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EIHF – Isofroid fait partie des principaux fournisseurs en matière d’équipements et de produits dédiés à la thanatopraxie, aux activités médicolégales et au secteur médical. Didier Belluard, son dirigeant, a été également membre de la commission "Techniques de soins de conservation" du CNOF… Particulièrement au fait des échéances réglementaires à venir au sujet des produits biocides et de la campagne d’audits des salles techniques des chambres funéraires et mortuaires utilisées par les professionnels habilités, il estime que la crise sanitaire a eu l’effet d’un catalyseur quant à la prise en considération des nombreuses problématiques qui entourent les soins post mortem… Explications !
EIHF 2012 1

Resonance : Monsieur Belluard votre double statut de fournisseur et de membre de la commission "Techniques de soins de conservation" du Conseil National des Opérations Funéraires (CNOF) vous offre une vision globale des perspectives à venir concernant la thanatopraxie… Objectivement, qu’est-ce qui va changer ?

Didier Belluard : Certaines choses vont changer, et d’autres vont se voir beaucoup plus encadrées… Commençons par les produits biocides, et plus particulièrement les fluides utilisés pour l’embaumement (TP22). Deux éléments sont à prendre en compte.

Il y a d’une part les Valeurs Limites d’Exposition Professionnelle (VLEP) et d’autre part les tests d’évaluation de la toxicité des formaldéhydes, dirigés par l’Allemagne, et dont les résultats seront rendus, au plus tard, le 31 décembre 2022.

Tout d’abord, concernant l’exposition des professionnels aux agents chimiques, en l’absence de données réglementaires, 2 VLEP indicatives servaient, jusqu’à présent, de référence pour la prévention en France :
• exposition sur 8 heures : 0,62 mg (0,5 ppm) par m3 d’air,
• exposition sur 15 minutes : 1,23 mg (1 ppm) par m3 d’air.

La directive européenne 2019/983 est venue poser un cadre réglementaire en fixant les VLEP du formaldéhyde à :
• exposition sur 8 heures : 0,37 mg (0,3 ppm) par m3 d’air,
• exposition sur 15 minutes : 0,74 mg (0,6 ppm) par m3 d’air.

Cette directive doit être transposée au droit français au plus tard le 11 juillet 2021, mais elle prévoit une période transitoire allant jusqu’au 11 juillet 2024, pendant laquelle la VLEP initiale (0,62 mg/m3 d’air pour 8 h) sera conservée spécifiquement dans les secteurs des soins de santé et de thanatopraxie.

Cela étant, les VLEP publiées dans cette directive peuvent d’ores et déjà être considérées comme les nouvelles valeurs de référence pour évaluer le niveau d’exposition au formaldéhyde dans l’air, l’objectif de prévention étant de réduire celle-ci au niveau le plus bas possible.

Il va sans dire que ce premier point, concernant les VLEP, aura un impact non seulement sur l’usage des fluides à base de formaldéhyde en thanatopraxie, mais aussi sur la bonne utilisation des Équipements de Protection Individuelle (EPI) et sur la conformité des laboratoires et autres salles techniques dédiés à la pratique des soins.

Ensuite, pour ce qui est de l’évaluation qui est faite actuellement en Allemagne… il en résultera peut-être, à compter du 31 décembre 2022, une interdiction d’user de fluide à base de formaldéhyde pour la pratique des soins de conservation…

inrs prevention risques chimiques IDIX pour INRS
R : Comme vous venez de l’évoquer, le fait qu’un cadre réglementaire ait été posé en matière de limite d’exposition va, de fait, avoir un impact sur les conditions de réalisation des soins…

DB : J’allais y venir… Cet effet ricochet est bien évidement inévitable.

Les textes sont bien clairs sur ce point, si on ne peut supprimer l’exposition d’un professionnel à un agent chimique, celle-ci doit être minimisée au maximum. Cela vaut d’autant plus pour le formaldéhyde, dont les effets Cancérogènes, Mutagènes et toxiques pour la Reproduction (CMR) sont bien identifiés.

En d’autres termes, cela signifie que le port des EPI doit être respecté et que les salles techniques, où seront pratiqués les soins, doivent être conformes à cet usage.

Sur ce dernier point, les Caisses Régionales d’Assurance Maladie (CRAM), en collaboration avec l’Inspection du travail, ont entamé une campagne d’audits des laboratoires en chambres funéraires et mortuaires, et, si les installations techniques s’avéraient ne pas être conformes, c’est l’habilitation de l’établissement contrôlé qui se verrait suspendue, voire retirée.

