L’importation de monuments asiatiques s’est imposée depuis vingt ans sur le marché funéraire français en favorisant des bassins granitiers essentiellement localisés en Inde et en Chine. Qu’en sera-t-il de cette réalité à court terme alors que le granit chinois risque de réserver de mauvaises surprises commerciales et que le granit indien classique sera concurrencé par la production sur de nouveaux bassins d’extraction comme ceux du Rajasthan ?
En vieux routard du monument asiatique, Pascal Claudel (Monustone) nous explique ce qu’il pense de la situation, et comment il se positionne lui-même en ouvrant une usine au beau milieu d’un nouvel eldorado du granit…
Enfonçons tout d’abord des portes ouvertes…
La commercialisation à l’échelle mondiale de monuments fabriqués à proximité des bassins d’extraction de granit s’est imposée progressivement dans pratiquement tous les pays occidentaux. Des circuits commerciaux adaptés se sont mis en place, indépendants parfois ou intégrés dans la politique des distributeurs nationaux. C’est une réalité où la concurrence entre marbriers compte pour beaucoup dès que l’argument du prix est privilégié pour répondre à la demande spontanée du client.
Dans la réalité quotidienne d’un marbrier, la conclusion d’un contrat de vente de monument dépend très souvent (trop souvent ?) et de plus en plus du prix final, même si tel ou tel détail peut faire la différence. Comment conserver le gain d’exploitation tout en se plaçant face à ses concurrents ? En guise de réponse à cette question, la plupart des marbriers se sont tournés vers le monument d’importation pour rester tout à la fois rentables et concurrentiels.
Cette logique repose aussi sur la capacité de proposer une différence d’aspect. Le client peut rechercher un effet de masse et de matière, ou être sensible au travail de gravure ou de sculpture. Bien entendu, il y a aussi l’effet esthétique de la couleur et du veinage quand le granit n’est pas homogène. Parmi les clients finaux, la recherche de sobriété et de simplicité prévaut pour les uns, alors que la volonté de se distinguer ou de marquer le coup motive les autres.
Mais quelles sont les failles possibles du système d’importation des monuments asiatiques quand la proposition du marbrier leur fait la part belle ? La politique commerciale et industrielle de Monustone répond en filigrane à cette question.
Les 4 partenaires et encadrement.
Conception, contrôle, livraison et sécurisation : les quatre piliers du système d’importation
"Contrairement à ce que l’on peut croire, il ne suffit pas de représenter un volume d’achat en Asie. Il faut connaître le terrain et ses interlocuteurs, se faire une réputation à long terme, chausser les bottes dans les carrières et discuter parallèlement avec des financiers…" Pascal Claudel insiste sur la nécessité de se constituer un réseau local avec les professionnels de la pierre et les sculpteurs. Pour répondre avec professionnalisme à la demande des marbriers français, que ce soit en Chine ou en Inde, il est nécessaire de s’appuyer sur des relations solides tissées sur le long terme.
Monustone a débuté au début des années 2000 comme un bureau d’importation implanté en France. La réalité aujourd’hui est très différente : l’entreprise dispose en Inde d’un ingénieur intégré dans ses effectifs et qui parle couramment six langues. Il est les yeux et les oreilles de l’entreprise sur le terrain, notamment aujourd’hui au Rajasthan, où les inconnus ne sont pas accueillis bras ouverts.
Pascal Claudel a installé une chaîne de compétence qui compose avec les kilomètres et les décalages horaires :
- la partie asiatique s’appuie sur une double implantation, Chine et Inde, avec des sculpteurs essentiellement en Inde (4 salariés en Chine, dont un inspecteur, un commercial et deux dessinatrices, 10 salariés en Inde, avec l’ingénieur, 2 dessinateurs, 4 inspecteurs et 3 sculpteurs) ;
- la partie européenne gère la livraison au port d’Anvers et le stockage sur la région lilloise avant livraison sur toute la France. Le siège social, à Cornimont, dans les Vosges, se limite aujourd’hui à l’administratif et au commercial. Il sert d’interface entre les clients français et les antennes asiatiques de conception et fabrication (8 personnes travaillent dans la partie française de Monustone).
Se distinguer des grands importateurs
Pascal Claudel précise que Monustone n’est pas conçue pour répondre prioritairement aux grands comptes. Sa spécificité repose sur des objectifs qui conviennent aux besoins des PME : produire vite, bien, avec une assurance de qualité. Sa relation avec le client repose sur une réactivité maximale, puisqu’il garantit que le monument commandé est fabriqué dans les dix jours maximum suivant la date de la commande.
Rapidité ne veut pas dire en revanche absence de sécurité. Tout dessin est vérifié avant le lancement en fabrication, et quand le monument est réalisé, une photo est prise sur place et envoyée depuis l’Asie au siège vosgien de Monustone. Si une erreur est constatée, elle est rectifiée sous une semaine maximum. Si, au bout du compte, un problème doit être réglé sur le territoire français, un dépannage express est prévu en partance du dépôt de Lille sur toute la France. À tout moment, le client marbrier est associé au parcours du monument, de sa conception à la livraison…
Quelques phrases interceptées dans la conversation :
"Au Rajasthan, les carrières sont nombreuses à ouvrir depuis cinq ans. Pour l’essentiel, la commercialisation s’effectue en tranches de 2 ou 3 cm à destination de la Chine ou des États-Unis. Mais pour celui qui est intéressé par des blocs de brut, il en trouve en granits réguliers et bon marché avec des coloris proches de la production chinoise, mais de meilleure qualité."
"Il y a un virage à prendre, car la filière chinoise va se tarir, et le Rajasthan va offrir une alternative de qualité bon marché face aux granits indiens classiques. Monustone a les moyens de saisir cette opportunité…"
Résonance n° 157 - Février 2020
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