Ces dernières années, la formation a connu de nombreux changements et développements. Après une jeunesse parfois tumultueuse, celle-ci va aujourd’hui vers une certaine maturité avec la très sérieuse qualification OPQF(1), et connaît un contexte économique favorable où existe un besoin en recrutement croissant chez les pompes funèbres qui souhaitent avoir des postulants diplômés des "meilleures écoles"…
Florence Fresse, directrice pédagogique de l’E.NA.ME.F. |
Cela implique une toujours plus grande qualité dans le contenu des formations, toujours plus de rigueur et de compétences de la part des formateurs, issus du terrain, mais ayant acquis les outils pour transmettre leurs savoirs. Nous nous sommes adressés à Florence Fresse, directrice pédagogique de
l’E.NA.ME.F. (École NAtionale des MÉtiers du Funéraire), pour échanger sur ces différents aspects où sont impliqués les savoir-faire du centre formateur et ses intervenants… et la capacité à innover pour répondre aux actuelles et futures mutations de la profession.
Petits rappels conjoncturels
Si les mesures gouvernementales, sous le précédent mandat présidentiel, avaient généreusement favorisé le financement des formations, la donne a changé, et aujourd’hui, le montant maximal octroyé pour les frais de formation est de 1 500 €. Ce qui, sur une formation diplômante de conseiller funéraire de 140 heures par exemple, met l’heure de formation à 10,70 €. Cela n’est bien sûr pas suffisant pour avoir des intervenants de qualité. La barre de rémunération est plus couramment située autour des 20 €.
L’une des conséquences immédiates de cette moindre participation de l’État a été de faire baisser le nombre de stagiaires aux différentes sessions, celles de l’E.NA.ME.F., comme d’ailleurs celles des autres écoles. Le problème qui en découle est un manque crucial de candidats formés postulant aux différents postes à pourvoir dans de nombreuses entreprises de pompes funèbres.
"Nous mettons des offres d’emploi quasiment tous les jours en ligne, notamment sur la page Facebook de l’école, mais nous n’avons pas de retour. Les métiers du funéraire sont des métiers d’avenir, sauf qu’il n’y a personne pour occuper tous les postes disponibles. Beaucoup d’agences travaillent en flux tendu, mais elles ne trouvent pas de jeunes diplômés à recruter. Côté Pôle Emploi, ils envoient des candidats que pour des formations à 1 500 € maxi", indique Florence Fresse.
Tirer la formation vers le haut
"Ce qui fait aujourd’hui notre savoir-faire (et notre spécificité), c’est que nos formateurs sont des professionnels de terrain, en exercice dans leurs entreprises quand ils n’interviennent pas en stage ; que certains d’eux ont passé une équivalence ou effectué une formation de formateur. Ce qui a permis de répondre aux exigences de l’OPQF (Office Professionnel de Qualification des Organismes de Formation) et d’obtenir la qualification(2) afférente. C’est une labellisation importante pour nous, car leurs critères sont rigoureux, sérieux avec audit et contrôles réels."
La mise en place de cette certification OPQF va permettre petit à petit de tirer les organismes de formation vers le haut. Néanmoins, tout n’est pas réglé, et un contrôle régulier devrait être mis en place, réalisé par les préfectures, si on leur en donne les moyens. En effet, il faut savoir qu’il suffit toujours d’effectuer sa déclaration initiale d’activité auprès du préfet de région pour avoir son numéro d’inscription en tant que formateur.
L’importance de l’expertise "terrain"
"Au-delà de ça, la question est "pourquoi nous formons ?". Soit nous formons pour que les gens aient une vision de terrain et donc – pour être cohérents – cela est transmis par des professionnels en exercice, soit cela est fait par des formateurs qui ne connaissent pas les métiers du funéraire mais qui seront experts en législation, réglementation. Mais ils n’auront pas les clés pour une application concrète sur les pratiques spécifiques du funéraire. Par exemple, pour mettre en place un caveau dans un cimetière, il faut remplir une demande d’autorisation de travaux, et il est conseillé de le faireau moins 48 heures à l’avance afin de pouvoir se retourner en cas de refus... Ça, seul un professionnel le sait."
