Nous ne pouvons pas ignorer l’émergence de ce que nous appelons communément le "cercueil en carton" mais qui, en réalité, est un cercueil en "fibres de cellulose recyclée". De phénomène totalement marginal, il est devenu en quelques années seulement un produit 100 % homologué, apportant toutes garanties de sérieux en matière de conception et de fabrication. Petit à petit, ce cercueil fait son chemin dans la conscience de celles et ceux, nombreux, qui font de la protection de l’environnement une priorité existentielle. Qu’en est-il réellement ? Questions et entretien avec Martine Saussol et Pascal Défossé, associés fondateurs d’ALTERCO®…
La problématique environnementale est désormais ancrée au sein des entreprises comme de notre société civile. Il ne se passe pas une journée qui ne soit ponctuée d’une catastrophe à petite ou grande échelle, que ce soit en France ou à l’extérieur. Cette préoccupation écologique prend des formes variées, et peu importe la disposition prise ou bien son importance, ce qui compte réellement est de contribuer chacun à sa mesure à mettre en œuvre un système vertueux qui réduise l’impact environnemental de nos modes de vie.
S’imposer avec pertinence
Martine Saussol et Pascal Défossé, créateurs et associés à parité de la société ALTERCO®, font la promotion depuis quelques années de nouveaux types de cercueils construits, soit par pliage et assemblage de panneaux de cellulose selon le procédé breveté LifeArt®, ces modèles étant imprimables et personnalisables, soit par montage composite avec un bois de placage permettant de réduire l’épaisseur de bois noble décoratif à moins de 1 mm (cercueils EcoCerc®).
ALTERCO® est un acteur majeur de l’économie circulaire et de la transition écologique et n’utilise que des produits à recycler, tracés et de première qualité. Comme chaque nouveau produit qui bouscule quelque peu les habitudes des prescripteurs, ce type de cercueil a peiné à se faire connaître sur un marché où les constructeurs et distributeurs ne manquent pas.
Aujourd’hui, la donne est différente et les cercueils ALTERCO® rencontrent les faveurs du public, ce qui ne manquera pas d’influer sur les pôles de distribution en direction des opérateurs funéraires. "La route fut longue et semée d’embûches", souligne Martine Saussol, et d’ajouter : "Notre action pédagogique sur le terrain porte ses fruits, grâce notamment aux réseaux sociaux, de même qu’avec les tissus associatifs qui furent nos premiers prescripteurs et qui, aujourd’hui encore, nous permettent de convaincre nombre d’opérateurs funéraires de la pertinence de notre concept avec les produits que nous commercialisons et les solutions innovantes que nous testons actuellement.
Certifier avec pertinence
Pour Pascal Défossé, tout est question de conformité pour être autorisé à commercialiser des produits réglementés : "Il est à noter que jusqu’au 8 novembre 2018, date de publication du décret
n° 2018-966 sur les cercueils, il restait un vide que l’ancien système d’agrément ministériel, qui ne s’attachait qu’aux matériaux de cercueils, ne parvenait pas à combler".
Le matériau utilisé pour les cercueils EcoCerc® avait fait l’objet d’un agrément ministériel en janvier 2015 qui avait été délivré sur la base d’une évaluation de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail) qui, depuis juillet 2012, intégrait dans son protocole d’analyse les matériaux de cercueils ainsi que l’examen des caractéristiques des cercueils, que ce soit en matière mécanique, mais également en matière de comportement lors de la crémation.
Pour émettre un avis favorable préalable à un agrément, l’ANSES imposait alors que le cercueil respecte la norme NF D80-001 (partie 1 et partie 3). L’évaluation intégrale du cercueil EcoCerc® avait alors été effectuée par le Laboratoire FCBA (Institut Technologique Forêt Cellulose Bois-construction Ameublement), accrédité COFRAC, ce laboratoire étant le seul habilité à apprécier la conformité des cercueils à cette norme.
Cette norme lui permet de revendiquer aujourd’hui son accréditation conformément aux dispositions de l’arrêté du 20 décembre 2018. Conforme aux articles R. 2213-25-2 et R. 2213-25-1 du CGCT, le cercueil EcoCerc® est donc commercialisable au-delà du 1er juillet 2021, la date limite normalement prévue pour les cercueils revendiquant l’emploi d’un matériau agréé avant le 8 novembre 2018.
