Il y a 30 ans, en 1987, Marc Manzini et quelques autres membres de la Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire (CSNAF), afin de promouvoir leurs métiers, et, plus largement, l’ensemble de la branche, ont eu l’idée plus que surprenante, à l’époque, de créer un salon uniquement dédié aux arts funéraires. Aujourd’hui, l’événement qui fait référence en Europe représente un rendez-vous incontournable pour tout professionnel désireux de découvrir les dernières évolutions et autres tendances du marché. Entretien avec Marc Manzini, créateur de FUNÉRAIRE PARIS et président d’honneur de la CSNAF.
Marc Manzini. |
Résonance : Monsieur Manzini, il y a 30 ans, comment vous est venue l’idée de créer un salon dédié aux arts funéraires ?
Marc Manzini : Ceux qui me connaissent savent que je suis une personne entière et que la langue de bois n’est pas dans mes habitudes… Dès lors, je vais être direct avec vous sur la genèse du salon FUNÉRAIRE PARIS.
À l’époque, il n’existait pas de grande manifestation faisant référence, seules les fédérations de distributeurs funéraires (nos clients) organisaient lors de leurs assemblées générales annuelles des micro-rassemblements pour lesquels nous étions, nous fournisseurs, sollicités dans le but de financer l’événement avec, à la clé, la promesse de quelques chalands sans garantie de commande aucune… Cette situation n’était pas juste et pas acceptable durablement.
Dans le même temps, au sein de la Chambre syndicale, nous avions, et avons toujours aujourd’hui, à cœur d’assurer la pérennité de nos métiers, mais aussi et surtout de les faire connaître et reconnaître auprès du grand public.
Je me rappelle avoir dit à Guy Dussaux, président de la CSNAF de l’époque : "Nombre de secteurs d’activité organisent une grande manifestation une fois l’an, un salon représentatif de l’ensemble des domaines couverts par leur branche professionnelle… pourquoi pas nous ?" L’idée a fait son chemin, puis, étant quelques-uns à croire dur comme fer que nous avions un projet viable et porteur entre les mains… elle a germé.
R : Porter un projet est une chose… le réaliser en est une autre. L’organisation d’un salon réclame des compétences que vous ne maîtrisiez peut-être pas à l’époque. Comment s’est déroulé le montage du premier Salon Funéraire en 1987 ?
MM : Comme une première fois… Au sein de la CSNAF, nous n’avions aucune notion de quantification ni budgétaire, ni spatiale pour une telle manifestation. Je me souviens avoir, en tout premier lieu, déposé le nom "FUNÉRAIRE". Aussi évident que cela puisse paraître aujourd’hui, à l’époque, ce nom nous semblait idéal car, déjà, à ce moment-là, nous ambitionnions pour l’événement, une représentation de l’ensemble du secteur.
Nous nous sommes alors rapprochés du Comité Français des Expositions (CFE) en les personnes de M. Bernard Laguens et de son assistante Anne Tourres, alors en charge de nombreux salons dans l’ameublement notamment … Inutile de vous dire que leur aide nous a été précieuse à plus d’un titre. Quelle nouvelle cela a été pour nous lorsque ces derniers nous ont annoncé que le CFE nous suivait dans le projet, et ce, quel que soit le résultat financier final.
C’est ainsi qu’est née, en 1987, la première édition du salon "FUNÉRAIRE". Alors certes il ne faisait qu’environ 1/3 de sa taille actuelle, certes nous étions tout juste parvenus à couvrir les frais, certes le spectre des exposants ne couvrait pas encore l’ensemble de la profession… Mais c’était le début d’une belle et grande aventure, une première pierre à l’édifice que nous voulions mettre au service de la profession.
R : Et ensuite… ?
MM : Comme je vous l’ai dit, jusque-là, les fournisseurs du secteur, que nous représentions, finançaient nombres de micro-rassemblements organisés par les acteurs de la profession. De fait, ces derniers nous ont boudés un certain temps avant de nous rejoindre, notamment pour l’intérêt grandissant du secteur vis-à-vis de FUNÉRAIRE, mais aussi pour les causes que nous avions à cœur de défendre.
En effet, très vite, les médias ont regardé dans notre direction. Tout d’abord amusés et quelque peu sarcastiques, ils ont très vite compris le message que nous souhaitions faire passer. Après cela, hormis les quelques incartades de certains professionnels peu scrupuleux ayant fait les gros titres, la bienveillance était plutôt de mise nous concernant.
