Explications…
Résonance : Corinne Loiodice, 30 ans de funéraire public PFI, c’est à marquer d’une pierre blanche ?
Corinne Loiodice : Effectivement j’ai l’impression que c’était hier malgré les années et c’est un anniversaire qui compte beaucoup pour nous, car, privilège de l’antériorité, nous pouvons faire un bilan de notre action sur 3 décennies, une période marquante pour le funéraire en général et pour nous en particulier. Pour ce qui est du funéraire national, il faut se remémorer la période préliminaire à l’établissement de la loi de 1993, puis la promulgation de celle-ci. Ce fut une véritable révolution pour l’ensemble des métiers du funéraire, une période charnière propice aux mutations structurelles mais également morales. La vision de ce que devait être notamment un service funéraire public moderne et répondant aux intérêts matériels et moraux des familles a connu, par la loi 93-23 du 8 janv. 1993 une perspective remarquable, et a gagné en pertinence sur tous les plans.
R : Concernant PFI et la région grenobloise, quelles ont été les évolutions funéraires ?
CL : Sans remonter aux origines des services municipaux qui sont
anciennes, retenons la création en 1982 des PFI de la région grenobloise, régie intercommunale qui rassemble 7 communes de l’agglomération. Les services s’adaptent car nous pressentions, comme beaucoup, les attentes au niveau des populations. En 1982, le bassin grenoblois connaît une forte exponentielle démographique, des réponses logistiques s’imposent à de nombreux niveaux, notamment par la création d’équipements structurants comme le centre funéraire en 1985 et le crématorium en 1986. Je veux d’ailleurs saluer l’action prépondérante de nos élus de l’époque, le professeur Robert Magnin, alors maire de Corenc et vice-président de l’agglomération, et de Monique Vincent, adjointe au maire de Grenoble, Hubert Dubedout. Aujourd’hui les choses peuvent paraître simples, je vous prie de croire qu’il en était tout autrement en 1982 et qu’il a fallu beaucoup d’enthousiasme, de foi en l’avenir et d’une forte dose de conviction pour initier ce projet.
R : Vous parliez d’équipements funéraires, quelle était la situation en 1982 ?
CL : Tout était à faire. Une des premières décisions en 1982 fut la création d’un centre funéraire avec notamment une salle de cérémonie, une chambre funéraire digne de ce nom et des salons de recueillement. Nous avions la chance de pouvoir disposer de locaux dans la commune de La Tronche où se situaient les services techniques des pompes funèbres, face au cimetière du Grand Sablon. De profonds travaux de restructuration et d’aménagement furent entrepris pour rassembler l’ensemble des services funéraires, accueil des familles, logistique et administration. L’inauguration en 1985 de ce centre funéraire marquait en soi une évolution considérable.
R : Nouvel équipement, mais également nouvelles pratiques je suppose ?
CL : Oui bien sûr, les pratiques funéraires sont bouleversées depuis quelques années. À l’aube des années 80, les décès se produisent majoritairement en milieu hospitalier. L’habitat moderne n’est pas adapté à la problématique "défunt", de plus le souhait de disposer de salons de recueillement fait apparaître une
nouvelle attente, celle des soins de thanatopraxie, qui rencontrent les faveurs du public. Notre salle de cérémonie devient un espace privilégié de partage pour toutes les confessions et philosophies. La crémation est également une pratique qui présage un fort développement. La décision de créer un crématorium intercommunal s’impose rapidement et c’est chose faite dès 1986 sur le territoire de la commune de Gières. Ce crématorium après bientôt 30 années d’activité va connaître à son tour une évolution technologique par la mise en place d’un dispositif de filtration. Cet équipement est une réussite architecturale, intégré dans un écrin de verdure et il a accompagné un essor spectaculaire de la crémation dans le bassin grenoblois puisque aujourd’hui plus de 1 Grenoblois sur 3 choisit ce mode de sépulture.
