Il est toujours agréable de saluer la naissance d’un confrère, ce qui démontre la vitalité de notre profession, mais surtout les attentes des populations dans la prise en charge et l’accompagnement lors des inévitables prestations funéraires qui jalonnent notre existence. Apporter un supplément d’âme à cet épisode douloureux est le postulat de Thierry Roca, fondateur de "Les Artisans du Passage", entreprise basée à Luc-la-Primaube en Aveyron, en périphérie immédiate de Rodez. Entretien…
Résonance : Quelles sont les motivations qui vous ont conduit à envisager la création d’une entreprise funéraire ?
Thierry Roca : J’ai exercé durant de longues années dans le domaine du transport ambulancier où j’ai développé ma propre entreprise. Ma situation personnelle évoluant, j’ai été amené à repenser mes orientations et, après une période transitoire, toujours dans l’univers du transport ambulancier et funéraire, j’ai décidé de m’investir avec une vision de l’entreprise de pompes funèbres à laquelle je crois profondément, c’est-à-dire aller plus loin que la simple prestation obsèques, et me consacrer également à l’accompagnement post-obsèques.
Régine Flaujac et Thierry Roca.
R : Ce type de prestation est très prenante, comment concilier les deux facettes, funéraire et post-obsèques, pour une PME ?
TR : Vous avez raison de souligner ce point. Oui, la préparation des funérailles, la prise en compte des attentes de la famille, mais également les besoins du corps de la personne défunte nous imposent une attention de chaque instant. Nous apportons à cet égard les prestations habituelles de fourniture de produits et de services funéraires, et faisons appel à des soins thanatopraxiques par des spécialistes sur demande des familles.
Nous ne disposons pas de chambre funéraire, notre entreprise est somme toute très récente, mais la région est pourvue d’équipements de ce type. Notre service, vous l’aurez compris, est de proximité. Le bassin de population est de l’ordre de 15 000 habitants et nous occupons un espace resté vide du point de vue funéraire. L’accompagnement post-obsèques est d’une autre nature. Certaines personnes sont fortement touchées par la perte d’un être cher, et ont besoin d’une écoute et d’un partage qui va les soulager peu à peu de ce choc violent.
R : De quelle façon intervenez-vous dans ce processus ?
TR : Tout d’abord, cette prestation est facultative, bien entendu. De même que dans d’autres régions vous avez des associations d’écoute des endeuillés, "Les Artisans du Passage" proposent une relation personnalisée avec celles et ceux qui en éprouvent le besoin. Cette relation est basée sur l’écoute, la création de liens de confiance, pour ensuite déboucher sur un échange qui doit apporter sérénité et bien-être à la personne en deuil.
Parler pour évacuer ce trop-plein de souffrance est salvateur et marque une étape importante dans le processus du deuil. Je collabore avec Régine Flaujac, qui est connue dans notre région pour d’autres talents interpersonnels, notamment ceux de magnétiseuse. Les résultats obtenus peuvent interroger d’un point de vue scientifique et cela fait d’ailleurs encore l’objet de nombreuses recherches, notamment concernant l’électromagnétisme, mais toutes les personnes ayant eu recours à cette pratique singulière en éprouvent un soulagement certain. Ce qui importe, c’est de créer un lien indispensable à l’accompagnement de la personne, qui peut durer de quelques semaines à quelques mois, selon des séances de plus en plus espacées.
J’insiste sur le fait que cette pratique est absolument du libre choix de la personne endeuillée, qu’elle n’est en rien imposée et qu’elle se fait de façon éclairée. Pour les esprits cartésiens, je dirais qu’en Aveyron et dans les départements limitrophes, plusieurs personnes font appel à des prestataires de cette nature.
R : Le nom "Les Artisans du Passage" est prémédité, je suppose ?
TR : Bien sûr. Notre société moderne a oublié un certain nombre de ses repères, notamment en matière funéraire, les rituels des temps anciens, la solidarité des familles et l’accompagnement du conjoint survivant. La mort est un processus naturel, comme une naissance. C’est un passage vers l’inconnu, mais un passage auquel nous ne pourrons nous soustraire. Vouloir, non pas être des industriels de la mort, mais des artisans à l’écoute des familles et des transmetteurs de valeurs et de traditions a toujours été notre ambition. Pour ce faire, nous puisons dans le plus profond de notre sensibilité afin d’apporter le meilleur à celles et ceux qui nous font confiance.
D’autres approches parallèles existent aujourd’hui comme l’hypnose qui a fait une entrée remarquée dans certains blocs opératoires. Caractérisée par une approche souple, indirecte et non dirigiste, celle-ci a donné naissance à de nombreux courants de psychothérapie moderne : thérapie familiale, thérapie brève, programmation neurolinguistique (PNL)…
Milton Erickson (1901-1980), praticien de l’hypnose, relevait à ce sujet : "Vous ne contrôlez pas le comportement d’une quelconque autre personne. Vous apprenez à le connaître, vous aidez les patients en l’utilisant, vous aidez les patients en les dirigeant de telle façon qu’ils rencontrent leurs besoins, mais vous ne travaillez pas avec les patients pour atteindre vos propres buts. Le but est leur bien-être, et si vous réussissez à obtenir leur bien-être, vous touchez directement votre propre bien-être."
Jérôme Maniaque
Résonance n°147 - Février 2019
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