Dans le monde du funéraire, l’année 2014 fut riche de débats et de réflexions engendrés par une constante évolution de la profession et du champ législatif, avec, notamment, de nouveaux textes votés début 2015. Une rencontre avec Richard Féret, directeur général délégué de la Confédération des Professionnels du Funéraire et de la Marbrerie (CPFM), est l’occasion de faire un petit tour d’horizon des chantiers mis en route l’année dernière et de découvrir ceux à venir, du moins pour les principaux.
Richard Féret,
directeur général délégué de la CPFM.
Résonance : Pouvez-vous dans un premier temps nous faire un rapide rappel des grandes actions menées en 2014 ?
Richard Féret : Oui, bien sûr. En lien avec l’autre fédération, ce fut l’année de la réalisation de notre premier vrai rapport de branche fait par un organisme extérieur. Il nous offre une visibilité et une quantité d’informations structurelles sur les entreprises, les salariés, les évolutions,… Il est perfectible, mais il a le mérite d’être le premier et nous pourrons ainsi avoir une vision "dynamique" de notre branche et des actions à mener pour améliorer son fonctionnement et son attractivité, compte tenu des embauches et des formations à réaliser dans les années à venir.
Nous avons eu des rencontres sur le chantier "Dépôts de devis en mairie". Nous pensons que le sujet n’a pas été abordé de la bonne manière par l’administration et que le texte est flou, il ne donne aucune indication, ni aucune contrainte. Au sein de la CPFM, les positions sont assez diverses (voir Résonance n° 107, page 17). Nous recommandons à nos adhérents de déposer des devis en nombre suffisant pour donner une information complète aux rares familles qui se rendraient en mairie.
Le deuxième chantier que nous avons lancé en début d’année concerne les schémas régionaux des crématoriums. Dans le cadre de rencontres avec Jean-Pierre Sueur et Jean-René Lecerf, nous avons découvert que les professionnels, n’étaient pas consultés dans le schéma d’origine.
Ce point a été réglé et la proposition de loi a été introduite dans le projet de loi de la Nouvelle Organisation Territoriale de la REpublique (NOTRE) qui fait l’objet de discussions parlementaires en ce moment.
Enfin, le troisième volet, qui a occupé 2014 et qui occupera probablement la fin 2015, mais plus sûrement 2016, est relatif à la thanatopraxie. La réglementation va autoriser les soins sur les séropositifs, qu’ils soient VIH ou "hépatites". Le législateur, à partir du moment où il ouvre cette possibilité, veille à ce que le risque sanitaire soit contenu. Cela veut dire que ces soins ne pourront être réalisés que dans des locaux dédiés, laboratoire de chambre funéraire ou chambre mortuaire. Cela exclut donc les soins à domicile ou dans les maisons de retraite. Pour certaines familles ayant un budget modeste, le déplacement du corps de la maison au labo, la location de celui-ci et le retour du corps pour la veillée funèbre au domicile vont représenter un coût supplémentaire non négligeable... Cela fait l’objet de réflexions aujourd’hui au sein du ministère de la Santé... À suivre donc.
R : Le début de l’année 2015 a été marqué par "l’affaire des scellés".
RF : Effectivement, la loi 2015-177 votée en début d’année a impliqué une nouvelle rédaction de l’art. L. 2213-14 du CGCT visant à moderniser et à simplifier le contrôle des opérations funéraires. Qui dit simplification dit suppression de certains contrôles comme celui du scellement du cercueil et donc des vacations afférentes. Aujourd’hui, ne sont donc plus obligatoires que les contrôles en cas de crémation. Nous avons été très sollicités par un grand nombre de nos adhérents ainsi que par des mairies et des fonctionnaires de police, qui s’interrogent sur les modalités d’application (voir Résonance n° 108, page 16). Actuellement, les choses se mettent en place, mais un grand nombre de questions demeurent et de nombreux points doivent être encore précisés. Nous faisons des propositions de notre côté sur la notion de "membre de la famille" notamment.
R : Concernant maintenant l’année en cours, quels sont les travaux auxquels vous vous êtes attelés ?
RF : Nous préparons notre assemblée générale, qui est un moment de plaisir et de partage avec nos adhérents. Seront proposées les résolutions votées lors du conseil d’administration du mois de mars. L’une des plus importantes est le gel total des cotisations pour l’exercice 2016. En plus, pour mieux accompagner et rendre plus accessible l’adhésion aux petites structures (TPE, thanatopracteurs, ou celles en cours de formation), nous allons créer une tranche tarifaire beaucoup plus basse. C’est-à-dire que, pour les entreprises ayant un CA de moins de 250 000 €, la CPFM propose une cotisation divisée par deux, soit 400 €. En outre, la première année, toutes les cotisations sont minorées de 50 % en guise de bienvenue.
Ensuite, notre travail va consister à réfléchir sur le devenir de la profession pour les trois-quatre ans qui viennent. En effet, de grands changements se produisent et des évolutions importantes vont encore avoir lieu. Le secteur arrive, sur certains points, à maturité. De nouveaux indépendants apparaissent. Les réseaux (enseignes emblématiques de notre "industrie") se structurent, se renforcent et donnent une nouvelle architecture au marché. Sur le plan financier, les fonds d’investissement progressent, car ils perçoivent la forte prévisibilité de notre activité, avec une visibilité importante, un modèle économique simple, des "cashs flows" récurrents et, malgré une crispation du panier moyen, des marges encore très honorables comparativement à d’autres professions.
Ces transformations nous obligent à penser aussi aux cadres à établir en réponse à la crise (qui a touché notre branche l’année passée), au développement de la crémation, à l’augmentation des familles en souffrance économique (baisse du pouvoir d’achat, impayés), etc. Nous devons également réfléchir sur l’accroissement et l’élargissement de l’offre des contrats de prévoyance funéraire, dans laquelle la "bancassurance" a un poids énorme. Quelle est la posture que la profession souhaite adopter ? Sûrement pas la contemplation !
Enfin, une réflexion essentielle aura pour thème l’accroissement de l’exigence des familles. Celles-ci sont devenues "conso-acteurs". Elles veulent comprendre ce qu’elles achètent, tirer profit des avantages proposés, sont sensibles aux promotions et au rapport qualité-prix. En complément et appui de cette attitude, il y a Internet, qui est le centre de ces nouvelles connaissances, de ces nouvelles exigences. Auparavant, la famille qui arrivait chez un opérateur était quasi vierge de toute information.
Ce n’est plus le cas aujourd’hui et de nouvelles plateformes proposant de l’information et des services apparaissent.
Cela nous amène à la "Net économie" qui avance à grands pas et qui va toucher inexorablement le milieu funéraire, même si pour l’instant il a été préservé. Notre position aujourd’hui est de conseiller à l’opérateur funéraire d’investir même modestement dans un site Internet. Ce dernier lui permettra d’être visible, de se mettre en avant, en y mettant des photos, la géolocalisation, des témoignages clients, la photo de l’équipe, des exemples de prestations, ses particularités, etc.
Tout ce que je viens de vous dire ne peut être dissocié de la formation, qui se doit d’être de plus en plus performante et de plus en plus complète… afin de répondre à tous les grands enjeux économiques, technologiques et professionnels des années à venir.
Dans ce marché en mutation, je considère, pour finir sur une note optimiste, tant les indépendants que les réseaux sauront garder ou gagner une place légitime dans ce métier de service pas tout à fait comme les autres.
Résonance n°111 - Juin 2015
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