Lentement, le salon est monté en puissance, fédérant toujours plus de professionnels, tant en termes d’exposants que de visiteurs, pour devenir l’un des salons professionnels référents, au niveau européen, pour ce qui est des Arts funéraires. Aussi, depuis une petite quinzaine d’années, nous avons atteint un palier, une vitesse de croisière qui rythme chacune des éditions du salon au gré des évolutions et autres mouvements du marché funéraire.
R : Le marché funéraire, les tendances, les comportements et attentes des familles… Grâce à FUNÉRAIRE PARIS, la CSNAF finance, aujourd’hui, nombre d’études très précieuses pour la branche.
MM : Effectivement, la CSNAF étant propriétaire du salon, tout bénéfice réalisé par celui-ci est intégralement réinjecté dans le financement de nos diverses actions. Nous avons donc ainsi conduit plusieurs projets structurants pour la filière : parrainage de la revue "Funéraire Magazine" ; mise en place d’une cellule de veille économique ; Financement de nombreuses études auprès du CREDOC et d’autres organismes sur des thèmes tels que : "Actualisation du portrait économique de la filière funéraire" ou encore "L’évolution des Français face à la mort", et, plus récemment, "Les français et les obsèques, 10 ans d’évolution" ; Nous avons mis en ligne 2 sites Internet, le premier "csnaf.fr", dédié aux professionnels, et le second "décès-info.fr", site non marchand destiné à l’information objective du grand public, sans oublier l’ouverture de notre page Facebook et la réalisation de 8 vidéos sur les métiers des arts funéraires..
Enfin, le 3 octobre 2016, nous avons tenu, au palais du Luxembourg, les 1res Assises du Funéraire sur le thème : "Mieux accompagner le deuil : un enjeu majeur de notre société", ceci afin de légitimer nos métiers du funéraire dans l’opinion publique et d’améliorer ainsi leur image.
La réalisation de toutes ces études au profit des professionnels, la création de ces outils de communication, la représentation et la défense de nos métiers… toutes ces actions sont la raison d’être de la CSNAF, elles sont notre ADN, et tout cela ne serait pas possible sans FUNÉRAIRE PARIS.
R : Sans trahir de secret, sur quel thème portera la prochaine étude ?
MM : La financiarisation qui embrasse, aujourd’hui, notre secteur d’activité n’aura échappé à personne… De fait, nous sommes très vigilants quant aux mouvements actuels du marché funéraire. Rachats massifs et regroupements d’entreprises, arrivée de nouveaux acteurs issus de la mutualité, montée en puissance de la prévoyance obsèques et de la crémation sont autant de facteurs qui influeront à n’en pas douter sur notre avenir et celui de la branche toute entière.
Depuis un certain temps, nos études portaient essentiellement sur le comportement de notre société face à la mort, tant du point de vue psychologique, que religieux et consumériste. Nous disposons aujourd’hui d’une véritable mine d’informations sur tous ces sujets pour les quelques années à venir.
De fait, et au vu des dernières évolutions du marché, il devenait vital, pour nous fournisseurs de la branche, de disposer d’informations fraîches et pertinentes, relatives à l’économie de notre secteur et à l’influence qu’auront tous les facteurs que j’ai cités plus haut.
Grâce à nos études, nous disposons des connaissances pour adapter nos offres à l’évolution des comportements et besoins des familles et ainsi améliorer leur satisfaction, gage principal pour la pérennité de nos métiers.
R : Pour conclure, M. Manzini, en 30 ans de salon, qu’est-ce qui vous a marqué ?
MM : Incontestablement le recul du "Sacré" au profit de l’individu ! Les cérémonies religieuses se font de plus en plus rares… Aujourd’hui, qu’il soit physique ou virtuel, le souvenir s’est affranchi du "Sacré". Le phénomène de customisation (personnalisation) qui accompagne cette évolution sociétale aura d’ailleurs permis le retour en grâce de certaines activités, je pense notamment aux plaques funéraires personnalisées qui n’ont pas échappé à ce vent nouveau.
Dans cette société de l’instantané où la révolution numérique fait rage, les professionnels funéraires ont su adapter leurs produits pour que l’hommage au défunt soit unique, pour que le souvenir de l’être cher disparu corresponde pleinement aux attentes des familles.
Si nos actions ont, d’une façon ou d’une autre, contribué à ce résultat, à cette satisfaction des familles dans un moment difficile, c’est que nous avons atteint au moins l’un des objectifs que nous nous étions fixés il y a 30 ans.
Steve La Richarderie
Résonance n°135 - Novembre 2017
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