE : C'est moi qui te remercie.
Sébastien Mousse
Thanatopracteur et éditeur
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