R : Puisque nous sommes dans la décennie 80, on ne peut pas passer sous silence le passage en SEM de la régie intercommunale…
CL : Ce passage est également une révolution puisqu’il marque le point de départ de la troisième voie du funéraire en France, celle de l’économie mixte. Première SEM funéraire de France dès 1988, les PFI de la région grenobloise marquent leur époque. Inutile de préciser que cette évolution ne s’est pas faite toute seule et que nous en avons entendu "des vertes et des pas mûres", mais nous avions la chance d’avoir une équipe d’élus très motivés, qui ont su mettre en avant l’intérêt général et le bien commun. Je crois que cette création est un exemple de dialogue social au sein des PFI mêmes, mais également au niveau politique par son côté visionnaire de ce que doit être un service funéraire public : digne, transparent, respectueux des populations. La SEM PFI a inspiré d’autres collectivités qui ont à leur tour emprunté cette voie, Paris, Tours, Brest, Béziers… puis beaucoup d’autres. L’exemple PFI marque le funéraire public encore aujourd’hui. L’évolution de nos équipements est une des facettes visible mais il y en a d’autres… L’éthique, le savoir-faire et le faire-savoir, la capacité fédératrice de l’ensemble de nos compétences qui se traduit au niveau national par une forte implication au sein de l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP)… oui le chemin parcouru prend différentes formes, toutes passionnantes et uniques.
R : Je remarque que vous parlez beaucoup des services mais peu de vous. Vous êtes pourtant une charnière importante dans cette évolution ?
CL : J’ai effectivement pris une part très active à l’ensemble des évolutions structurelles et conjoncturelles des PFI de la région grenobloise, du passage à l’intercommunalité en 1982 à la création de la SEM en 1988. J’en assume la direction générale depuis 1991. Ces années furent passionnantes mais également bouleversantes, nous avons dû répondre à de nombreuses attaques et y faire face avec sérénité et détermination. Les PFI ont toujours travaillé à pousser vers le haut la qualité de leurs services. C’est pourquoi nous avons décidé d’obtenir une reconnaissance officielle de l’action de la SEM au travers d’un label unanimement reconnu. Nous souhaitions la certification. Parler de la qualité, c’est bien, la faire certifier c’est autre chose. Nous avons donc porté nos efforts sur tous les volets de PFI pour respecter les critères nécessaires ainsi que la
formation des personnels, avant de faire intervenir l’AFAQ. Il faut savoir que la SEM PFI est le seul opérateur funéraire européen certifié ISO Qualité Sécurité Environnement, pour l’intégralité de ses services et de ses équipements gérés. Elle traduit une réelle évolution qualitative pour les familles en deuil… Une qualité démontrée.
R : Quelles leçons tirez-vous de ces années ?... et si c’était à refaire ?...
CL : L’exercice des responsabilités appelle une certaine forme d’humilité mais également une forte conviction, car des coups il en pleut beaucoup et des coups bas un certain nombre. Avoir la foi dans son action, la passion de son métier, la volonté de rassembler et de progresser ensemble,
constitue indubitablement des éléments moteurs très puissants. Je n’ai jamais perdu de vue – profession oblige – la relativité illusoire de l’existence et tout ceci impose donc une grande humilité devant la nature des événements. Cela n’empêche pas d’éprouver une très grande fierté, un bonheur profond. Avoir eu la chance de côtoyer des personnalités de grande valeur, de porter des projets ambitieux pour l’esprit public, l’intérêt général et le bien commun, d’avoir la certitude tranquille d’apporter aux familles en deuil des réponses dimensionnées, sensibles, de permettre leur traversée du deuil dans les meilleures conditions possibles de dignité… Oui c’est de la fierté, même une très grande fierté, c’est un sentiment agréable professionnellement et très gratifiant sur un plan personnel. Mais ceci n’est pas un testament, l’histoire PFI continue et nous avons encore de magnifiques pages à écrire parce que le funéraire public n’est pas figé comme on
aimerait à le faire croire ici et là, c’est une dynamique en mouvement, un écho favorable aux exigences
contemporaines, une réponse éthique à un monde qui oublie ses devoirs fondamentaux d’humanité. C’est pour tout cela que j’ai choisi ce métier il y a une quarantaine d’années et que j’y trouve chaque jour les raisons de mon existence.
