Phénomène rare dans le paysage national du prêt-à-porter, la société Jumfil (créatrice de la marque Prostyle) fabrique plus de 80 % de sa production sur le territoire français, dans ses ateliers situés à Vernaison au sud de la communauté urbaine de Lyon. Du linge de maison au prêt-à-porter, cette entreprise (dirigée par Ralph Crolla) a développé un vrai savoir-faire, dans le vêtement haut de gamme et le sur-mesure, qu'elle met depuis sept ans à la disposition du secteur funéraire.
Résonance : Pouvez-vous nous faire un rapide historique de la société Jumfil ?
Ralph Crolla : À la base, Jumfil est une société (située à une quinzaine de kilomètres de Lyon) qui existe depuis presque soixante ans. C’est mon père qui, devenu directeur général dans cette entreprise, l’a rachetée suite à un dépôt de bilan dans les années soixante-dix. Celle-ci était alors spécialisée dans la vente à domicile de trousseaux en porte-à-porte – linge de maison, sous-vêtements –, avec une centaine de représentants dans toute la France (surtout dans des zones rurales).
Au fil des années, il a développé un commerce de prêt-à-porter à domicile, utilisant cet important système de distribution. Ma mère l’a rejoint et a créé des collections. Il y a vingt ans, j’ai pris la succession de mon père (avec ma sœur et mon frère). On a diversifié notre diffusion et gardé la grande majorité de la fabrication ici, à Vernaison, et dans la banlieue lyonnaise.
R : Dans les métiers du textile, voilà un pari audacieux à l'heure de la mondialisation et des délocalisations. Pour maintenir ce "Made in France", avez-vous dû diversifier vos confections ?
RC : Pour résister, nous nous sommes ouverts à tous les métiers. Cela a impliqué l'élargissement de nos activités pour les adapter et les adresser à de nouveaux secteurs. Nous avons préservé un tiers de la vente à domicile (quarante vendeuses) et, en complément, une collection "chasse et outdoor" haut de gamme (style français, chic) a été imaginée. Celle-ci se développe toujours très bien grâce à nos vendeurs et à notre présence sur les différents salons dédiés.
Ensuite, il y a sept/huit ans, j’ai mis en place la marque "Prostyle", orientée au départ vers l’hôtellerie et la restauration, aidée en cela par une demande déterminante de Paul Bocuse. Étant un de mes clients "chasse", il voulait que je conçoive des vêtements professionnels pour ses équipes. De là, nous avons étendu notre catalogue, et fournissons aujourd’hui plus de 800 restaurateurs et hôteliers. S’ensuivit une rencontre avec Alain Besset (Pompes funèbres Alain Besset à Péage-de-Roussillon), qui sollicita alors nos savoir-faire pour élaborer des habits adaptés à son personnel. Nous étions en 2008 et proches des dates de Funexpo… où nous avons présenté notre première collection haut de gamme dédiée aux professionnels du funéraire.
Cela a bien fonctionné, l’accueil fut favorable. Cela nous a incités à continuer. D’autant plus que nous étions au cœur de notre métier, avec nos matières textiles habituelles et la qualité historique de notre service. Ce dernier est un vrai plus. Par exemple, nous livrons toutes nos commandes "Prostyle" dans des housses nominatives sur cintre. Parfois même, le vêtement est personnalisé en fonction de la taille et du gabarit de l’employé(e). Nous pouvons aller jusqu’à réaliser un style de costume tailleur spécifique si cela est souhaité par le personnel féminin d’une entreprise. Aujourd’hui, nous habillons près de 200 pompes funèbres… Et ce n’est qu'un début.
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R : Parlons un peu chiffres. Quelles sont la taille et les perspectives économiques de votre entreprise ?
