Entamée il y a déjà quelques années, le secteur funéraire connaît une phase de profonde mutation dont l'achèvement reste encore à venir. Pour l'heure, parmi ces nombreuses évolutions, outre l'aspect économique, nous nous intéresserons principalement au volet relatif aux nouvelles attentes des familles et à la formation des professionnels funéraires au regard de celles-ci. Grandement débattue au sein des groupes de travail du CNOF, la formation professionnelle est à l'aube d'une refonte qui devrait intervenir à de multiples niveaux : pédagogie, écoles, jurés, organismes collecteurs, etc. Dans le même temps, les enjeux et l'avenir de la branche funéraire sont également au centre des préoccupations du moment. CPFM et EFFA étant très actives sur ces sujets, Richard Feret, délégué général de CPFM, nous en dit un peu plus…
Richard Feret, délégué général de CPFM. |
Résonance : Monsieur Feret, pouvez-vous nous faire une présentation rapide des groupes de travail qu’anime actuellement le CNOF et auxquels participent activement les divers organismes représentatifs de la branche telle la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM) ?
Richard Feret : Pour rappel, le CNOF (Conseil National des Opérations Funéraires), émanation de la DGCL (Direction Générale des Collectivités Locales), est une instance consultative auprès des ministères de tutelle, dont le rôle est de conseiller les pouvoirs publics dans l'élaboration de la réglementation funéraire.
À ce titre, le CNOF est actuellement animé par cinq groupes de travail (GT) ayant trait, pour chacun d'entre eux, à l'un des principaux volets identifiés comme étant directement liés à la mutation que connaît actuellement le secteur funéraire.
Le groupe de travail n° 1 est dédié aux techniques de soins. Ce dernier est d'ailleurs en attente du rapport qui fera suite à l'audition de nombreux professionnels par la commission des lois du Sénat, au sujet de la thanatopraxie.
Le groupe n° 2 s'intitule "Numérisation et dématérialisation". Ce groupe devrait apporter beaucoup de solutions puisque travaillant sur le prolongement de la dématérialisation du certificat de décès. En effet, ce GT vise à dématérialiser, à court terme, l'ensemble des déclarations préalables, puis, dans un second temps, les demandes d'autorisation, de même que les demandes et renouvellements d'habilitation. Pour ce faire, le ministère de l'Intérieur doit au préalable avoir créé le Répertoire des Opérateurs Funéraires (ROF)… Ce ROF est déjà en cours de constitution en lien avec les différentes préfectures, avant d'être achevé d'ici, je pense, un à deux ans. Une fois que ce ROF sera créé, les démarches pour les opérateurs seront grandement simplifiées, leur permettant ainsi d'accroître leurs qualités d'écoute, d'accompagnement et de services aux familles.
Le groupe n° 3 est consacré aux nouveaux modes de sépulture. Il y est question de techniques alternatives, telle l'aquamation, et la démarche y est plutôt prospective. Il me semble très important que l'Administration s'intéresse aux évolutions sociétales, potentielles et à venir.
Dans le groupe n° 4, il est question de formations et de qualifications professionnelles. C'est ce volet que nous allons développer ensemble.
Enfin, le groupe n° 5 concerne la dimension des équipements funéraires. Le champ de ce groupe est très large, puisqu'il va de l'implantation des structures au regard de la montée en puissance de telle ou telle pratique (exemple : la crémation), à la dimension des produits et autres équipements, au sens propre du terme, eu égard à l'augmentation de taille et de poids de la population. Sur ce dernier point, la DGCL ouvre un chantier véritablement colossal…
Globalement, et synthétiquement, voici les cinq gros sujets sur lesquels nous travaillons activement. À terme, ces cinq groupes de travail présenteront leurs conclusions en séance plénière au CNOF, afin que ce dernier puisse, in fine, entreprendre un processus visant à légiférer à nouveau et/ou modifier la réglementation funéraire actuelle. Nous sommes véritablement là dans une logique 100 % opérationnelle et "pratico-pratique".
R : Merci pour ce rappel… Maintenant, intéressons-nous à la formation. Où en est ce groupe n° 4 ?
RF : Nous nous sommes déjà rencontrés à plusieurs reprises, et pouvons même affirmer que nous avons bien progressé, puisque nous en sommes à l'étape où chaque participant émet un certain nombre de propositions qui seront, ou non, retenues pour la présentation finale. Mais, avant d'aller plus loin, je souhaiterais revenir sur quelques chiffres concernant la formation funéraire en 2017. L'an passé, 743 entreprises du secteur funéraire ont bénéficié d’au moins une prise en charge financière. Grâce à cela, 4 335 stagiaires ont été formés et, tous dispositifs confondus, la formation funéraire représente un engagement, en matière de fonds, de 3,1 millions d'euros, pour une taxe d'apprentissage collectée d'environ 2,3 millions d'euros.
