Patrick Lerognon, |
À quelques semaines du congrès de l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP), de nombreuses voix se font entendre. Manifestement, les services funéraires publics se mettent en ordre de bataille. Entre réforme et conservatisme, l’enjeu est de redéfinir un espace clair de ce qu’est une mission funéraire empreinte d’une éthique de service public, alliant rigueur de gestion contemporaine et accompagnement des familles en deuil. Patrick Lerognon, dirigeant des Pompes Funèbres Publiques de La Rochelle et du Groupement de Mutualisation du Funéraire, nous témoigne d’une réelle ambition de développement et d’affirmation d’une éthique porteuse de sens. Entretien...
Résonance : Patrick Lerognon, quelle motivation vous anime dans ce qui ressemble à un débat fédéral de fond au sein de l’UPFP ?
Patrick Lerognon : L’UPFP est à la croisée des chemins. D’une part, le départ précipité de l’ancienne présidente fait place à une succession que je qualifierai “de circonstances“ et, d’autre part, le paysage funéraire est en totale mutation depuis quelques années. Nous sommes un certain nombre à en faire le constat lucide et nous souhaitons pour le rassemblement des services funéraires publics une redéfinition du contrat qui nous unit, sur des bases nouvelles et réellement porteuses de sens. Il y a donc un vaste chantier à mettre en œuvre sans attendre, nous avons perdu suffisamment de temps.
R : Quelles sont vos priorités dans ce domaine ?
PL : L’UPFP se compose de trois branches professionnelles. Les pompes funèbres et leurs services, les crématoriums et les services des cimetières. Ces composantes doivent être, me semble-t-il, représentées à parité dans le nouveau conseil d’administration afin de porter avec efficience leurs projets respectifs. De plus, les modes de gestion sont également disparates. Société d’économie mixte, régies, entreprises publiques locales, autant de statuts juridiques et de modes de gestion différents qui font qu’un équilibre doit s’opérer afin de ne pas privilégier les structures les plus fortes comme les SEM, dans cette représentation, donc le pouvoir exécutif de la fédération.
Ceci passe notamment par une refonte statutaire où la durée de mandat de la présidence ne saurait excéder trois ans, renouvelable une fois mais, cette fois, à la majorité des ¾. Il est essentiel que ce soient les adhérents dans leur ensemble, réunis en congrès, qui élisent leur président sur un projet structuré et balisé, et non le conseil d’administration.
Donc, la priorité numéro UN est une lecture des statuts qui garantissent à l’ensemble des services adhérents une représentativité paritaire sans failles.
J’aimerais aussi souligner l’importance du comité des élus au sein de l’UPFP, dont le rôle effacé n’est hélas pas celui qu’il devrait tenir. C’est la clé de voûte de notre édifice. Soit nous sommes une association de directeurs de services funéraires – et, pardon de le souligner, mais c’est de courte vue –, soit nous sommes une fédération de villes qui ont fait le choix éthique de maintenir et développer un service funéraire public de qualité pour les seuls intérêts des familles.
En cela, nos élus ont une place prépondérante, ils ont la légitimité populaire, ils portent une éthique forte, et ils le font savoir. L’intérêt général doit donc primer dans nos actions fédérales et nos élus doivent en être les garants. Ils sont en quelque sorte le conseil de surveillance de notre fédération professionnelle.
R : Votre action sur La Rochelle et Saintes n’est-elle pas une préfiguration de ce que vous souhaiteriez voir mis en œuvre au sein de l’UPFP ?
PL : Très sincèrement, la nature a horreur du vide. C’est une citation très connue, mais ô combien réelle. Nous espérions d’une fédération, entre autres actions, la mise en œuvre d’une boîte à outils au service du plus grand nombre. D’une certaine façon, c’est une déception. C’est pourquoi, en total accord avec nos élus, nous avons mis en œuvre sur notre secteur géographique une mutualisation des services opérationnels tels que formation, achats, gestion et contrôle de gestion, administration générale, transfert de compétences. Plusieurs villes, et non des moindres, ont plébiscité ce mode opératoire. Leur nombre grandissant atteste de la pertinence de notre démarche.