RC : Nous sommes une petite PME, avec 77 fiches de paie. Notre chiffre d’affaires est d’environ 5 millions d’euros annuels. Notre but est de maintenir au minimum ce chiffre, notre niveau de production et le "Made in France". Sachant que certains métiers chez nous vont disparaître, comme la vente à domicile (frais de route trop élevés), la vente au magasin, etc., je désire accroître le secteur du vêtement professionnel sur mesure haut de gamme, que nous maîtrisons et qui est plein d’avenir. Dans le domaine du funéraire, je suis toujours en capacité de développement, étant à peine à 10 % du potentiel évalué dans le segment "vêtements de travail".
Nous essayons bien sûr de prospecter le plus largement possible. Actuellement, nous fournissons des PFP (Pompes Funèbres Publiques), des intercommunales, ROC-ECLERC, Le Choix Funéraire, de nombreux indépendants, etc. Nous venons de signer avec Hygeco sur le plan national. Nous remarquons de plus une très bonne fidélisation de nos collaborations. Cela est en partie dû à notre réactivité et à notre aptitude à répondre à toutes formes de demandes particulières. Nous fonctionnons en tout intégré : catalogue, photo, R&D, design, atelier broderie logo, etc. Du jour au lendemain, nous pouvons initier un nouveau modèle si un client le souhaite grâce à notre bureau de style (7 stylistes). On lui envoie une proposition dans la semaine par mail.
R : Ce déploiement vers le vêtement professionnel et les opérateurs funéraires ne vous change-t-il pas de l’environnement du prêt-à-porter, très concurrentiel et soumis notamment aux assauts des fabricants asiatiques ?
RC : Si. Je suis très content d’avoir investi ce milieu du funéraire. Les relations ne sont pas les mêmes, elles sont bien plus faciles, plus agréables et plus respectueuses les unes des autres. Mes commerciaux me font le même retour. Cela me change aussi de mon métier de pur prêt-à-porter, qui devient dur et âpre en affaires, qui tire vers le bas, vers la perte de qualité, conséquence entre autres de la concurrence chinoise ou du Sud-Est asiatique. Dans le funéraire, les entreprises veulent du beau pour leur personnel, avec de la qualité et de la classe. On va plus facilement dans une demande haut de gamme avec des coupes élégantes.
C’est aussi un métier qui évolue et qui a très bien accueilli au début ma proposition d’ensembles couleur chocolat, sortant des fondamentaux habituels que sont le blanc, le noir et le bleu foncé. Depuis, nous avons multiplié les couleurs, et cela ne pose pas de problème. J’ai également féminisé le vêtement professionnel avec, véritablement, une dissociation entre la collection homme et la collection femme.
L’évolution se fait également dans le désir de chaque enseigne ou opérateur indépendant de se différencier, d’être reconnaissable auprès des familles par un style spécifique, avec de la modernité tout en gardant l’élégance et le classique protocolaire. Notre force est d’être très réactifs face aux requêtes les plus variées, tant en création qu’en réassort. Cela en restant rigoureux, strict dans la finition, la robustesse et la tenue de nos manteaux, vestes, pantalons, gilets, chemisiers, etc.
R : Comment envisagez-vous l’évolution de votre entreprise dans une économie en pleine mutation ?
RC : Tout d’abord, je tiens à préciser que cette diversification, avec la marque Prostyle dédiée aux CHR (Cafés, Hôtels, Restaurants) et aux pompes funèbres, effectuée il y a une huitaine d’années maintenant, m’a permis de préserver des emplois en France. Pour 2015, le but dans un premier temps est de consolider mon entreprise, de préserver les activités et de garder mes ateliers sur le sol français. Dans un deuxième temps, d’accroître nos parts de marché dans le funéraire, grâce notamment à l’embauche de nouveaux commerciaux. Cela afin d’étendre notre réseau de vente cette année à de nouvelles régions, comme la Bretagne.
J’étudie aussi la possibilité de fabriquer une ligne de vêtements plus techniques, de travail, pour les ouvriers des cimetières, par exemple.
Enfin, les équipes et moi-même, nous commençons à penser à FUNÉRAIRE PARIS et à notre stand… L’occasion de retrouver l’ensemble de la profession dans des conditions commerciales agréables.
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