Ces quelques chiffres permettent de bien percevoir les enjeux que représente la formation dans le secteur funéraire aujourd'hui.
Notons également que ces actions de formation sont pilotées par la branche au travers de deux sections paritaires : la Section Paritaire Professionnelle (SPP) et la Commission Paritaire Nationale pour l'Emploi et la Formation Professionnelle (CPNEFP). Ces commissions paritaires réunissent les fédérations patronales et les organisations syndicales. Elles devront, d'ici au 1er janvier 2019, désigner l'OPérateur de COmpétence (OPCO) – et non plus l'OPCA – qui "accueillera" le secteur funéraire et la branche au sein d’un espace économique et social cohérent regroupant plusieurs branches ayant une forme de proximité entre elles… mais nous y reviendrons plus tard. Toujours est-il que, pour ce dernier point, et au vu du changement de paysage, inutile de vous préciser que ces sujets sont d'ores et déjà à l'ordre du jour de nos prochaines réunions paritaires.
R : Pouvez-vous nous dire quelques mots de ces propositions issues du groupe de travail ?
RF : Bien entendu, mais celles-ci concernant principalement la formation professionnelle et les diplômes qui en découlent, je souhaiterais évoquer avant cela un autre projet sur lequel nous sommes associés : un "bac pro commerce" incluant la formation de conseiller funéraire. Cette formation est réalisée en alternance, une semaine en CFA et trois semaines en entreprise. Cette voie constitue une piste intéressante pour renforcer la formation initiale dans nos métiers. EFFA est évidemment impliqué dans la conception et la réalisation de ces modules, tant sur le volet pédagogique que sur le volet métier.
J'en viens à présent aux propositions que CPFM et EFFA ont présentées à ce GT. L’objectif visé est d'apporter davantage de contenu, davantage de formalisme, tout en accentuant les aspects opérationnels. Concrètement, voici quelques-unes de nos propositions et autres demandes…
Tout d'abord, nous souhaitons qu'il y ait une vraie formalisation des objectifs, ces derniers devant être inscrits et clairement identifiés dans un projet pédagogique qui a été lui-même rédigé en conséquence. En effet, jusqu'à présent, les programmes n'étaient que trop descriptifs, faisant seulement état des matières abordées et du nombre d'heures afférent. Nous souhaitons qu'à l'avenir, le diplôme vienne valider non plus seulement l'acquisition de connaissances, mais aussi et surtout l’acquisition de compétences.
Notre seconde proposition concerne la formation continue. À l'heure actuelle, un professionnel peut réaliser l'ensemble de sa carrière sur la seule base du diplôme qu'il aura obtenu des années auparavant. Aussi, les compétences et autres connaissances de celui-ci ne dépendront plus que de son implication et de sa volonté à rester en phase avec les évolutions réglementaires et les nouvelles attentes des familles. Dès lors, nous préconisons une remise à niveau, ou formation continue, tous les 6 ans, à l'occasion du renouvellement de l'habilitation de l'entreprise.
Ces remises à niveau se présenteraient comme suit :
- 3 jours pour le conseiller funéraire, dont une journée entièrement dédiée à la réglementation (rappels et nouveautés), une journée au droit de la consommation (médiateur, information des familles, CGV, etc.) et une dernière journée consacrée à la pratique du métier (gestion de chambre funéraire, droit des concessions, transport et rapatriement, etc.) ;
- 2 jours pour le maître de cérémonie, avec toujours une journée entièrement dédiée à la réglementation et une autre journée sur la pratique du métier, mais cette fois plus orientée sur la gestion des familles (psychologie du deuil, sociologie, geste et posture, accompagnement, etc.).
Notre troisième proposition traite de la formation dite "pratique". Cette dernière, qui est de 70 h, tant pour le conseiller que pour le maître de cérémonie, n'est ni clairement identifiée, ni détaillée. Aussi, conjointement avec EFFA, dans le cadre de notre proposition, nous avons établi des grilles, tant à l'intention du stagiaire que du maître de stage, afin de les guider dans les actions à réaliser. Cela étant, sur la base de ces grilles, nous souhaitons aller encore plus loin en rendant certains items obligatoires.