R : On l’aura compris, pour les PFI, 30 ans, c’est l’âge du faire…
Résonance : Corinne Loiodice, 30 ans de funéraire public PFI, c’est à marquer d’une pierre blanche ?
Corinne Loiodice : Effectivement j’ai l’impression que c’était hier malgré les années et c’est un anniversaire qui compte beaucoup pour nous, car, privilège de l’antériorité, nous pouvons faire un bilan de notre action sur 3 décennies, une période marquante pour le funéraire en général et pour nous en particulier. Pour ce qui est du funéraire national, il faut se remémorer la période préliminaire à l’établissement de la loi de 1993, puis la promulgation de celle-ci. Ce fut une véritable révolution pour l’ensemble des métiers du funéraire, une période charnière propice aux mutations structurelles mais également morales. La vision de ce que devait être notamment un service funéraire public moderne et répondant aux intérêts matériels et moraux des familles a connu, par la loi 93-23 du 8 janv. 1993 une perspective remarquable, et a gagné en pertinence sur tous les plans.
R : Concernant PFI et la région grenobloise, quelles ont été les évolutions funéraires ?
CL : Sans remonter aux origines des services municipaux qui sont
anciennes, retenons la création en 1982 des PFI de la région grenobloise, régie intercommunale qui rassemble 7 communes de l’agglomération. Les services s’adaptent car nous pressentions, comme beaucoup, les attentes au niveau des populations. En 1982, le bassin grenoblois connaît une forte exponentielle démographique, des réponses logistiques s’imposent à de nombreux niveaux, notamment par la création d’équipements structurants comme le centre funéraire en 1985 et le crématorium en 1986. Je veux d’ailleurs saluer l’action prépondérante de nos élus de l’époque, le professeur Robert Magnin, alors maire de Corenc et vice-président de l’agglomération, et de Monique Vincent, adjointe au maire de Grenoble, Hubert Dubedout. Aujourd’hui les choses peuvent paraître simples, je vous prie de croire qu’il en était tout autrement en 1982 et qu’il a fallu beaucoup d’enthousiasme, de foi en l’avenir et d’une forte dose de conviction pour initier ce projet.
R : Vous parliez d’équipements funéraires, quelle était la situation en 1982 ?
CL : Tout était à faire. Une des premières décisions en 1982 fut la création d’un centre funéraire avec notamment une salle de cérémonie, une chambre funéraire digne de ce nom et des salons de recueillement. Nous avions la chance de pouvoir disposer de locaux dans la commune de La Tronche où se situaient les services techniques des pompes funèbres, face au cimetière du Grand Sablon. De profonds travaux de restructuration et d’aménagement furent entrepris pour rassembler l’ensemble des services funéraires, accueil des familles, logistique et administration. L’inauguration en 1985 de ce centre funéraire marquait en soi une évolution considérable.
R : Nouvel équipement, mais également nouvelles pratiques je suppose ?
CL : Oui bien sûr, les pratiques funéraires sont bouleversées depuis quelques années. À l’aube des années 80, les décès se produisent majoritairement en milieu hospitalier. L’habitat moderne n’est pas adapté à la problématique "défunt", de plus le souhait de disposer de salons de recueillement fait apparaître une
nouvelle attente, celle des soins de thanatopraxie, qui rencontrent les faveurs du public. Notre salle de cérémonie devient un espace privilégié de partage pour toutes les confessions et philosophies. La crémation est également une pratique qui présage un fort développement. La décision de créer un crématorium intercommunal s’impose rapidement et c’est chose faite dès 1986 sur le territoire de la commune de Gières. Ce crématorium après bientôt 30 années d’activité va connaître à son tour une évolution technologique par la mise en place d’un dispositif de filtration. Cet équipement est une réussite architecturale, intégré dans un écrin de verdure et il a accompagné un essor spectaculaire de la crémation dans le bassin grenoblois puisque aujourd’hui plus de 1 Grenoblois sur 3 choisit ce mode de sépulture.
