Depuis plusieurs années, je sillonne le pays à la rencontre des élu(e)s des communes et des associations de maires. Je m’aperçois que la formation va bien au-delà du passage d’informations…
La formation, comme son nom l’indique, signifie aussi donner une forme, rectifier la forme, ou encore expliquer la raison pour laquelle la forme existe. La raison pour laquelle la forme existe pose souvent des grosses difficultés d’acceptation pour des personnes qui ont une idée précise et très personnelle sur comment les choses devraient fonctionner.
L’utilité de la formation réside souvent dans une chose : donner aux participants, redonner les paramètres qu’il faut prendre en considération pour saisir la réalité et éviter de tomber dans l’arbitraire (alors que pourtant l’intention de départ était louable).
Un jour, une secrétaire de mairie me contacte pour m’interroger sur un cas qui l’interpellait : un homme souhaitait être inhumé dans la concession achetée par son père, mais ses frères s’y opposaient. Je réponds que les frères ne peuvent pas s’y opposer car l’homme en question, s’il était descendant du père, avait le droit d’y être inhumé.
J’apprends alors que le père dont il était question n’était pas le père biologique de l’homme mais son père adoptif et qu’il avait élevé l’enfant comme s’il était le sien. Cependant, il n’avait jamais entrepris de démarche d’adoption ou de reconnaissance, et l’acte de concession ne comportait aucune mention qui stipulait qu’une place était réservée à cet enfant qui était devenu un homme. De plus, les demi-frères de l’homme ne souhaitaient pas, visiblement, que ce dernier soit inhumé dans la concession. L’harmonie ne semblait pas régner dans la fratrie.
Le personnel de mairie me demandait donc comment ce problème pouvait être réglé ? Il était clair, selon le personnel, que l’homme pouvait être inhumé dans la concession que "son père" avait achetée. J’ai indiqué à mes interlocuteurs que la réalité était différente. D’un point de vie affectif, la position du personnel pouvait être comprise.
Cependant, la réglementation prévalait sur tout nonobstant notre évaluation de la situation. Dans le cas qui nous concerne, aux yeux de la loi, l’homme était un quasi-étranger pour celui qu’il considérait comme son père. Une note, un courrier ou je ne sais quel message du père aurait pu changer la donne, mais ce document n’existait pas. J’ai terminé en disant que la situation pouvait paraître cruelle, mais elle était ainsi.
Le personnel des mairies, malgré ses impressions et sentiments sur une situation, a pour responsabilité d’appliquer la réglementation et les dernières volontés du défunt (quand elles ont été formulées). Dans le cas contraire, l’arbitraire des impressions personnelles, des sentiments éprouvés et des points de vue personnels risquent de primer sur la règle commune.
C’est donc ici que la formation intervient, et elle nous rappelle qu’éprouver des sentiments est humain, mais que le rôle de l’État est de faire respecter la règle commune.
Yves Messier
Intervenant auprès des collectivités territoriales
Résonance n° 206 - Août 2024
Résonance n° 206 - Août 2024
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