Pour le conseiller funéraire, la formation pratique devra comporter au minimum la réalisation de 5 des 7 items suivants :
- assister à une ou plusieurs cérémonies religieuses,
- assister à une ou plusieurs cérémonies civiles,
- assister au moins à 2 entretiens d’organisation d’obsèques et de vente de prestations,
- participer à la réalisation des démarches administratives relatives aux obsèques (mairie, préfecture, etc.),
- assister à une crémation avec visite des installations,
- assister à une mise en bière et à une levée de corps,
- observer le travail en cimetière des fossoyeurs et marbriers : selon le plan de travail, l’observation pourra porter sur un creusement de fosse, une pose de caveau, l’ouverture et la fermeture d’un caveau, la dépose et repose d’un monument, la pose d’un monument neuf, la gravure, le nettoyage, le fleurissement de sépulture…
Pour le maître de cérémonie, la formation pratique devra comporter la réalisation des 5 items suivants :
- assister à une ou plusieurs cérémonies religieuses,
- assister à une ou plusieurs cérémonies civiles,
- participer à la réalisation des démarches administratives relatives aux obsèques (mairie, préfecture, etc.),
- assister à une crémation avec visite des installations,
- assister à une mise en bière et à une levée de corps.
La quatrième proposition est relative au chef d'entreprise, auquel il est, pour le moment, proposé une formation complémentaire de 42 h. Nous pensons que c'est notoirement insuffisant compte tenu des compétences requises pour piloter une entreprise. Soit le chef d'entreprise dispose d'une équivalence de formation en matière de gestion, soit nous proposons une formation de 70 h qui couvrira la comptabilité, le droit du travail, le droit de la concurrence, le droit des sociétés, le droit fiscal et le droit de la consommation. Cela étant, nous maintenons la formation de 42 h pour les cadres et les responsables d'établissement.
Ensuite, dans le cadre d'une cinquième proposition, nous souhaitons que le choix des jurés qui décernent les diplômes soit formalisé et mieux encadré. Nous souhaitons renforcer la crédibilité du jury en créant une charte d'éthique et en créant également une formation préalable pour les jurés. Nous prévoyons une grille de 8 items pour guider l’entretien.
Dans un dernier point, nous proposons que les résultats soient publiés par le ministère de tutelle dans le Journal Officiel, ou assimilés, afin de permettre la traçabilité du diplôme et du diplômé. Voilà les principaux points que nous proposons afin d'engager une dynamique de professionnalisation de la formation.
R : Vous avez évoqué un changement du paysage de la formation professionnelle, et notamment la disparition des OPCA au profit des OPCO… Qu’en est-il au juste ?
RF : C'est là encore une vraie révolution qui s'annonce… Je vais rester volontairement très généraliste sur le sujet, et j'invite vos lecteurs à prendre connaissance du rapport Marx-Bagorski qui a été remis le 5 septembre dernier à la ministre du Travail Muriel Pénicaud. Ce rapport traite de la transformation du secteur de la formation et des acteurs de la formation.
Pour faire très court au sujet des grands mouvements qui sont en cours, je commencerai par la disparition des OPCA qui sont au nombre de 20, 18 OPCA de branche et 2 OPCA interprofessionnels qui sont AGEFOS-PME et OPCALIA, ce dernier étant l'OPCA qui avait été désigné comme organisme collecteur par la branche funéraire et par une trentaine d'autres branches.
Demain, ces 20 OPCA devront fusionner, s'unir ou disparaître pour ne plus former que 11 OPCO. De plus, les OPCO devenant des opérateurs de compétences, la collecte des fonds de formation ne sera plus assurée par eux, mais par les URSSAF.
Le financement des formations sera, quant à lui, assuré par une nouvelle entité qui se nommera France Compétence. Par ailleurs, le rôle du compte personnel de formation (CPF) devrait se voir renforcé.
Un autre point très important dans ces futurs changements sera la mise en place d'une certification des organismes de formation. Ces derniers devront répondre à des critères de qualité bien précis. Je dois dire que je trouve cette dernière démarche très positive au regard du niveau de compétence que nous attendrons de la part des professionnels du secteur funéraire dans un futur proche.
Enfin, au travers de ce rapport, et de façon très adroite, le gouvernement va pousser les branches à se rapprocher. Pour rappel, en 2015, suivant le rapport Combrexelle, il existait environ 700 branches. Aujourd'hui, suite à des premiers rapprochements (branches de moins de 5 000 salariés), il en reste encore près de 500, et l'objectif du gouvernement pour l'horizon 2020 est qu'il n'y ait plus que 200 branches. Aussi, pour accélérer le mouvement, le rapport Marx-Bagorski propose d'opérer des rapprochements, non plus en tenant compte du secteur d'activité, mais en s'appuyant sur des notions d'intérêt économique commun.
Autant vous dire que tous ces changements annoncés représentent de véritables bouleversements pour beaucoup d'entre nous. À l'heure actuelle, dans la branche funéraire, nous en sommes encore au stade de la réflexion, mais, et ce sera mon dernier mot, plutôt que de repousser l'inévitable, j'encourage l'ensemble des partenaires sociaux, syndicaux et professionnels à travailler de concert sur ce sujet afin que nous puissions agir au mieux des intérêts de la branche et non sous la contrainte.
Steve La Richarderie
Résonance n°143 - Septembre 2018
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