Lors de la dernière assemblée générale de la CPFM (Confédération des Professionnels du Funéraire et la Marbrerie), suite au départ pour raisons personnelles de Michel Minard, un nouveau co-président, Bruno Lair, prenait place aux côtés de Michel Marchetti. Cette nouvelle arrivée est l’occasion de nous entretenir sur les grands sujets de réflexion qui animent la Confédération actuellement.
Michel Marchetti, co-président de la CPFM. |
Bruno Lair, co-président de la CPFM. |
Bruno Lair, membre du conseil d’administration de longue date, rejoint donc Michel Marchetti à la présidence de la CPFM. Homme d’expérience, il pose sur les métiers du funéraire et de la marbrerie un regard pertinent, constructif et enrichissant, dans une réelle complémentarité d’analyse avec celle de Michel Marchetti. Nous leur avons posé quelques questions sur les positions "métier" prises face aux évolutions du secteur actuellement.
Résonance : Face aux changements importants survenus ces dernières années, tant sur le plan réglementaire que sur celui des différentes pratiques professionnelles, comment voyez-vous l’évolution du métier d’opérateur funéraire ?
Bruno Lair : L’opérateur funéraire est un acteur économique et social responsable, et reconnu dans la France d’aujourd’hui, même s’il est moins bien considéré que dans les pays anglo-saxons. Son statut s’est sensiblement amélioré depuis quelques années et son rôle vis-à-vis des familles a évolué, n’étant plus un simple "marchand de cercueils". Le marché a changé et on s’est orienté vers plus de services afin de concevoir ce qu’il est convenu d’appeler "l’événement obsèques".
Sa responsabilisation est passée aussi par le fait que l’Administration lui confère désormais de nouvelles compétences. On est passé de l’autorisation préalable à l’occasion de certaines formalités, à la déclaration préalable.
Du fait également que de multiples formations obligatoires existent dans notre profession, cela contribue à transmettre et à améliorer les savoir-faire, les connaissances, et à responsabiliser les futurs acteurs du funéraire. L’excellent niveau de celles-ci est un gage de qualité pour nos métiers.
R : Dans les transformations qui s’opèrent, il faut tenir compte aussi des nouveaux comportements face à la mort : Internet, la crémation, etc.
BL : Oui, dans les mutations en cours, celui-ci doit appréhender les nouveaux comportements d’achat des familles via Internet, et trouver sa place dans ce nouvel environnement. Il ne suffit plus d’avoir un beau magasin et de bien faire son travail, il faut s’adapter au digital, aux réseaux sociaux, se fédérer pour préparer l’avenir et continuer à réussir.
Pour ce qui est de la crémation, elle appelle à une nouvelle définition du souvenir, ou du moins à la nécessité d’en parfaire l’expression. La mémoration doit être améliorée et aller au-delà de la simple dispersion des cendres en créant des lieux du souvenir plus nombreux avec un contenu étoffé. Faire en sorte que les défunts rejoignent le cimetière avec une offre variée, soit avec des columbariums, soit en plaçant les urnes dans les sépultures familiales. La cérémonie a une grande importance, et elle doit être élaborée et riche de contenu afin que la famille, en besoin de recueillement et de signes menant au deuil, soit satisfaite. Cela implique là aussi une vraie formation des personnels en amont.
R : Une fois ces modifications observées et assimilées, qu’en est-il des attentes des familles à l’horizon 2020 ?
Michel Marchetti : Elles sont tout d’abord de plus en plus exigeantes, et c’est une réelle opportunité pour la profession. Elles n’attendent plus des pompes funèbres une simple proposition de produits, car le choix du cercueil n’est plus la priorité, les plaques et autres accessoires pas davantage. Les familles-clientes souhaitent d’abord de l’écoute, une grande disponibilité et une offre de services pertinents. Le tout avec un savoir-faire avéré… en bref, se retrouver face à d’excellents professionnels.
Dans cette relation, la qualité des échanges conditionne toute la suite de l’entretien. Le premier contact est primordial, c’est à ce moment particulier que la confiance s’installe… ou pas. La famille endeuillée exige beaucoup plus de l’opérateur funéraire. Celui-ci a dû diversifier la palette de ses compétences, et devra sans doute encore le faire. Il est devenu l’acteur clé des obsèques, rôle qu’avait avant le curé.
Pour être à la hauteur, il doit avoir une solide culture générale, et sa formation obligatoire doit être de très grande qualité. Ensuite, une information ("une mise à jour") régulière, durant toute sa vie professionnelle, est indispensable. Cette mise à niveau (ponctuelle) doit être mise à la disposition des salariés par chaque employeur afin que ceux-ci aient accès à la meilleure connaissance possible de leurs métiers.
C’est uniquement quand ces objectifs sont atteints que l’avenir de l’entreprise peut être envisagé positivement.
R : Tous ces bouleversements effectifs ou à venir ont modifié les habitudes et les pratiques des professionnels que vous représentez. Quel est le rôle de la CPFM aujourd’hui ?
MM : La CPFM est l’interlocuteur privilégié des professionnels du funéraire et des administrations. Elle se donne pour obligation de maintenir tous ses adhérents informés en temps réel des modifications et/ou des évolutions dans les domaines juridique, social, opérationnel et technique, entre autres. Elle leur communique en permanence toutes les réglementations et informations nécessaires à un bon exercice de leurs différents métiers et pour répondre aux diverses obligations spécifiques à la profession.
