L’apprentissage d’un métier passe par des cours, de la pratique, mais également par la lecture de documents ou de livres ayant trait aux pratiques futures choisies. On l’expérimente à l’école, au lycée, puis ensuite à l’université ou dans un organisme de formation. Rencontre avec Florence Fresse, directrice pédagogique de l’E.NA.ME.F. (École NAtionale des MÉtiers du Funéraire), l’école de la FFPF (Fédération Française des Pompes Funèbres), pour qui les formations funéraires n’échappent pas à la règle. Elle a donc décidé de constituer un premier fonds bibliothécaire, qui sera mis à la disposition des stagiaires sous forme de prêt.
Résonance : Comment est née cette idée de créer une bibliothèque, destinée aux stagiaires participant à vos formations, offrant des compléments d’informations ou venant en appui des savoirs transmis par vos formateurs ?
Florence Fresse : Je pensais qu’il incombait aux organismes de formation d’avoir un fonds documentaire accessible aux stagiaires, qui soit un service supplémentaire, avec un accès simple par un système de prêt classique, correspondant à celui que l’on trouve habituellement dans les bibliothèques. Ce fut ma réflexion de départ. Nous avons de plus en plus d’élèves qui sont des demandeurs d’emploi n’ayant pas forcément les moyens d’acheter des livres, pour lesquels cela représente un coût conséquent, par rapport à d’autres priorités basiques.
R : Cela permet de mettre aussi à disposition des livres spécifiques aux métiers… ?
FF : En effet, en dehors de l’aspect financier que peut représenter l’achat de livres pour les stagiaires, de nombreux ouvrages – plus ou moins spécialisés dans le domaine funéraire – ne se trouvent pas facilement dans les bibliothèques de quartier. Du fait notamment que leurs publications sont souvent relativement confidentielles, et de toute façon d’un tirage peu important.
R : Dans un apprentissage, certaines matières peuvent s’enrichir de lectures complémentaires. N’est-ce pas aussi le cas dans le funéraire ?
FF : Si bien sûr. Nous avons régulièrement des intervenants qui font référence à des livres, qui les recommandent. Soit parce qu’ils apportent un complément d’éclairage ou d’expérience en rapport avec leurs propos, soit qu’ils sont référentiels de par leur contenu (pour la psychologie, par exemple). Aujourd’hui, certains de nos stagiaires nous disent que cela les intéresserait bien de lire les ouvrages indiqués dans la bibliographie donnée par tel ou tel intervenant. Mais ceux-ci peuvent être chers, et il n’y a quelquefois qu’un seul passage ou un seul chapitre vraiment intéressant.
J’ai été sensible à ces questionnements d’élèves, et cela m’a amenée à m’interroger sur le rôle d’un centre de formation. Surtout quand il a vocation à remettre des hommes et des femmes dans le circuit de l’emploi. Nous y sommes très attentifs, et pour nous, le suivi des stagiaires est primordial. À partir de là, je considérais que c’était notre devoir de proposer un fonds d’ouvrages que les élèves puissent emprunter gratuitement. Cela doit être un vrai service – non commercial – adjoint à une école, faisant office de centre de documentation.
R : Avez-vous évoqué ce projet avec vos stagiaires actuels ?
FF : Lorsque j’ai parlé aux stagiaires qui sont actuellement en formation, l’intérêt a été immédiat, avec même deux ou trois demandes sur-le-champ pour des livres sur la psychologie du deuil, notamment. Il est évident que ce type de demande s’intègre parfaitement dans leur cursus.
R : Et l’avez-vous démarré ?
FF : Oui. Concrètement, j’ai effectué une première commande d’une quarantaine de livres en plusieurs exemplaires chacun. La formule que nous adopterons à priori sera un prêt avec une petite caution de départ rendue lorsque la personne ne souhaite plus utiliser la bibliothèque et que tous les ouvrages empruntés sont restitués. Les Franciliens pourront, s’ils le souhaitent, continuer à utiliser la bibliothèque une fois leur formation terminée.
Pour chaque publication, une fiche est établie, qui comprend la couverture, un résumé et le prix. Ce dernier permet de donner la valeur de celle-ci dans le cas où la personne souhaite en acquérir un exemplaire par la suite.
R : Quelles seront les premières thématiques nourries par vos acquisitions ?
FF : Pour commencer, j’ai choisi trois thématiques principales : "Psychologie, sociologie et philosophie" (du deuil), "Les cultes" (les pratiques en fonction des rites ou sans avec la cérémonie civile) et une troisième concernant les livres pour enfants, donnant ainsi la possibilité à l’opérateur funéraire de conseiller aux familles, en toute connaissance de cause, des petites publications permettant de comprendre ce qu’est "la mort" aux différents âges de l’enfance.
À titre d’exemples, j’ai aussi bien choisi des grands essais classiques comme "La Mort" de Marie-Hélène Encrevé-Lambert, que des romans, comme "Le Voile noir" d’Anny Duperey, des œuvres touchant aux domaines de la psychologie et/ou de la philosophie, avec ceux du regretté Michel Hanus ou de Christophe Fauré. On trouvera également dans les "rayons" de cette bibliothèque "La Mort pour les nuls", des écrits de Françoise ou Catherine Dolto, d’Emmanuelle Huisman Perrin (son excellent "La Mort expliquée à ma fille"), de Roger-Pol Droit ou du Pr Marc-Louis Bourgeois. Bien sûr, cette liste n’est pas exhaustive.
R : Faire connaître les publications réservées à l’enfance était utile ?
FF : En effet, il était très important de notre point de vue de référencer des livres plus particulièrement dédiés aux enfants. Cela afin que les étudiants devenus professionnels puissent guider les parents en difficulté pour parler de la mort à leurs enfants, vers des ouvrages conçus pour ça. C’est le cas de "Dis, c’est comment quand on est mort ?" d’Hélène Romano, ou d’ "Au revoir Blaireau" de Susan Varley.
Le stagiaire formé repart ainsi avec un bagage "littéraire minimal" qui permet de répondre aux questions ou aux préoccupations des familles endeuillées dans ce moment si particulier et douloureux du deuil, quand elles doivent répondre aux interrogations de leurs proches et de leurs enfants.
Pour conclure, je dirais que le livre est aussi un outil contribuant à être performant au quotidien dans l’exercice de nos professions.
Gil Chauveau
Résonance n°129 - Avril 2017
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