Gestion transparente, dialogue social, innovation, éthique de service public, veille juridique, tous ces paramètres sont audités en permanence, de même que les recommandations pertinentes des différentes CRC (Chambres Régionales des Comptes), émises dans le domaine funéraire public. Tous ces signaux forts doivent orienter nos actions d’intérêt général et de bien commun, et nous en avons une lecture très attentive et pointue.
La création à La Rochelle, puis Saintes et Montpellier, d’une enseigne “Pompes Funèbres Publiques“ avec tout ce que cela suppose d’un point de vue juridique, n’est en quelque sorte que la préfiguration de ce que pourrait devenir une fédération des services funéraires publics si elle en exprimait la réelle ambition. Quel que soit le mode de gestion de ces services funéraires publics, une réponse dimensionnée existe. Le montage juridique revêt une importance déterminante.
Or donc, le temps est venu de s’ouvrir à d’autres politiques funéraires publiques pour plus de transparence, d’autres projets, d’autres actions... et le temps est compté.
Pour y parvenir, notre regard n’est pas occulté par des manœuvres dilatoires ou d’ego factices, mais il est bien celui de l’action planifiée, mesurée et de l’obligation de résultats, et ce, en tenant compte des spécificités de chacun, de l’histoire, de la sociologie locale et régionale, mais aussi de la feuille de route édictée par la représentation élue. Un directeur de service n’est pas en poste pour se substituer à son élu, mais bien pour être son bras armé au service des populations.
R : On sent bien chez vous une grande conviction. Pensez-vous que ce soit suffisant pour faire bouger les lignes ?
PL : Vous avez raison de rappeler que la conviction est importante dans la création et la mise en œuvre d’un tel projet. J’ajouterai qu’il y a une grande différence entre ceux qui parlent et ceux qui font. Notre projet existe bel et bien. Il est opérationnel et efficient, et ses résultats sont tous probants. Bien entendu, ce projet peut et doit pouvoir avoir la souplesse d’adaptation à chaque cas de figure. Notre gestion est transparente, contrôlée en permanence par nos collectivités et par des cabinets indépendants. Notre vision juridique est plurielle. Nous ne nous lançons pas tête baissée sur la foi d’une seule analyse juridique. Nous avons développé des schémas opérationnels de gestion adaptés à chaque mode de structure.
Comme pour toutes structures rendues appétissantes pour ce qu’elles représentent, les propositions sont nombreuses en la matière. Les mutuelles et les banques-assurances nous regardent de près et nous font les yeux doux. Peut-être faudra-t-il en passer par là, mais en attendant, certainement pas sur la base d’un contrat où de nombreux points peuvent s’avérer flous, et certainement pas sans l’aval de notre représentation élue. Les régies funéraires, par exemple, savent bien de quoi je parle.
La transparence guide nos pas, et il ne saurait en être autrement.
R : Que va-t-il se passer lors du congrès UPFP ?
PL : Les adhérents prendront la parole, puisque leur exécutif remet son mandat entre leurs mains. Ce sera un débat salutaire et nécessaire. Il aurait dû se produire bien avant. Mais comme vous l’évoquiez dans l’une de vos questions, “faire bouger les lignes“ nécessite une réelle remise en cause sur le fond et la forme, notamment les pratiques managériales, la structure, son devenir... De belles perspectives, à condition d’ouvrir les yeux sur la réalité d’un paysage professionnel qui bouge beaucoup et où les services funéraires publics ont leur place à condition de s’en donner les moyens structurels, matériels et humains.
Là est la perspective, et faute de nouveaux architectes expérimentés, nous risquons à court terme notre existence même.
Steve La Richarderie
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