À l’angle discret de deux allées du dernier salon FUNÉRAIRE PARIS, au Bourget, une surprise : deux cercueils design à l’allure inhabituelle posés dans un petit espace chaleureux, et en son centre l’artiste et horloger (pendant 35 ans) Vincent Bérard, aujourd’hui décorateur d’intérieur.
Étonnante rencontre avec le funéraire, pour Vincent Bérard, ce créateur d’une marque suisse haut de gamme reconnue, qui vendait encore en 2009 une montre rouge sur mesure (dans son boîtier en or) à Ronnie Wood, le guitariste des Rolling Stones.
Autoproclamé "Compagnon du Temps", celui qui a porté haut l’artisanat d’art, spécialisé dans les grandes complications horlogères fabriquées à la main, d’abord restaurateur d’horlogerie ancienne, a fondé en 2003 sa propre manufacture helvétique à la Chaux-de-Fonds, dans les montagnes jurassiennes. Rachetée en 2006 par le groupe Timex, le géant américain du secteur, la marque Vincent Bérard a développé sa notoriété aux États-Unis, au Japon, en Inde, à Hong Kong ou au Moyen-Orient, produisant une centaine d’unités par an. Un mot d’ordre : pas question de refaire ce qui existe déjà, mais plutôt d’innover.
Tourné désormais vers la décoration
La crise économique a eu finalement raison de la manufacture suisse. Vincent Bérard, également peintre et plasticien, a repris sa liberté et s’est tourné vers la décoration d’intérieur. "Je produis divers objets comme du mobilier, des paravents, des luminaires. J’ai toujours baigné dans la décoration, explique-t-il. Mon père était décorateur, et du côté de ma mère nous sommes encore fabricants de peinture.
Pendant mes études de restaurateur en horlogerie ancienne, j’ai aussi étudié l’histoire des styles et de l’art." Il propose ses créations par le biais des magasins familiaux Ressource Marchand de couleurs (coloristes, tissus, papiers peints...), présents à Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Monaco.
"Ma production de cercueils découle forcément de cet environnement, notamment par le choix de tissus d’ameublement choisis parmi de grandes marques françaises, mais aussi du désir de montrer que le travail manuel de haut niveau a encore une belle aura dans notre société." Vincent Bérard poursuit : "La décoration est un pan de mon travail, parce que tout objet participe finalement à un décor. Les arbres décorent la forêt, leur bois décore la chambre mortuaire. Si je prétends être artiste, c’est aussi parce que j’ai la liberté de créer dans tous les domaines qui me passionnent." Et cette liberté, il l’a donc appliquée à l’objet cercueil, s’interrogeant sur ce que lui-même souhaiterait pour lui, n’étant pas très séduit par la production classique.
"J’y travaille dans mes ateliers depuis deux ans. J’ai réalisé quatre modèles de cercueils. Je compte en fabriquer une dizaine par an, des pièces uniques à chaque fois, en les proposant à mes relations. Reste à convaincre les pompes funèbres." Visiteur l’an passé du salon Funexpo de Lyon, l’artisan a observé ce qui s’y pratiquait. Il souhaite demeurer dans le haut de gamme, à l’image de l’horloger qu’il a été, présentant ses modèles design au couvercle arrondi, parfois ondulé à la toupie. Du chêne doté de poignées en aluminium éloxé (pour l’association de couleurs). "Toute la mécanique et les bouchons pour cacher les vis sont faits main. Quant au velours de soie, c’est du tissu de la maison Pierre Frey (draperies, rideaux, fauteuils), de l’étoffe d’ameublement haut de gamme là aussi. Montres, cercueils : l’artisan s’inscrit aujourd’hui encore et plus que jamais comme "Compagnon du Temps".
Olivier Pelladeau
Résonance hors-série n°5 - Décembre 2017
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :