Bernier Groupe est l’une des plus importantes entreprises françaises sur le secteur de la fabrication de cercueils. Le Groupe a su au fil des ans conserver son autonomie capitalistique familiale et réaliser une croissance externe des plus remarquables : la SAS Laurentin, La Qualité B, Fama, Soulerot… viennent rejoindre Bernier Groupe.
Un tel développement s’accompagne également d’une mise en cohérence des services pour toujours plus d’efficience, afin de faire face aux nombreux défis de la filière.
Entretien et confidences avec Olivier Bernier…
Bernier Groupe, historiquement, ce sont cent vingt personnes, trois sites de fabrication de cercueils, un site de distribution en région parisienne, dix plateformes de stockage et de distribution, plus de 120 000 cercueils commercialisés annuellement, 150 modèles, mais également des fournitures annexes telles que capitons, urnes cinéraires, accessoires. Ce que l’on sait moins repose sur la cohésion familiale, qui est jusqu’à présent le seul actionnaire de référence de Bernier Groupe. Cette volonté de contrôle de l’entreprise a été décidée afin de garantir au maximum sa pérennité, notamment de ne pas être vulnérable aux aléas des achats et ventes d’actifs d’un actionnariat parfois en roue libre.
Combiner une stratégie de fort développement avec une consolidation des acquis au sein du groupe n’est pas donné à tout le monde, c’est pourtant ce qu’Olivier Bernier s’attache à appliquer au sein de ses entreprises. L’esprit maison, son sens de l’éthique responsable.
R : Olivier Bernier cette croissance externe remarquable n’est-elle pas délicate à intégrer ?
Olivier Bernier : Avant chaque opération de croissance externe, nous sommes déjà sur l’étape suivante, l’intégration. Nous n’avons pas une politique d’achat pour satisfaire nos ego, mais bien pour ajouter un maillon supplémentaire nécessaire à notre chaîne de production et de distribution. Nous raisonnons utile, ce qui nous facilite grandement la vie, et surtout, nous nous attachons à ce que l’entreprise qui nous rejoint soit aussi heureuse de collaborer avec nous, que nous avec elle. Une croissance externe n’est pas un jeu de dupes, mais une alliance qui bénéficie à l’ensemble des parties en présence.
R : Comment cette mise en cohérence se traduit-elle concrètement ?
OB : Le hasard a voulu que quelques cadres de l’entreprise fassent valoir leurs droits à la retraite. Oui, le temps passe et nous devons organiser des successions sur des postes sensibles et procéder à des recrutements de première importance. Pour exemple, notre établissement principal à Jory voit arriver un nouveau directeur de site en la personne de Thierry Poirier. Ce nouveau cadre est issu de l’industrie automobile et est parfaitement au fait des process industriels. Son profil a retenu immédiatement toute notre attention, et nous procédons à son intégration au sein de nos équipes.
D’autres départs prévus seront également remplacés, tout est fait pour que les prises de poste s’effectuent dans les meilleures conditions possibles. Des domaines essentiels de l’entreprise sont concernés : administration générale, production, mais également direction commerciale. Deux facteurs importants pour postuler et rejoindre Bernier Groupe : le savoir-faire, mais également le savoir-être. Ce dernier point est primordial, il en va de notre image.
R : Vous serez présents au salon FUNÉRAIRE PARIS, que nous réservez-vous comme autres surprises ?
OB : Pour les surprises, il faudra nous rendre visite sur notre stand K6 du 17 au 19 novembre. Je lève cependant un coin du voile, nous présenterons des "concepts coffins", des avancées design qui préfigurent peut-être ce que sera le futur en matière de cercueils. Nous aurons également un panorama complet d’une nouvelle collection capitons et urnes. Les capitons s’orientent vers le coton et le bio, les urnes sont nouvelles et originales. L’écoresponsable est au cœur de notre démarche, et nous aurons l’occasion d’échanger avec nos visiteurs sur notre projet Bernier Groupe 2022. Je vous rassure, il y aura de vraies innovations, la vitrine du salon FUNÉRAIRE PARIS du Bourget mérite que l’on y présente les réponses les plus séduisantes.
R : Nous avons écho, çà et là, de problèmes d’approvisionnement au niveau de la filière bois. Que faut-il en penser vraiment ?
