Il a bien voulu répondre à nos questions.
Maud Batut : Monsieur Jean-Pierre Sueur, pourquoi êtes-vous revenu sur la question des contrats obsèques lors du débat sur le récent projet de loi "renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs"?
Jean-Pierre Sueur : Pour une raison simple. À deux reprises, en 2004 d’abord, puis en 2008, des dispositions ont été votées par le Parlement concernant les contrats obsèques. Or, je constate que celles de 2004 sont restées trop souvent lettre morte cependant que celles de 2008 n’ont pas été mises en application. Cela pose un problème qui est pour moi tout simplement fondamental : la loi doit être appliquée !
Maud Batut : Si vous le voulez bien, prenons les choses dans l’ordre. Et revenons d’abord aux dispositions adoptées en 2004.
Jean-Pierre Sueur : J’avais fait introduire dans la loi du 9 décembre 2004 un article ainsi rédigé : "Toute clause d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance sans que le contenu détaillé de ces prestations soit défini est réputé non écrite".
Cette même loi comportait d’autres dispositions garantissant la spécificité des contrats obsèques et traitant les cas où le souscripteur décidait de changer de mandataire, de type d’obsèques, d’opérateur, etc. Or, force est de constater que ces dispositions sont trop souvent mal appliquées. Je précise que j’ai toujours été opposé à ce que j’appelle la "financiarisation" des obsèques, qui a le plus fréquemment pour effet de dessaisir les entreprises funéraires des tâches qui doivent être les leurs. C’est pourquoi par un premier amendement, j’ai fait ajouter au texte que je viens de citer – et qui est devenu l’article L. 2223-34-1 du Code général des collectivités territoriales – le mot "personnalisé" après le mot "détaillé". Si cette disposition est définitivement adoptée, les contrats obsèques devra donc inclure une "description détaillée et personnalisée des obsèques", ce qui exclurait tout contrat sous forme "packagée" et impliquerait nécessairement, selon moi, un dialogue avec un professionnel pour l’établissement d'un tel contrat.
Par un second amendement, j’ai rédigé un nouvel article qui a été également adopté par le Sénat, qui dispose que : "Les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire". Vous l’aurez compris, il s’est agi pour moi de bien marquer, une fois encore, la spécificité du contrat obsèques. Les sommes versées au titre d’un contrat obsèques ne peuvent servir qu’au financement des obsèques. Il ne s’agit donc pas d’une formule financière banale dont l’objet ne serait pas strictement défini.
Maud Batut : Venons-en maintenant aux dispositions adoptées en 2008.
Jean-Pierre Sueur : La loi du 19 décembre 2008 disposait que "le capital versé par le souscripteur prévoyant des obsèques à l’avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal". Elle prévoyait aussi la création d’un "fichier national destiné à centraliser les contrats d’assurance obsèques souscrits par les particuliers". Ni l’une, ni l’autre de ces deux dispositions n’ont été mises en application depuis décembre 2008. J’ai eu, à plusieurs reprises, des contacts à ce sujet avec le ministère de l’Économie et des Finances. Celui-ci arguait que la clause relative à la revalorisation des sommes versées au titre des contrats obsèques était contraire aux règles européennes.
Pour ma part, je restais et je reste attaché à une juste revalorisation de ces sommes parce que, comme l’ont mis en évidence des associations familiales et des associations de consommateurs, c’est l’intérêt légitime des souscripteurs.
Après bien des discussions, nous nous sommes mis d’accord avec le ministère de l’Économie et des Finances – et je l’en remercie – sur une rédaction que j’ai reprise dans un amendement qui a été, lui aussi, approuvé par le Sénat lors de la séance du 22 décembre 2011. Celui-ci est ainsi rédigé :
"Le second alinéa de l’article L. 2223-34-1 du Code général des collectivités territoriales est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers conformément à l’article L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année une quote-part du solde du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total, précisé par arrêté, des provisions mathématiques. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’article L. 132-22 du Code des assurances".
Maud Batut : Et maintenant… ?
Jean-Pierre Sueur : La situation est paradoxale. En effet, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, au sein duquel ces amendements ont été inclus avec, je tiens à le souligner, le total accord du ministre compétent, M. Frédéric Lefebvre, a été adopté en première lecture à la fois par l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est lors du passage du texte au Sénat que j’ai pu faire adopter les amendements dont je viens de vous parler. Mais il semble que le Gouvernement n’ait pas l’intention d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement les nouvelles lectures nécessaires à l’adoption de ce texte d’ici la fin de la présente session parlementaire pour cause d’encombrement…
L’adoption de ces mesures nécessaires concernant les contrats obsèques risque donc d’en être retardée. Mais le fait que ces amendements aient obtenu l’accord du Gouvernement et aient été approuvés unanimement par le Sénat sont autant d’atouts. Et au cas où le projet de loi ne reviendrait pas, dans l’immédiat, devant le Parlement, vous pouvez compter sur ma ténacité pour les représenter dès que possible !
Jean-Pierre Sueur : Pour une raison simple. À deux reprises, en 2004 d’abord, puis en 2008, des dispositions ont été votées par le Parlement concernant les contrats obsèques. Or, je constate que celles de 2004 sont restées trop souvent lettre morte cependant que celles de 2008 n’ont pas été mises en application. Cela pose un problème qui est pour moi tout simplement fondamental : la loi doit être appliquée !