Il me semble d’ailleurs pertinent de préciser que la commission "Techniques de soins de conservation" à laquelle j’ai participé au CNOF vient de publier un "Guide de recommandations relatif aux parties techniques des chambres funéraires et mortuaires", disponible en téléchargement gratuit sur le site de la Direction Générale des Collectivités Locales (DGCL). Ce Guide a pour objectif d’accompagner, mais aussi et surtout de responsabiliser, les professionnels funéraires au regard de leurs installations et du bon respect des consignes de sécurité, par leur personnel, sur les lieux de travail et/ou d’interventions.

Aujourd’hui, certains laboratoires funéraires ne répondent plus aux exigences en matière de sécurité ou d’équipement et ce Guide apporte une multitude d’informations sur ce qui est à faire, et sur ce qui ne doit pas ou plus être fait. Attention, je n’ai aucune intention de me positionner en redresseur de torts… Je profite simplement de vos colonnes pour tirer une sonnette d’alarme et inviter les pompes funèbres et autres thanatopracteurs à anticiper l’inévitable.

Je parlais précédemment de responsabilisation et de perte potentielle d’habilitation. Et pour cause, là encore, les textes sont explicites… Pour les soins, par exemple. Si un fluide non agréé devait être utilisé pour la réalisation d’un soin, charge au dirigeant de l’entreprise de fournir et d’imposer l’usage d’un produit réglementaire. Si tel n’était pas le cas, la responsabilité du chef ou des chefs d’entreprises – si sous-traitance – se verrait engagée, au même titre que le professionnel en charge de la réalisation du soin… idem pour le port des EPI.

Quant à la conformité des salles techniques, l’utilisation ou la mise à disposition d’un local inadapté et/ou mal équipé peut, lui aussi, être lourd de conséquences… Au risque de me répéter, en cas de non-respect des dispositions du Code du travail, tant les chefs d’établissement gestionnaires que les entreprises intervenantes s’exposent non seulement à une suspension d’habilitation, mais également à des sanctions financières et à des poursuites pénales. Ce n’est pas anodin…

R : Pensez-vous que la crise sanitaire ait eu une influence quelconque ?

DB : Les machines étaient déjà lancées sur de nombreux sujets, mais il est indéniable que cette crise sanitaire aura eu un impact sur la vigilance accrue au regard de l’exposition aux risques chimiques mais aussi biologiques des professionnels funéraires.

À n’en pas douter, la Covid-19 fait partie des nombreux facteurs qui motivent la campagne de contrôle lancée par la CRAM et l’Inspection du travail. Je ne doute pas non plus que cette crise sanitaire ait provoqué une vraie prise de conscience chez la plupart des professionnels du secteur.

J’en veux pour preuve, au début du premier confinement, le bruit a couru qu’EIHF – Isofroid était la seule entreprise du secteur à avoir des masques en stock. Outre les commandes, nous nous sommes également retrouvés à devoir répondre à de nombreuses questions quant à l’usage des masques, mais aussi des EPI (quoi porter, dans quelle situation, etc.), la gestion des "corps Covid", l’utilisation des produits d’hygiène, jusqu’à la désinfection des instruments et véhicules.

C’en est arrivé à un point que nous ne faisions plus que ça. Cela a été très difficile pour mes équipes, partagées entre la nécessité de maintenir notre activité et la volonté de venir en aide à nos clients, mais les aspects anxiogènes ont été tels pour mes salariés que nous avons dû fermer notre standard téléphonique pour ne plus fonctionner que par courriel et fax durant cinq semaines. Au cours de cette période, nous avons rédigé une documentation susceptible d’accompagner nos clients et de répondre à la majeure partie de leurs interrogations que nous leur transmettions par mail.

Je vais peut-être exagérer mes propos, mais la prise de conscience dont je parle a été aussi soudaine que violente… on aurait presque pu croire que cette crise sanitaire ait réellement conduit certains professionnels du funéraire à découvrir certaines procédures et certains équipements tels les EPI et leur utilité. C’était comme s’ils n’étaient pas préparés à faire face à ce genre de situation, pourtant… hors crise sanitaire, ils encourent des risques comparables au quotidien (hépatite, gastro et infection en tous genres).

R : Je crois savoir que vous êtes en mesure de prodiguer des formations, notamment sur les risques liés aux expositions chimiques et biologiques…

DB : Effectivement, EIHF-Isofroid compte parmi ses collaborateurs un consultant spécialisé dans les risques professionnels liés à l’exposition à des agents chimiques et/ou biologiques. Nous proposons cette formation (selon l’art. L. 6313-1 du Code du travail) depuis un certain temps, bien avant la crise sanitaire, mais sans rencontrer un franc succès. Son contenu va de l’évaluation des risques, poste par poste, jusqu’à l’accompagnement aux bonnes pratiques, en passant par un audit des équipements et l’information du personnel.

