Les pompes funèbres : avant tout des entreprises familiales et indépendantes, fières de l’être et qui défendent leurs valeurs ?
Regroupons-nous pour pérenniser l’indépendance de nos entreprises Face à la mutation de notre profession, à l’arrivée du monde financier et aux nouvelles façons de consommer notamment avec l’émergence du digital et d’Internet, il est important que les indépendants soient conscients qu’il est indispensable de nous regrouper pour faire face à ces menaces. Si nous voulons préserver la qualité de nos services et nos entreprises indépendantes, il est urgent que nous en prenions conscience et nous organisions, ensemble, pour ne pas nous mettre demain à la merci de grands groupes. |
Être un opérateur funéraire indépendant en 2019
Les entreprises indépendantes représentent aujourd’hui près de 60 % des parts de marché du secteur des pompes funèbres. Ces entreprises, souvent familiales, se transmettent de génération en génération. La transmission se fait naturellement, à des hommes et des femmes de terrain, empreints au quotidien des valeurs essentielles à l’accompagnement des familles endeuillées : des valeurs humaines en priorité, comme l’empathie, la compassion, le respect, la disponibilité, mais aussi des valeurs entrepreneuriales d’efficacité et de qualité. Avec un point commun, me semble-t-il : la passion du métier. C’est cette passion qui m’anime personnellement, et qui me permet de répondre aux défis quotidiens de notre profession.
Le désarroi de la mort
La mort fait partie de la vie, certes, mais la perte d’un être cher n’en demeure pas moins une épreuve qui entraîne, Elle peut être très rude et vécue comme une injustice quand elle survient de façon soudaine ou brutale. Et face à cette mort qui dérange, nous, les "croque-morts ordinaires" (ou "améliorés"), comme le dit avec humour Georges Brassens, on nous colle une mauvaise image : nous sommes des "profiteurs"… Face à une telle idée fausse, nous nous devons d’opposer notre conscience professionnelle en restant convaincus de l’incontournable nécessité de notre pratique, de notre service et du respect intransigeant à y apporter.
De l’inquiétude pour l’avenir
Allons-nous pouvoir encore dans le futur dispenser des services de qualité ? Un phénomène particulier se dessine depuis un certain temps dans le paysage funéraire : la financiarisation des acteurs. La croissance "naturelle" attendue de notre secteur d’activités s’avère très attractive...
Aujourd’hui, près de 22 % des funérailles sont préfinancées au travers d’un contrat, ou d’une convention obsèques, souscrit auprès d’organismes financiers : mutuelles, assureurs, banques... Demain, nous passerons le cap de 50 %, et peut-être que, dans un futur pas si lointain, la majorité des décès seront préfinancés, comme on peut l’observer de nos jours en Espagne.
L’anticipation du contrat obsèques : un avantage pour les familles des défunts ?
Sans réelle visibilité, nombre de sociétés de pompes funèbres sont rachetées par des gros groupes, des réseaux ou des franchiseurs. Ils conservent le nom de l’entreprise familiale, ce qui laisse à penser aux familles qu’elles ont affaire à leur entrepreneur de proximité.
Or, c’est essentiellement avec les grands groupes et les réseaux que les organismes financiers négocient prioritairement les contrats obsèques. Je crains fort qu’en s’amplifiant dans les années à venir, cette mainmise sur le secteur ne devienne un monopole caché qui risque surtout de dénaturer le service funéraire authentique.
Des conséquences néfastes ?
- À l’égard des familles qui souscrivent :
Que ce soit pour garantir leurs volontés ou garantir la tranquillité de leurs proches, les personnes qui anticipent leur décès ignorent la plupart du temps qu’elles ne contractent pas directement avec un opérateur funéraire, mais avec un organisme financier qui propose des contrats sans disposer de la réelle connaissance des rouages du métier.
La plupart du temps, il y a un décalage perturbant lorsque le décès survient, entre la réalité du moment du deuil et ce qui a été prévu par des "non-professionnels du funéraire", tant sur le plan de l’organisation qu’en matière de capital nécessaire pour couvrir l’ensemble des opérations.
C’est alors le temps des désagréments et des plaintes de la famille, qui très souvent retombent sur le dos des entrepreneurs funéraires. Et, plus problématique encore, les familles ignorent tant à la souscription qu’à la réalisation du contrat qu’une commission sera prélevée sur le capital par des intermédiaires.