Le cercueil LifeArt® a fait l’objet en décembre 2015 d’une évaluation par le laboratoire FCBA qui a permis d’établir sa conformité à la norme NF D80-001 (partie 1). Il est aujourd’hui également commercialisable sur le marché français.
Investir avec pertinence
Les cercueils LifeArt® sont produits pour l’instant au Royaume-Uni, et les effets du Brexit n’auront aucun impact sur l’approvisionnement. Toutefois le véritable projet ALTERCO® se doit de prendre une nouvelle dimension. Compte tenu de la demande croissante, et afin de satisfaire les exigences de proximité cohérentes avec la nature des produits, la société ALTERCO® procède actuellement à une levée de fonds dont l’objectif est notamment la création d’une unité de production 100 % française, y compris pour les cercueils EcoCerc®.
"Je ne vous cache pas que le concept intéresse des investisseurs hors CEE qui y voient surtout une occasion de pénétrer le marché avec leurs produits. Nous souhaitons que le tour de table reste français, tout simplement parce que nous souhaitons devenir et rester des acteurs cohérents du marché funéraire hexagonal. Nous sommes des partenaires complémentaires de ce marché, certes sur un nouveau segment, mais qui procèdent de la même logique, de la même culture", insiste Pascal Défossé.
"Le temps presse, car nous entrons en phase conclusive, de même que nous devons également assurer la couverture de nos risques. Il nous appartient donc de prendre des décisions qui engagent sur le long terme et que nous souhaitons vivement être en conformité avec nos aspirations. La frilosité et les a priori ne sont pas de mise, nous sommes sur un business model efficient et nous cultivons la transparence. Nous savons qu’il existe en France des fabricants distributeurs de même que des investisseurs majeurs avec lesquels nous pouvons, nous en sommes assurés, bâtir un avenir partagé." Le message est, nous semble-t-il, bien passé auprès des investisseurs et industriels français…
Développer avec pertinence
Aujourd’hui, ALTERCO® avec ses 2 marques représente environ 1 500 cercueils diffusés principalement auprès d’opérateurs funéraires, dont une majorité sur demande expresse de la famille ou dernières volontés exprimées. Ce chiffre en croissance exponentielle reflète une prise de conscience d’un segment de population qui a essentiellement fait le choix de la crémation et qui souhaite un produit de faible impact environnemental.
Bien que la filière bois soit sérieusement gérée en France et que les fabricants se soient adaptés aux nouvelles exigences des populations, la demande est bien réelle et appelle des réponses rapides notamment depuis que celles-ci prennent conscience que même nos forêts européennes courent un grave danger avec les attaques d’insectes et de champignons inconnus jusqu’alors ou encore avec le stress hydrique résultant de la sécheresse qui, avec le réchauffement climatique, affectent chaque année toujours plus d’arbres sains.
Pour Martine Saussol, les habitudes évoluent rapidement : "Il y a 5 ans en arrière, lorsque vous évoquiez le nom du cercueil en cellulose, l’accueil était plus que réservé et les blocages étaient nombreux. La certification du produit aidant et la prise de conscience environnementale font qu’aujourd’hui le grand public est le premier prescripteur. Nous sommes sur une demande exponentielle et pérenne, pas sur une passade". Et d’ajouter : "Des crématoriums de renom, notamment celui du Père-Lachaise, acceptent nos produits depuis plusieurs années, et surtout aujourd’hui, plus rien ne permet de refuser leur crémation dès lors que le cercueil remplit toutes les exigences normatives imposées par le législateur".
L’impact positif environnemental est réel, nos produits ne contiennent pas de métaux lourds, ne produisent pas de fumées noires en crémation et, en matière de rejets atmosphériques, produisent 3 fois moins d'oxydes d’azote (NOx) que les cercueils en panneaux de particules. À une époque où l’environnement passe en tête des préoccupations des Français, le concept ALTERCO® est assurément plus que pertinent.
Jérôme Maniaque
Résonance n° 155 - Novembre 2019
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