OB : Vous touchez un sujet qui m’est particulièrement sensible, ainsi qu’à mes confrères de la filière. Ne nous voilons pas la face, nous sommes face à un dysfonctionnement, que pour ma part je ne qualifierai pas de "pénurie". C’est sur le fond un problème d’organisation et de logistique. La France a un domaine forestier important, de l’ordre de 31 % du territoire national. L’ONF gère parfaitement ses parcelles. Il est également exact de dire que 75 % de la foret française appartient au domaine privé et que ces propriétaires privés gèrent leurs territoires notamment par un système de ventes par appels d’offres. Sur ce dernier point interviennent, comme dans toute procédure d’achat et de vente, des traders.
Le marché international du bois est actuellement fiévreux pour une raison qui remonte à plus d’une année. L’ex-président des USA, Donald Trump, afin de relancer son économie, a accordé à chaque citoyen américain un chèque afin de l’aider à restaurer son habitat. Cet habitat, comme vous le savez, est majoritairement réalisé en bois. Il y a eu donc de nombreux appels d’offres afin de satisfaire une demande exponentielle importante. Qui dit forte demande, dit également augmentation des prix. En Europe, l’Allemagne est exportatrice de bois, et s’est donc taillé la part du lion sur ce marché. Pour sa part, la France importe 40 % de son bois, et donc à des prix eux aussi en augmentation. Les coopératives forestières privées se sont inscrites sur ce marché à forte demande, et en ont retiré un certain profit, difficile de leur en vouloir.
Second point d’importance, la Chine, afin de préserver son patrimoine forestier, a interdit les exportations de ses propres ressources. Conséquence immédiate, l’empire du Milieu s’est porté acquéreur de nombreuses ressources bois sur des essences variées, notamment le chêne, tant en Europe qu’à l’international. Résultat : flambée des prix, qui fait dire à un intermédiaire de la filière : "Même si vous me commandez maintenant au prix que je vous indique, je ne suis pas sûr de pouvoir vous livrer."
Troisième point important, la Russie ferme ses frontières aux exportations bois à partir du 1er janvier 2022, notamment pour freiner l’hémorragie chinoise. Bref, finalement, nous avons un marché en effervescence, des prix qui augmentent, une ressource qui se raréfie du fait d’un certain protectionnisme et d’une logistique défaillante, et nous, Français, nous sommes vulnérables alors que notre territoire est riche en bois et que nous devons importer celui-ci au prix fort. C’est le paradoxe total.
La solution et la réponse ne sont pas faites que de subventions de soutien. Il faut traiter le problème à la racine et revoir l’organisation logistique des exportations françaises de bois, qu’il serait bon d’harmoniser avec nos propres exigences intérieures. Une très récente et fort intéressante émission sur France Culture (La Question du Jour par Chloë Cambreling – NDLR) s’en est émue, et citait un trader qui résumait l’ampleur du problème : "Il n’y a pas de contrôle sérieux aux frontières, les statistiques sur l’export bois… ce sont les Chinois qui nous les fournissent"…
Nous sommes face à une déréglementation logistique de première importance, et il est vital de sécuriser la filière bois française et notamment l’activité de transformation primaire ou secondaire de celle-ci, notamment par des contrats d’approvisionnement. La Fédération Nationale du Bois a des propositions et des réponses concrètes à mettre en œuvre. Il faut maintenant une décision politique forte et rapide, qui se jouera autant à Bercy qu’à Bruxelles. Pour mémoire, la filière bois représente 400 000 emplois directs. Il n’y a donc pas une minute à perdre.
R : Faut-il être pessimiste sur l’avenir, comment réagir ?
OB : Le pessimisme n’est pas de mise. Nous sommes une filière dynamique, et nous comptons dans nos rangs des femmes et des hommes de très grande valeur. Notre souhait est d’être entendus par la puissance publique, qui, elle seule, a la capacité d’apporter des réponses simples, rapides, efficientes, afin non seulement de préserver un secteur de notre économie et ses emplois, mais également de permettre une gestion écoresponsable d’une ressource de première importance pour notre pays et qui en fait également son charme inimitable. Il est temps de se mettre autour de la table, Messieurs les ministres.
Message, nous l’espérons, reçu…
Jérôme Maniaque
Résonance n° 175 - Novembre 2021
Résonance n° 175 - Novembre 2021
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