Qui doit prendre en charge les frais de transport du corps donné à la science : donner n’est pas vraiment donner (é) ?
Réponse ministérielle, n° 19569, JO AN Q, du 5 novembre 2019
Voici une intéressante et récente réponse ministérielle sur ce sujet. Le régime juridique du don d’un corps à la science est posé par l’art. R. 2213-13
du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), selon lequel.
Un établissement de santé, de formation ou de recherche ne peut accepter de don de corps que si l’intéressé en a fait la déclaration écrite en entier, datée et signée de sa main. Cette déclaration peut contenir notamment l’indication de l’établissement auquel le corps est remis.
Une copie de la déclaration est adressée à l’établissement auquel le corps est légué ; cet établissement délivre à l’intéressé(e) une carte de donateur, que celui-ci s’engage à porter en permanence.
L’exemplaire de la déclaration qui était détenu par le défunt est remis à l’officier d’état civil lors de la déclaration de décès.
Après le décès, le transport est déclaré préalablement, par tout moyen écrit, auprès du maire de la commune du lieu de décès ou de dépôt. La déclaration est subordonnée à la détention d’un extrait du certificat de décès prévu à l’art. L. 2223-42 attestant que le décès ne pose pas de problème médico-légal et que le défunt n’était pas atteint d’une des infections transmissibles figurant sur l’une des listes mentionnées à l’art. R. 2213-2-1.
Les opérations de transport sont achevées dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter du décès.
L’établissement assure à ses frais l’inhumation ou la crémation du corps réalisée sans qu’il soit nécessaire de respecter les conditions prévues à l’art. R. 2213-33 ou à l’art. R. 2213-35.
Rappelons de surcroît, car le texte ne le précise pas, que l’intéressé(e) doit s’engager à porter en permanence sa carte de donateur et que, selon l’ouvrage "Le Décès à l’hôpital – Règles et recommandations à l’usage des personnels, sous la coordination de Marc Dupont et d’Annick Macrez (Éditions Lammare, "Les guides de l’AP-HP", 1998 p. 285), le donateur pourra à tout moment révoquer sa volonté en déchirant sa carte ; de même, si la carte n’est pas retrouvée au moment du décès du donateur, seule la production de la copie conservée par l’établissement permettra de s’assurer de la volonté du donateur et d’accepter le don.
La question du parlementaire portait alors sur les frais occasionnés par cette pratique ; en effet, si le texte précité prévoit explicitement que l’établissement de santé ou de recherche réglera le coût de l’inhumation ou de la crémation, force est de constater que rien de tel n’est prévu pour le transport du corps vers ce même établissement.
Le gouvernement affirme alors :
"En revanche, aucun régime particulier n’est prévu concernant les frais de transport du corps du lieu du décès vers la faculté. Selon les établissements, ces frais peuvent être mis à la charge du donneur ou de sa famille, qui doivent procéder au paiement par avance. En effet, la démarche de don du corps à la science ne dispense pas pour autant des frais classiques qui sont attachés à tout décès, ni de l’obligation pour la famille du défunt d’y pourvoir, éventuellement grâce à l’actif de la succession (art. 775 du Code général des impôts et art. 806 du Code civil).
Une telle participation financière n’entre pas en contradiction avec l’idée du don. Au contraire, elle constitue une garantie du respect des principes de gratuité du don et de non-patrimonialité du corps humain. La prise en charge de ces frais propres à tout décès par l’établissement ou la collectivité risquerait de remettre en cause le caractère désintéressé du don et n’apparaît donc pas souhaitable."
Il est alors notable de relever que, par le passé, il en estimait tout autrement : "L’art. R. 363-10 du Code des communes stipule que l’établissement d’hospitalisation, d’enseignement ou de recherche, qui accepte un don de corps à la science, doit assurer à ses frais l’inhumation ou la crémation du corps. Par ailleurs, la loi n° 93-23 du 8 janvier 1993 relative a la législation funéraire a intégré, par l’art. L. 362-1 nouveau du Code des communes, le transport de corps avant mise en bière dans les opérations de pompes funèbres.
De ce fait, le transport de corps avant mise en bière fait partie des funérailles et doit être pris en charge par les établissements d’hospitalisation, d’enseignement ou de recherche. Les facultés de médecine, qui sont les principaux établissements receveurs de dons du corps à la science, doivent respecter la réglementation. Toute personne qui s’estimerait lésée par les agissements des établissements recevant les dons du corps est en droit d’engager une action devant les tribunaux compétents." (réponse parlementaire n° 24046, 8 mai 1995).
Il est malgré tout tentant d’identifier ces frais comme une limite importante à ces dons. Nous avouons pour notre part avoir du mal à y distinguer un caractère intéressé, car il ne s’agit pas pour les familles de réaliser un profit, mais uniquement de s’éviter des frais ; on augure alors que cette position doit participer à une certaine raréfaction des corps dont la Faculté a pourtant indubitablement l’utilité et l’on ne peut que relever que, paradoxalement à l’idée défendue par le gouvernement de non-patrimonialité du corps humain, les mêmes établissements n’hésitent pas, parfois, à facturer (et même fort cher) l’utilisation de ces corps aux groupes privés organisant des présentations, par exemple, de dispositifs chirurgicaux.
Philippe Dupuis
Consultant au Cridon, chargé de cours à l’université de Valenciennes, formateur en droit funéraire pour les fonctionnaires territoriaux au sein des délégations du CNFPT
Résonance numéro spécial n° 9 - Décembre 2019
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