- À l’égard des opérateurs funéraires :
Devant cette "captation" croissante du marché, rester une entreprise indépendante et sérieuse relève du défi. Si je ne réagis pas, si nous ne réagissons pas, l’avenir de nos entreprises indépendantes devient fortement fragile. Pour ma part, je refuse que notre entreprise familiale, gérée en harmonie par la troisième et la quatrième génération d’entrepreneurs, passe sous le joug des banquiers et autres intermédiaires... Je suis convaincue aujourd’hui que nous devons réagir, car nous pouvons encore enrayer cette évolution, et même tirer profit de la situation. Mais pour cela, nous devons nous organiser, nous, les opérateurs indépendants et convaincus.
Alors, faire autrement ?
Eh bien oui, j’ai décidé de m’investir pleinement dans une structure que nous avons créée avec des confrères qui partagent les mêmes valeurs humaines et d’engagement de notre profession : le "GOFI", Groupement des Opérateurs Funéraires Indépendants.
Devrais-je plutôt dire regroupement des opérateurs funéraires indépendants
En protégeant l’identité indépendante et familiale des entreprises, le "GOFI" a aussi pour objectif de préserver le respect et la dignité des familles et de leurs défunts. C’est dans ce sens que nous avons rédigé une charte de qualité qui met en avant les notions de proximité, de respect des volontés, de qualité de services, de qualité des infrastructures et de liberté de choix des familles. L’outil "GOFI" que nous avons mis en place se veut avant tout une organisation qui requiert de travailler dès aujourd’hui en bonne intelligence et en complémentarité de nos compétences et de nos infrastructures.
Si le secteur financier prétend générer les meilleurs ratios économiques, notre pôle funéraire indépendant revendique de détenir les véritables savoir-faire et savoir être pour les funérailles et les familles en deuil. Pour que, demain, notre indépendance ne soit pas une faiblesse, mais notre force et notre fierté, il me semble indispensable que nous nous regroupions en nombre et rapidement au sein d’une entité qui préserve les valeurs humaines et entrepreneuriales d’une profession si particulière et, somme toute, plutôt difficile.
Le "GOFI" a été créé et est géré par des opérateurs funéraires indépendants, et c’est la condition sine qua non pour y adhérer. Outre cette exigence, notre structure est très peu contraignante, chaque membre du "GOFI" est pleinement acteur et responsable dans l’organisation et les décisions. Et toujours, il demeure "le patron chez lui", maître de son image, de ses finances, de ses fournisseurs et de son entité.
Le "GOFI" est la première et l’unique base de données répertoriant toutes les entreprises indépendantes qui s’y sont inscrites afin de constituer un maillage complet sur le territoire français en matière d’infrastructures. Cette base de données va permettre de mutualiser les moyens structurels, humains et matériels de ses membres afin de créer un outil de travail qui deviendra la réponse incontournable aux besoins des différentes institutions en matière de réquisitions de transports de corps, de plans décès massifs. Mais, bien au-delà, il permettra de répondre aux besoins des familles qui, du fait de leur éclatement géographique et compte tenu des nouveaux modes de vie, cherchent des réponses via le Web ou d’autres canaux.
Pour appuyer cette mise en avant des infrastructures des membres, le "GOFI" s’appuiera sur un véritable "Label", qui lui-même repose sur les véritables valeurs professionnelles qu’incarnent les opérateurs indépendants.
De manière plus fondamentale, le "GOFI" a également pour objectif de devenir un interlocuteur de référence (valide et incontournable) pour négocier de façon plus équitable avec les organismes de prévention financière…
Cette indépendance…
Je tiens à rappeler, pour finir, ce qui m’habite depuis que j’ai commencé, il y a maintenant 33 années dans le secteur funéraire : être un opérateur funéraire indépendant, c’est refuser les cérémonies stéréotypées, des réceptions de famille sans cœur et sans âme. C’est refuser que l’on nous impose des fournisseurs ou des articles à vendre dans nos agences. C’est refuser de donner des royalties sur nos chiffres d’affaires. C’est refuser que l’on nous impose une charte graphique ou un logo, des coloris ou du mobilier, des façons de procéder…
Je pratique avec sincérité, sérieux et conviction cette indépendance, mais je me sens aussi très désireuse de partager, avec les familles comme avec mes confrères et consœurs qui le veulent, les grandes forces et les valeurs associées à cette indépendance.
Valérie Touchard
Présidente du "GOFI"
Résonance n°150 - Mai 2019
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