Serge Clapier se décrit lui-même comme un passionné. Un moderniste qui veut vivre avec son temps, et tant mieux s’il a en plus dans ses cartons quelques projets d’avance. Le patron de l’entreprise Personifia, à Nîmes, voit le milieu du funéraire évoluer plus lentement que la société et les demandes nouvelles des familles.
Serge Clapier. |
Pour Serge Clapier, pas d’alternative : "Ceux qui ne suivront pas vont disparaître."
Alors il est nécessaire de se différencier, en répondant à ce souhait croissant de personnalisation des obsèques. Lui qui enrobe déjà les cercueils de vinyles aux motifs géographiques ou thématiques propose désormais également aux pompes funèbres un "cercueil Signature". Un rendu d’ardoise sur un revêtement vinyle là encore, que les proches du défunt viendront signer d’un dernier mot, d’un dernier dessin.
"Grâce à un marqueur blanc, l’inscription résiste notamment à l’eau, si vous vous trouvez dans un cimetière un jour pluvieux, explique Serge Clapier. Ce n’est pas le cas de la craie. Ce cercueil, en chêne ou en pin, pour inhumation ou crémation, nous le testons depuis novembre dernier au crématorium de Montpellier. Nous l’avons laissé là pour observer l’intérêt des familles. Et il plaît beaucoup. Depuis, nous l’avons amélioré. Nous avons retravaillé les découpes, les poignées, et créé une urne qui va avec." Le patron de Personifia met en avant le souvenir d’obsèques après l’attentat de Charlie Hebdo, où certains cercueils de victimes avaient été couverts d’inscriptions et de dessins d’amis.
Le cercueil au cœur des cérémonies
"Il est plus facile de faire signer un couvercle que de complètement personnaliser une cérémonie, poursuit-il. Et c’est vrai que cela peut davantage plaire à une population jeune. Mais ça va évoluer avec les années et se généraliser, même si cela prend du temps. Car les gens ne sont pas confrontés à la mort tous les jours et ce milieu est un peu conservateur. Des plaques, des urnes, des capitons... Ce sont des accessoires.
Ce qui reste prépondérant dans l’organisation des obsèques, cela reste le choix du cercueil. La valeur ajoutée dans une cérémonie, la pompe funèbre la fait au travers du choix du cercueil." Serge Clapier mise sur la compétence de l’opérateur funéraire pour, à partir de là, créer une ambiance. "S’il est un peu "dégourdi", il va vendre toute la gamme, il va harmoniser la thématique dans la cérémonie. C’est ce que font ceux qui commercialisent très bien Personifia. Mais pour la moitié des clients, ils ne veulent encore que le cercueil."
Il s’agit de créer autour du souvenir du défunt quelque chose de beau. "C’est important. Car, au-delà du produit, au-delà de la cérémonie, c’est le souvenir qui va rester. Si la pompe funèbre n’amène pas aujourd’hui une notion de service dans ses prestations, elle est condamnée. N’oubliez pas que des fabricants de plaques funéraires en granit ont pour la plupart disparu du marché parce qu’ils n’ont pas su s’adapter." Serge Clapier met en avant la satisfaction des familles à la sortie des cérémonies personnalisées. "Elles sont convaincues que c’est l’avenir. On le voit aussi dans les signatures de contrats de prévoyance. On se rend compte que, pour eux-mêmes, les gens sont prêts à franchir le pas. C’est plus compliqué quand on choisit pour un tiers."
Avec le recul, lui-même admet combien il aurait aimé disposer de cette possibilité. "Nous avons tous vécu un deuil. J’ai enterré mon père il y a très longtemps. Je n’ai aucun souvenir du cercueil. Il était un passionné de boules lyonnaises et il jouait merveilleusement de l’accordéon. Nous aurions fait une cérémonie autour de cela, j’en aurais gardé une image permanente. C’est plus de la symbolique qu’autre chose. C’est ce que j’essaie d’expliquer aux pompes funèbres. Nous accompagnons les gens dans ce travail de deuil si compliqué. Nous avons une obligation envers eux. Elle dépasse la simple vente bâclée d’objets funéraires."
Une évolution encore à inventer
À l’heure de Facebook et du numérique, il pense que cette évolution est encore à inventer. Il est ainsi entré en contact avec un musicien capable de produire des chansons sur les défunts, dont un CD est remis aux familles. Il lorgne aussi du côté de la 3D, et de ce champ insoupçonné. Il est techniquement possible de produire des objets funéraires ou un cercueil en 3D correspondant à la personnalité de la personne décédée. Et pourquoi pas des murs d’images numériques aux cérémonies ? "On en est aux prémices. Je m’amuse à rêver. Mais d’ici une dizaine d’années, les obsèques auront changé, et les gens construiront leur cérémonie sur Internet."
Cette personnalisation, argumente-t-il, fait désormais partie intégrante de la formation des professionnels. Les fabricants de cercueils ne s’y trompent pas non plus. Ce n’est pas une surprise, juste une adaptation du marché par rapport à une demande de la population. Signe pourtant de la lenteur à évoluer, Serge Clapier affirme vendre "trois fois plus de modèles en Belgique qu’en France", dans ce pays où le niveau de la crémation moyen atteignait 61 % en 2015.
Le patron de Personifia vante l’opportunité d’aller s’imprégner des salons professionnels, outre Lyon et Paris : "J’ai été à Bologne, j’irai sans doute à Miami", histoire de sentir la tendance et de se situer. Lui, en tout cas, a fait évoluer sa gamme de modèles régionaux et thématiques : "J’ai compris qu’on avait dix ans d’avance. Nous sommes allés trop vite. Nous avons eu des difficultés à faire admettre le concept."
Il a donc retravaillé la qualité des images sur les vinyles, avec un rendu d’image plus mat, plus agréable à l’œil. Il est aussi monté en gamme dans le choix des bois de cercueils, même pour le pin de crémation, cherchant à davantage "coller" à la demande des familles. Ajustement gagnant, constate-t-il.
Olivier Pelladeau
Résonance n°129 - Avril 2017
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