R : Puisque nous sommes dans la décennie 80, on ne peut pas passer sous silence le passage en SEM de la régie intercommunale…
CL : Ce passage est également une révolution puisqu’il marque le point de départ de la troisième voie du funéraire en France, celle de l’économie mixte. Première SEM funéraire de France dès 1988, les PFI de la région grenobloise marquent leur époque. Inutile de préciser que cette évolution ne s’est pas faite toute seule et que nous en avons entendu "des vertes et des pas mûres", mais nous avions la chance d’avoir une équipe d’élus très motivés, qui ont su mettre en avant l’intérêt général et le bien commun. Je crois que cette création est un exemple de dialogue social au sein des PFI mêmes, mais également au niveau politique par son côté visionnaire de ce que doit être un service funéraire public : digne, transparent, respectueux des populations. La SEM PFI a inspiré d’autres collectivités qui ont à leur tour emprunté cette voie, Paris, Tours, Brest, Béziers… puis beaucoup d’autres. L’exemple PFI marque le funéraire public encore aujourd’hui. L’évolution de nos équipements est une des facettes visible mais il y en a d’autres… L’éthique, le savoir-faire et le faire-savoir, la capacité fédératrice de l’ensemble de nos compétences qui se traduit au niveau national par une forte implication au sein de l’Union du Pôle Funéraire Public (UPFP)… oui le chemin parcouru prend différentes formes, toutes passionnantes et uniques.
R : Je remarque que vous parlez beaucoup des services mais peu de vous. Vous êtes pourtant une charnière importante dans cette évolution ?
CL : J’ai effectivement pris une part très active à l’ensemble des évolutions structurelles et conjoncturelles des PFI de la région grenobloise, du passage à l’intercommunalité en 1982 à la création de la SEM en 1988. J’en assume la direction générale depuis 1991. Ces années furent passionnantes mais également bouleversantes, nous avons dû répondre à de nombreuses attaques et y faire face avec sérénité et détermination. Les PFI ont toujours travaillé à pousser vers le haut la qualité de leurs services. C’est pourquoi nous avons décidé d’obtenir une reconnaissance officielle de l’action de la SEM au travers d’un label unanimement reconnu. Nous souhaitions la certification. Parler de la qualité, c’est bien, la faire certifier c’est autre chose. Nous avons donc porté nos efforts sur tous les volets de PFI pour respecter les critères nécessaires ainsi que la
formation des personnels, avant de faire intervenir l’AFAQ. Il faut savoir que la SEM PFI est le seul opérateur funéraire européen certifié ISO Qualité Sécurité Environnement, pour l’intégralité de ses services et de ses équipements gérés. Elle traduit une réelle évolution qualitative pour les familles en deuil… Une qualité démontrée.
R : Quelles leçons tirez-vous de ces années ?... et si c’était à refaire ?...
CL : L’exercice des responsabilités appelle une certaine forme d’humilité mais également une forte conviction, car des coups il en pleut beaucoup et des coups bas un certain nombre. Avoir la foi dans son action, la passion de son métier, la volonté de rassembler et de progresser ensemble,
constitue indubitablement des éléments moteurs très puissants. Je n’ai jamais perdu de vue – profession oblige – la relativité illusoire de l’existence et tout ceci impose donc une grande humilité devant la nature des événements. Cela n’empêche pas d’éprouver une très grande fierté, un bonheur profond. Avoir eu la chance de côtoyer des personnalités de grande valeur, de porter des projets ambitieux pour l’esprit public, l’intérêt général et le bien commun, d’avoir la certitude tranquille d’apporter aux familles en deuil des réponses dimensionnées, sensibles, de permettre leur traversée du deuil dans les meilleures conditions possibles de dignité… Oui c’est de la fierté, même une très grande fierté, c’est un sentiment agréable professionnellement et très gratifiant sur un plan personnel. Mais ceci n’est pas un testament, l’histoire PFI continue et nous avons encore de magnifiques pages à écrire parce que le funéraire public n’est pas figé comme on
aimerait à le faire croire ici et là, c’est une dynamique en mouvement, un écho favorable aux exigences
contemporaines, une réponse éthique à un monde qui oublie ses devoirs fondamentaux d’humanité. C’est pour tout cela que j’ai choisi ce métier il y a une quarantaine d’années et que j’y trouve chaque jour les raisons de mon existence.
R : On l’aura compris, pour les PFI, 30 ans, c’est l’âge du faire…
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