Au vu de leur aspect préventif, ce type formation peut s’avérer très précieux pour tout chef d’entreprise du secteur funéraire. La crise sanitaire a mis en exergue les risques biologiques et chimiques, mais l’utilisation des formaldéhydes ne date pas d’hier… au même titre que l’exposition des opérateurs et thanatopracteurs à des défunts potentiellement porteurs de germes et autres virus synonymes de dangers, et ce, quotidiennement.

Nous savons tous que les fonds de formation à disposition de la branche funéraire ne sont pas utilisés dans leur intégralité… mettons-les à profit ! Le soin de conservation est utile dans le travail de deuil pour beaucoup de familles, notamment lors de la présentation du corps et/ou lors de veillée, mais, au vu de ce qui se profile à l’horizon, il est fort probable que la survie de la thanatopraxie passe par la prise en compte, dès aujourd’hui, des nombreuses contraintes réglementaires à venir, par les thanatopracteurs eux-mêmes, mais aussi par les pompes funèbres.

R : Vous parlez d’anticipation… mais concrètement, aujourd’hui, quelles sont les solutions et autres alternatives ?

DB : Je ne souhaite pas forcement prêcher pour ma paroisse, aussi je resterai très générique. Comme je l’ai dit, l’objectif de cet entretien était vraiment de tirer une sonnette d’alarme en profitant de la prise de conscience induite par la Covid-19.

Il existe à ce jour plusieurs produits sans formaldéhyde. L’un, le Safebalm® V2, et l’autre, le mélange Art Cav Secure®, disposent déjà d’agrément. Pour l’Art Cav Secure®, le déploiement national est en cours. Ce sont là les deux seules alternatives probantes aux produits formolés. Cela étant, dans la pratique et leur utilisation, il existe quelques différences notoires en comparaison avec un soin dit traditionnel. Tout d’abord, l’utilisation de ces produits sans formaldéhyde nécessite une formation des praticiens.

Ensuite, le temps d’injection étant plus long et le volume de fluide injecté plus important, la durée d’injection est plus lente et le volume de déchet peut s’avérer un peu plus important, sans impacter la durée du soin. Enfin, chaque défunt et chaque situation étant unique, tout comme certains soins pouvaient être "ratés" avec des produits à bases de formaldéhyde…, il en est et en sera de même avec ce nouveau type de fluides.

La société EIHF, sous sa marque ISOFROID, a vendu en 2019 l’équivalent de 120 000 soins en fluides de conservation, avec ou sans formaldéhyde (le volume 2020 ne peut pas être pris en référence puisque les soins ont été interdits pendant presque deux mois lors de la première vague). Cette position nous permet d’avoir un très haut niveau d’expertise dans l’exercice de la thanatopraxie et sur l’utilisation des produits. Très sincèrement, nous n’avons pas observé plus de problèmes pour l’une que pour l’autre formule.

Côté matériel et équipement de laboratoire, nous proposons également un certain nombre de solutions répondant aussi bien aux contraintes réglementaires qu’aux attentes des praticiens… à l’image du chariot table Isocart®, pour ne citer que lui. Nous sommes bien conscients que la mise en conformité d’un local technique représenta un coût certain. Cela étant, nous sommes en réflexion permanente afin de pouvoir proposer à nos clients des équipements sur mesure, fiables, efficaces et performants, le tout pour un budget raisonnable.

Je n’irai pas plus loin ! Nous disposons d’ores et déjà de nombreuses réponses aux futurs besoins de nos clients… Je les inviterai simplement à découvrir notre catalogue et/ou à nous contacter, qu’il s’agisse de produits, d’équipements ou de formations. Nous serons là pour eux !

R : Didier, un dernier mot pour conclure ?

DB : Nous connaissons tous ce vieille adage : "Il vaut mieux prévenir que guérir…"

Alors, ensemble, fournisseurs, pompes funèbres et thanatopracteurs, sachons anticiper pour préserver nos métiers !
Merci…
 
Steve La Richarderie

Résonance n° 169 - Avril 2020

Instances fédérales nationales et internationales :

FNF - Fédération Nationale du Funéraire FFPF - Fédération Française des Pompes Funèbres UPPFP - Union du Pôle Funéraire Public CSNAF - Chambre Syndicale Nationale de l'Art Funéraire UGCF - Union des Gestionnaires de Crématoriums Français FFC - Fédération Française de Crémation EFFS - European Federation or Funeral Services FIAT-IFTA - Fédération Internationale des Associations de Thanatoloques - International Federation of Thanatologists Associations