Ils sont discrets, peu bavards, gros travailleurs, un cercueil sur cinq vendu en France sort du centre de production CANARD. S’ils restent discrets sur leurs activités, c’est tout simplement parce que se révéler ne leur apportera rien de plus. Sur le fond, ça se discute, et en être arrivé à un tel niveau de productivité renseigne bien sur les hommes CANARD. Compétences, efforts, visions du marché, réactivité… les qualificatifs sont nombreux, mais justifiés. Histoire d’un succès, mais surtout d’une passion. Explications…
Comme beaucoup de fabricants de cercueils hexagonaux, l’histoire débute dans les années soixante, une époque de grands bouleversements économiques. Guy Canard, menuisier de son état, se rend compte que fabriquer des cuisines équipées se confronte à une concurrence âpre. Comme pour tous les menuisiers, réaliser un cercueil fait "partie du job", bien naturellement. De là germe l’idée de réaliser ces éléments de façon quasi industrielle.
La création de la société CANARD devenue en 1971 une société anonyme ouvre la voie à l’industrialisation. Jusque-là, nous sommes sur un chemin emprunté par d’autres. Le coup de génie entrepreneurial est d’avoir compris dès le début que la maîtrise totale de la chaîne de production permettait une assise solide et pérenne, mais également les à-coups d’une production soumise aux aléas du marché. En très peu de temps, la création de nouveaux établissements consolide le projet : devenir le meilleur parmi les meilleurs… mais surtout, le rester.
Les années prolifiques
En 1979, l’ouverture d’un premier magasin de pompes funèbres permet de vérifier la pertinence d’une gamme sur le grand public, mais également répond à un besoin local. En 1980, la scierie SCIEMO, implantée sur le site de production CANARD, permet d’agrandir la chaîne de production et de répondre à un fort développement. En 1991, une deuxième unité de production voit le jour, la SEFIC (Société Européenne de Fabrication Industrielle de Cercueils). En 2007 un second magasin de pompes funèbres s’implante à Paray-le-Monial, puis en 2011 une autre croissance externe sous la forme du rachat de la fabrique de cercueils, MIV Lagarde, ce qui porte à trois les unités de production.
Tout ceci, vous en conviendrez, représente une somme de travail intense ainsi qu’une prise de risque non négligeable. Heureusement, le groupe familial est solide, les rôles bien répartis et les compétences réelles. Traduction, une part de marché de l’ordre de 20 % place le groupe dans le peloton de tête non seulement au niveau national, mais également au niveau européen. Plus de 450 cercueils en moyenne sortent quotidiennement des lignes de fabrication, soit plus de 120 000 cercueils annuels, dont la distribution s’opère par les 15 points de distribution répartis sur toutes les régions de France.
Rester clairvoyant et prévoyant
Pauline Valette, en charge des relations commerciales et de la communication du groupe CANARD, sait bien faire passer les messages, et là également, la passion est au rendez-vous. "Maîtriser l’ensemble de la chaîne de production n’est pas le fait du hasard. À la fin des années soixante-dix, l’approvisionnement en bois connaissait des fluctuations qui risquaient à terme de compromettre la production en créant des phases de possible rupture. La création d’une scierie, alimentée en circuit court de l’ordre de 100 km de rayon, fut une réponse intelligente et pérenne. Le groupe dispose de 24 000 m2 d’aires de stockage où 12 000 m3 de grumes de chêne sont arrosées en permanence. De plus, nous disposons d’une réserve permanente de 10 000 m3 afin de faire face à de toujours possibles contractions du marché.
Grâce à ce dispositif, le groupe CANARD peut intervenir en totale autonomie pendant 18 mois. Cela signifie également que nous sommes en mesure d’impacter dans une certaine limite les effets spéculatifs d’un marché parfois surprenant, et de ne pas pénaliser nos interlocuteurs sur du court terme. Nous sommes taillés pour répondre de façon efficiente à bons nombres de demandes, dans les délais les plus brefs, bien évidemment."
Toutefois, cette année 2020 aura mis nos productions à rude épreuve, et face à la forte demande que nous avons rencontrée, nous avons pu comme jamais compter sur la compréhension de nos équipes qui ont su faire face à la surcharge de travail avec beaucoup de courage mais aussi et surtout sur celle de nos clients qui eux-mêmes bousculés dans leur quotidien ont su entendre la nôtre. Travailler ensemble main dans la main avec nos clients n’a jamais eu autant de sens qu’en cette période et nous profitons de cette vitrine pour remercier chacun d’entre eux.
Savoir être réactif et créatif
Un catalogue de plus de 300 références permet aux interlocuteurs professionnels du funéraire de constituer une gamme des plus variées, répondant aux critères et exigences les plus forts. "Avec le temps, les goûts évoluent, nous constatons un vrai retour au bois massif, ce qui en soi est une bonne chose. La mode des plaquages tend à disparaître pour un retour au naturel, à l’authentique. Notre politique d’investissement annuel en matériel s’en trouve modifiée.
Un groupe comme CANARD se doit d’être à la pointe technologique pour plusieurs raisons. D’une part, les machines à commande numérique permettent une qualité linéaire mais surtout une forte baisse de la pénibilité au travail, donc c’est gagnant pour tout le monde, et surtout, les opérateurs funéraires, toujours très exigeants, constatent une amélioration des finitions de nos produits.
