Si la France s’est arrêtée le 17 mars 2020, la vie quotidienne des Français, dont les aspects douloureux, ne s’en trouva pas modifiée sur le fond. La mortalité en hausse du fait de l’épidémie impacta fortement les opérations funéraires. Tenues de cérémonie, rassemblement familiaux, transport de corps en France ou vers l’étranger… une situation sans précédent émergea rapidement, et obligea les opérateurs à réagir en temps réel pour répondre aux exigences des familles, mais également aux contraintes administratives nouvelles. Rencontre avec Siham Naji et Frédéric Mercier, logisticiens inspirés…
Siham Naji. | Frédéric Mercier. |
Très tôt, le Groupe a porté son attention sur le transport de corps vers l’étranger, ou de l’étranger vers la France. "Sur ce point précis, la réglementation est des plus exigeantes, et varie en fonction des pays. Les contacts téléphoniques ou en visioconférence sont alors nécessaires, et les interlocuteurs doivent posséder la maîtrise de la langue de destination en plus de l’anglais international, et, pour ce qui est du transport de corps, des compétences funéraires certifiées. Ainsi s’est développée ECLIP’S, entreprise du Groupe MATHEZ FREIGHT, sous la conduite de Siham Naji, responsable de la branche", souligne Frédéric Mercier.
ECLIP’S, service funéraire aérien d’excellence
Le rapatriement de corps, bien que répondant aux caractéristiques du fret aérien classique, ne peut être considéré comme un fret conventionnel. Le facteur humain est essentiel et, bien qu’opérant par l’intermédiaire d’un opérateur funéraire, il faut prendre en compte les attentes des familles éprouvées par la perte d’un être cher et ayant des souhaits particuliers comme l’accompagnement de la personne défunte sur un vol commercial. Non, un corps n’est pas un simple colis, c’est une personne défunte qui impose tout le respect et la dignité d’une prestation de transport funéraire.
Le ciel nous est tombé sur la tête
Pour Siham Naji, responsable de la structure ECLIP’S, la voie est toute tracée. "Avant toute chose, nous devons remercier les compagnies aériennes qui sont restées opérationnelles durant cet épisode exceptionnel, grâce à elles, nous avons été en mesure de satisfaire une grande majorité des familles par l’intermédiaire des opérateurs funéraires. Je ne vous cache pas que les premiers jours du confinement ont été extrêmement tendus. Un grand nombre de compagnies se sont arrêtées net, non pas de leur volonté, mais du fait d’obligations au niveau des États, dont certains bloquaient leur accès à certains pays.
Les premiers jours furent mémorables, et jusqu’à la sortie du confinement en France ce fût extrêmement laborieux. "Sans les compagnies aériennes, nous aurions été dans l’impossibilité de satisfaire la demande de transports de corps. Un grand merci notamment à Turkish Airlines, Air France, Air Algérie, et tant d’autres qui se sont mobilisées et qui ont parfaitement compris les enjeux humains liés au deuil des familles. Seule modification notable, les transports de corps sont effectués traditionnellement sur des vols réguliers, et jamais sur vol cargo. Pendant la Covid-19, ce sont les avions-cargos qui furent opérationnels, les vols réguliers étant suspendus. Pour s’en convaincre, le ciel habituellement très fréquenté par les vols commerciaux était désespérément vide."
L’esprit solidaire en temps réel
"Les débuts furent cataclysmiques. Concrètement qu’a-t-il fallu gérer ? Tout, en mode dégradé. 90 % de vols en moins, des consulats qui travaillaient de chez eux, des administrations qui n’avaient pas le droit de toucher un papier alors qu’il nous les faut en original, des embargos aériens, des interdictions de vol des dépouilles ou seulement des cas Covid-19, des vols annulés en pagaille, des compagnies aériennes qui travaillaient de chez elles, des bureaux fermés à destination, l’émergence de cas Covid-19 au sein même des équipes de nos interlocuteurs. Quand tout ce qui peut aller de travers… va de travers…
Faire et défaire a été notre lot quotidien au point qu’il a fallu mettre en place des plans de repli pour les corps bloqués au départ et réorientés vers des caveaux provisoires en attendant la reprise des vols… Bien qu’habitués à supporter des cadences fortes de travail, nous avons dû repenser instantanément nos propres procédures pour les adapter à la crise et garder une longueur d’avance sur elle.
Chose extraordinaire, est apparu un phénomène rare et précieux dans ces instants de doute : la solidarité de l’équipe ECLIP’S, des compagnies aériennes en service, des personnels administratifs et sociétés de manutention au sol restés fidèles au poste dans les différents aéroports internationaux, envers des inconnus, frappés par le deuil et subissant la double peine par le blocage aérien.
Je dois avouer que ces instants furent uniques et émouvants, et que cette solidarité ainsi révélée a eu pour effet de tisser de nouveaux liens pour l’avenir. Cette crise a eu cet effet bénéfique, de rapprocher les bonnes volontés en une communion fraternelle au service de l’intérêt général, un bel exemple d’humanisme, d’écoute, de partage, de patience, mais aussi d’humilité. On avait besoin de tout le monde à ce moment-là, et le monde est venu à nous", souligne Siham Naji.
Quelles leçons tirer de cette crise ?
"Dans chaque crise se trouve une opportunité majeure. Pour le transport aérien, c’est d’avoir compris que le ciel peut nous tomber sur la tête, et c’est exactement ce qui s’est passé. Du jour au lendemain, tout s’est arrêté, mais les besoins, eux, étaient toujours présents. Nous avons frôlé la catastrophe, mais seulement frôlé. Immédiatement nous avons su mettre en œuvre toutes les actions correctives qu’imposait la situation ; immédiatement, nous avons également su développer des actions préventives afin d’anticiper de quelques heures des problématiques extrêmes. Nous avons surmonté nos craintes, nos angoisses, nous avons fait l’impasse sur nos routines quotidiennes pour nous projeter dans un univers accéléré où l’erreur n’était pas possible, où trop de gens comptaient sur nous.
Jérôme Maniaque
Résonance n°164 - Octobre 2020
Résonance n°164 - Octobre 2020
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