À l’E.NA.ME.F., les intervenants sont dans leur entreprise toute la semaine, sauf le jour où ils enseignent à l’école. Ils sont, en permanence, confrontés à la réalité de leurs métiers. Ils ont chacun un savoir-faire particulier, que ce soit dans la crémation avec un gestionnaire de crématorium, dans la réglementation des cimetières avec un responsable qui s’occupe de ceux de sa ville, dans la réglementation commerciale avec un expert-comptable, dans le droit strict avec un avocat qui plaide des affaires funéraires, etc. Cela a, entre autres, pour conséquence qu’un élève, sortant d’une session de conseiller ou de maître de cérémonie, soit est persuadé qu’il est fait pour ce métier, soit se rend compte que cela ne lui correspond pas.
Le rôle central du maître de cérémonie
La psychologie a pris une place importante, et le maître de cérémonie joue un rôle essentiel dans le déroulement des obsèques. Le texte qu’il dira lors de la cérémonie aura une importance primordiale et doit être impérativement choisi avec la famille, le plus personnalisé possible par rapport au défunt ou à ce que souhaitent les proches... Et surtout ne pas sortir d’un classeur avec des écrits type et banals. D’autant plus que, pour la crémation, la cérémonie est la seule étape disponible pour aider à construire le deuil et à avancer dans celui-ci. Elle l’est aussi pour l’inhumation ou la crémation, où les cultes sont devenus moins présents et où c’est aux pompes funèbres de prendre le relais.
"Le cercueil est pareil partout, que ce soit chez un indépendant, dans un grand ou un petit réseau. Ce qui fera la différence à chaque fois, ce sont les services, la personnalisation et la qualité de la prestation en général avec un vrai savoir-faire, où les spécificités "locales" seront prises en considération. Éviter à tout prix la standardisation. C’est donc aux centres de formation d’enseigner toutes ces manières de faire, de donner à croire en l’importance de la psychologie et du rôle social des métiers funéraires."
Il faut se rendre compte également à quel point une formation est un bénéfice pour l’entreprise et pour le salarié (actuel ou futur), pour le confort et la sérénité de son travail. "C’est d’ailleurs pour cela que je n’ai jamais enlevé de l’en-tête de l’E.NA.ME.F. : association pour la formation et le développement personnel. Je trouve ce dernier élément très fort, car cela signifie que l’apprenant est aussi là pour apprendre des choses de lui-même.
C’est là, et nous conclurons ici, que rentre aussi en compte l’innovation, avec notamment une réflexion sur les nouveaux modes d’apprentissage. Dans une suite logique du développement personnel, apparaît un moyen de transmission de la connaissance et de la culture, issu d’un acte volontaire de l’individu, c’est la lecture et ses ressources fournies par la bibliothèque. "Nous l’avons créée au printemps (voir Résonance n° 129 d’avril 2017), comme un outil pédagogique complémentaire de la formation. Immédiatement, les stagiaires ont été intéressés, et ont pu, par un système de prêt classique, emprunter des ouvrages. Il y a même d’anciens stagiaires, qui se sont éloignés de Paris pour le boulot, qui regrettent de ne plus y avoir accès."
Gil Chauveau
Nota :
(1) L’OPQF a été créé en 1994 à l’initiative du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Formation professionnelle et de la Fédération de la Formation Professionnelle (FFP).
(2) La qualification OPQF s’adresse à toutes structures exerçant une activité de formation professionnelle continue, quels que soient leur statut, leur taille, leurs domaines d’activité, la nature de leur clientèle et leur ancienneté. Les critères sont consultables sur isqualification.com
Résonance hors-série n°4 - Août 2017
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