Maud Batut : Si vous le voulez bien, prenons les choses dans l’ordre. Et revenons d’abord aux dispositions adoptées en 2004.
Jean-Pierre Sueur : J’avais fait introduire dans la loi du 9 décembre 2004 un article ainsi rédigé : "Toute clause d’un contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance sans que le contenu détaillé de ces prestations soit défini est réputé non écrite".
Cette même loi comportait d’autres dispositions garantissant la spécificité des contrats obsèques et traitant les cas où le souscripteur décidait de changer de mandataire, de type d’obsèques, d’opérateur, etc. Or, force est de constater que ces dispositions sont trop souvent mal appliquées. Je précise que j’ai toujours été opposé à ce que j’appelle la "financiarisation" des obsèques, qui a le plus fréquemment pour effet de dessaisir les entreprises funéraires des tâches qui doivent être les leurs. C’est pourquoi par un premier amendement, j’ai fait ajouter au texte que je viens de citer – et qui est devenu l’article L. 2223-34-1 du Code général des collectivités territoriales – le mot "personnalisé" après le mot "détaillé". Si cette disposition est définitivement adoptée, les contrats obsèques devra donc inclure une "description détaillée et personnalisée des obsèques", ce qui exclurait tout contrat sous forme "packagée" et impliquerait nécessairement, selon moi, un dialogue avec un professionnel pour l’établissement d'un tel contrat.
Par un second amendement, j’ai rédigé un nouvel article qui a été également adopté par le Sénat, qui dispose que : "Les formules de financement d’obsèques prévoient expressément l’affectation à la réalisation des obsèques du souscripteur ou de l’adhérent, à concurrence de leur coût, du capital versé au bénéficiaire". Vous l’aurez compris, il s’est agi pour moi de bien marquer, une fois encore, la spécificité du contrat obsèques. Les sommes versées au titre d’un contrat obsèques ne peuvent servir qu’au financement des obsèques. Il ne s’agit donc pas d’une formule financière banale dont l’objet ne serait pas strictement défini.
Maud Batut : Venons-en maintenant aux dispositions adoptées en 2008.
Jean-Pierre Sueur : La loi du 19 décembre 2008 disposait que "le capital versé par le souscripteur prévoyant des obsèques à l’avance produit intérêt à un taux au moins égal au taux légal". Elle prévoyait aussi la création d’un "fichier national destiné à centraliser les contrats d’assurance obsèques souscrits par les particuliers". Ni l’une, ni l’autre de ces deux dispositions n’ont été mises en application depuis décembre 2008. J’ai eu, à plusieurs reprises, des contacts à ce sujet avec le ministère de l’Économie et des Finances. Celui-ci arguait que la clause relative à la revalorisation des sommes versées au titre des contrats obsèques était contraire aux règles européennes.
Pour ma part, je restais et je reste attaché à une juste revalorisation de ces sommes parce que, comme l’ont mis en évidence des associations familiales et des associations de consommateurs, c’est l’intérêt légitime des souscripteurs.
Après bien des discussions, nous nous sommes mis d’accord avec le ministère de l’Économie et des Finances – et je l’en remercie – sur une rédaction que j’ai reprise dans un amendement qui a été, lui aussi, approuvé par le Sénat lors de la séance du 22 décembre 2011. Celui-ci est ainsi rédigé :
"Le second alinéa de l’article L. 2223-34-1 du Code général des collectivités territoriales est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :
Tout contrat prévoyant des prestations d’obsèques à l’avance précise les conditions d’affectation des bénéfices techniques et financiers conformément à l’article L. 132-5 du Code des assurances. Il lui est affecté chaque année une quote-part du solde du compte financier, au moins égale à 85 % de ce solde multiplié par le rapport entre les provisions mathématiques relatives à ce contrat et le total, précisé par arrêté, des provisions mathématiques. Il fait aussi l’objet d’une information annuelle conformément à l’article L. 132-22 du Code des assurances".
Maud Batut : Et maintenant… ?
Jean-Pierre Sueur : La situation est paradoxale. En effet, le projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, au sein duquel ces amendements ont été inclus avec, je tiens à le souligner, le total accord du ministre compétent, M. Frédéric Lefebvre, a été adopté en première lecture à la fois par l’Assemblée nationale et le Sénat. C’est lors du passage du texte au Sénat que j’ai pu faire adopter les amendements dont je viens de vous parler. Mais il semble que le Gouvernement n’ait pas l’intention d’inscrire à l’ordre du jour du Parlement les nouvelles lectures nécessaires à l’adoption de ce texte d’ici la fin de la présente session parlementaire pour cause d’encombrement…
L’adoption de ces mesures nécessaires concernant les contrats obsèques risque donc d’en être retardée. Mais le fait que ces amendements aient obtenu l’accord du Gouvernement et aient été approuvés unanimement par le Sénat sont autant d’atouts. Et au cas où le projet de loi ne reviendrait pas, dans l’immédiat, devant le Parlement, vous pouvez compter sur ma ténacité pour les représenter dès que possible !
Propos recueillis par Maud Batut
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