La Confédération représente également ses adhérents - petites entreprises indépendantes, groupes familiaux, thanatopracteurs indépendants, ainsi que la totalité des grands groupes et réseaux - auprès de l’Administration, des mairies, des préfectures, des ministères, du CNOF (Conseil National des Opérations Funéraires) et des instances internationales.
Parmi ses nombreuses missions, une est prioritaire : pour chaque demande individuelle émanant d’une entreprise adhérente, la CPFM apporte la réponse à la question posée, que celle-ci soit d’ordre réglementaire, pratique, social ou juridique. Le plus souvent, celle-ci et son commentaire éclairant sont donnés immédiatement. Mais si une recherche particulière est indispensable, le délai de réponse sera le plus court possible. Et cela grâce à nos permanents, Marie, Florence, Yves, Pierre et, bien sûr, Richard Feret (directeur général de la CPFM).
R : Ainsi, vous avez une fonction d’accompagnateur, mais aussi, avec ce nouveau paysage funéraire en train d’apparaître, celle de meneur pour tirer la profession vers un essor qualitatif, me semble-t-il ?
BL : C’est juste, l’ambition de la CPFM doit être de tirer le marché vers le haut par une recherche constante de la qualité des services principalement, mais également des produits. Il faut aider les professionnels à amplifier le mouvement que l’on constate actuellement visant à personnaliser le parcours d’obsèques. Les pompes funèbres, de ce point de vue-là, doivent s’impliquer de plus en plus, être une force de proposition, en individualisant la cérémonie (chants, textes, décoration, etc.)… plutôt que de standardiser et de rechercher un modèle uniforme.
Personnalisation, qualité du service, disponibilité et écoute sont les maîtres mots de ces nouveaux enjeux.
R : À la fondation d’un métier se trouve la formation. Pouvez-vous me redire l’importance qu’accorde la CPFM à cette dernière ?
MM : Une très grande importance. L’EFFA (certifiée AFNOR), l’école de formation de la Confédération, assure depuis trente-six ans l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice de tous les métiers du funéraire.
En parfaite cohérence avec les nouvelles technologies et les nouveaux modes d’apprentissage, nous avons aussi intégré une formation en ligne concernant notamment celle de conseiller funéraire (56 h en ligne sur 147) et celle de maître de cérémonie (21 h sur 77). Elles sont très appréciées des élèves et des employeurs, car permettant une économie conséquente sur les frais de déplacement et d’hébergement. Sans oublier pour le stagiaire une facilité d’aménagement des horaires de son temps d’apprentissage.
BL : Pour ma part, je voudrais rappeler que la CPFM a été un acteur majeur, avec le CNOF, lors de la création par le ministère de l’Intérieur des diplômes de conseiller funéraire et de maître de cérémonie, validés par des jurys extérieurs à la profession. Et il est capital de souligner que ceux-ci favorisent sensiblement le renforcement du professionnalisme des salariés du secteur funéraire.
Et il y a maintenant, depuis une dizaine d’années, le diplôme européen FuSeMBA ("Master of Business Administration" européen en Services Funéraires) dont la CPFM est partie prenante.
R : Quels sont d’après vous les grands changements à venir dans le domaine social propre à votre secteur d’activité ?
BL : L’un de ceux en cours est le toilettage de la convention collective. C’est un sujet important qui devra amener celle-ci vers plus de modernité et de simplicité. Mais l’enjeu principal se situe du côté de la mise sous contrôle de notre branche par la Direction du travail.
Selon nous, le risque de perte de notre autonomie de branche est sérieux si nous n’avons pas une action énergique et innovante dans notre négociation. Nous devons négocier sur les salaires minima, sur les classifications, sur la protection sociale complémentaire, sur la mutualisation des fonds de formation, sur l’égalité professionnelle, sur la pénibilité notamment.
Il faut instituer des commissions mixtes paritaires permanentes de négociation et d’interprétation. Nous devons montrer un dynamisme particulier dans le rythme et la qualité des négociations, au risque de disparaître. Il est essentiel que les entrepreneurs du secteur prennent conscience de cela… et du risque sérieux existant.
R : Les réflexions à mener sont nombreuses, et l’ampleur des travaux à conduire est considérable, mais laissent espérer pour les années qui viennent des avancées constructives et positives pour les métiers du funéraire… Que diriez-vous en guise de conclusion ?
MM : Formation professionnelle, ouverture au monde digital, toilettage de la convention collective, négociations avec les partenaires sociaux… Voici quelques-uns des chantiers ouverts, prioritaires, que la CPFM conduit, et ce, dans un calendrier voulu délibérément serré, car notre ambition est de fournir aux acteurs du milieu funéraire les bons outils pour affronter sereinement les défis du XXIe siècle.
Pour mémoire, nous travaillons au sein d’un comité directeur qui se réunit tous les mois, d’un conseil d’administration qui se retrouve plusieurs fois dans l’année, que différents membres du CA participent à des réunions professionnelles (CNOF, commissions diverses thématiques ou en collaboration avec d’autres organisations professionnelles, etc.).
C’est une direction collégiale où toutes les sensibilités et tous les modes de fonctionnement sont représentés, c’est là, véritablement, la vocation de la CPFM. Et sa dynamique est nourrie par l’ensemble des réflexions et des travaux réalisés conjointement par son CA, son comité directeur et ses permanents. Toutes les opinions étant représentées et s’exprimant, cela permet une parfaite connaissance des évolutions de notre secteur d’activité et, par conséquent, une vision de l’avenir éclairante pour l’ensemble de nos adhérents.
Gil Chauveau
Résonance n°132 - Juillet 2017
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