Ces investissements sont donc nécessaires, utiles et valorisants pour la structure. J’aimerais ajouter un point important. Le remarquable travail de messieurs Canard qui développent nos nouveaux produits. Ces innovations sont le fruit d’études menées en relation avec les opérateurs funéraires, qui constatent également à leur niveau l’émergence de nouvelles exigences des familles. Nous accompagnons ce mouvement, et la fidélité des opérateurs funéraires qui nous accordent leur confiance en est une splendide démonstration" souligne Pauline Valette.
Communiquer, est-ce bien utile ?
Nous aimons bien les questions provocatrices, à Résonance, et celle-ci ne manque pas de faire réagir Pauline Valette. "Je suis très impliquée dans toutes les phases de la communication, donc vous prêchez une convaincue. Cependant, il faut relativiser. Pour bien communiquer, il faut avoir quelque chose de pertinent à dire, et surtout un contexte pour le faire. Si vous n’avez pas grand-chose à dire, autant rester silencieux ou interagir sur un autre registre. Par culture, nous ne nous dirigeons pas vers les grandes démonstrations médiatiques. À cela nous préférons cibler précisément nos interlocuteurs.
J’évoquais supra la fidélité de nos clients. Elle est réelle. Certains sont présents depuis quarante années. Ils accompagnent l’évolution de notre structure et de nos produits. Ils ont connu trois générations de la famille, ils sont des habitués des visites que nous organisons, ils redécouvrent en avant-première le savoir-faire du groupe CANARD. Il y a une véritable relation de confiance. Ça, c’est communiquer intelligemment et à bon escient.
De plus, nous sommes présents sur les salons, une occasion supplémentaire de se retrouver, mais également d’échanger avec nos confrères ou autres concurrents. Si certains s’interrogent sur la méthode CANARD et les raisons de ce succès depuis toutes ces années. Je leur répondrai qu’il s’agit surtout de beaucoup de travail, d’authenticité et de bienveillance. Rester fidèle à nos origines et à nos valeurs. C’est ce qu’aime notre clientèle par-dessus tout", insiste Pauline Valette.
Préserver l’environnement, une démarche globale
"Si vous êtes un authentique professionnel de la filière bois, vous êtes respectueux de l’environnement et des ressources forestières que vous prélevez. Il n’y a pas eu besoin d’attendre le battage médiatique pour faire ce que les générations précédentes nous ont enseigné. Respecter le bois, l’aimer, le valoriser et si nous coupons, nous replantons", souligne Pauline Valette, et d’ajouter : "Maintenant, il y a le traitement du bois en vue d’un produit fini, mais surtout les effets de mode. Nous nous souvenons tous du vernis extrême sur certaines lignes des années années quatre-vingt-dix début deux mille. Tout ceci appartient désormais au passé.
Les vernis sont en très grande majorité des revêtements "à l’eau" pour un rendu mat ou semi-brillant selon les exigences, mais totalement respectueux de l’environnement. L’abandon progressif des plaquages est également une bonne chose, car l’usage des colles incluait également les COV (Composés Organiques Volatils) particulièrement nocifs lors des crémations, mais également imposant le port d’équipements de protection individuelle pour les techniciens d’assemblage.
Je prendrai pour exemple l’application des céruses qui, au groupe CANARD, qui s’applique manuellement par les opérateurs afin d’obtenir une qualité de rendu unique. Ces céruses ont été totalement revues au niveau de leur composition afin de devenir "vertueuses", et nous nous en félicitons. J’aimerais souligner qu’aujourd’hui la problématique environnementale est globale et institutionnelle. Nous mettons en valeur cette éthique que nous partageons avec nos confrères, c’est un effet très positif de notre filière bois que d’ouvrir cette voie respectueuse de l’environnement et que nous partageons comme bien commun. "
L’avenir est en marche
Les enfants des enfants rejoignent le groupe, et c’est ainsi la marche du temps qui s’impose à nous par des idées nouvelles reposant sur une tradition bien établie. Respect du passé et gratitude, manifestation du progrès, ainsi se perpétue le groupe bCANARD qui a accueilli depuis quelques années dans ses rangs trois pépites formées aux meilleures écoles de la tradition. Guillaume aux finances, Franck, son frère cadet, ébéniste accompli, Geoffroy, dont le rôle de chef des opérations et la vocation commerciale s’affirme en complémentarité de ses cousins.
C’est ainsi que naît une dynastie et, bien que le funéraire ait en son sein de nombreuses histoires de familles, celle du groupe CANARD est magistrale par son ampleur, sa pérennité ainsi que par ses perspectives d’avenir avec cette relève. "Je suis fière de contribuer, à ma mesure, à l’écriture de cette histoire, et je suis impatiente de voir la suite", souligne Pauline Valette, et de conclure par : "J’aimerais vous en dire plus, mais chaque chose en son temps. Bien que nous soyons très discrets, nous avançons résolument vers nos objectifs, soyez-en assurés. " Nous restons à votre écoute, Pauline.
Jérôme Maniaque
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
Résonance numéro spécial n°11 - Décembre 2020
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