Dans le secteur du capiton, la société Anoblis créée par Maryse Labbé affirme sa volonté de proposer un produit "complément de gamme", de qualité et personnalisé, qui ne soit pas fabriqué en grande série mais revendiquant un façonnage "couture" et plutôt luxueux.
Maryse Labbé |
Résonance : Vous êtes situé en Bretagne et vous revendiquez une production 100 % française !
Maryse Labbé : J’ai mon atelier de design à Saint-Quay-Portrieux (22), dont je m’occupe en tant que créatrice et conceptrice des capitons thématiques, un petit bureau à Paris, et je fais fabriquer à Cambrai (59) une partie de nos produits, c’est-à-dire les capitons à thèmes et personnalisés.
R : Pourquoi avez-vous choisi Cambrai ?
ML : Cambrai et la Cambrésis sont le berceau du textile en France et d’une certaine qualité du façonnage. C’est donc là que j’ai trouvé des professionnels qui travaillent le tissu depuis des générations. Je voulais produire 100 % français et je suis même allé au-delà en choisissant une entreprise détentrice du label EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant). Cela me permettait d’avoir un produit haut de gamme, en partie fait main, avec un résultat "couture". C’est d’ailleurs ce dernier terme que l’on utilise sans arrêt. Aujourd’hui, on ne parle plus de capitons mais plutôt d’écrin, de dernier décor.
R : Quelle est l’idée de départ fondatrice d’Anoblis ?
ML : Je suis au départ décoratrice d’intérieur. À la suite du décès de mon père, j’ai dû choisir un capiton et, bien sûr, on m’a proposé des modèles classiques de couleur champagne, bleu, rose, etc. Mais cela ne correspondait pas à ce que je souhaitais ou, du moins, cela ne correspondait pas aux couleurs, aux motifs qui étaient présents tout au long de la vie de l’être aimé disparu.
Lorsqu’on comprend qu’on met une vie à se construire et trois jours à partir – c’est le point initial de ma réflexion –, on ne peut pas partir avec des choses qui ne nous ressemblent pas. La base line du capiton à thème était née : c’était simplement "Tu aimais…". Si la personne aimait la mer, la montagne, la nature, les fleurs ou Paris, il fallait pouvoir proposer à la famille un thème en lien avec la vie du défunt.
J’ai discuté avec des psychologues, des sociologues, etc., pour arriver à un produit qui est ce qu’il est aujourd’hui. Je suis allée voir des pompes funèbres, des gens qui installent des capitons dans les cercueils, en leur demandant : "Pour vous, un capiton fait intelligemment, c’est quoi ?" Alors là, j’ai eu différentes réponses : il faut qu’il soit biodégradable, rapide à installer, joli, pouvant se refermer, etc. Tout cela m’a aidé à concevoir un capiton qui s’installe en moins d’une minute, sans clou ni agrafe, basé sur un système que j’ai fait breveter, composé en deux parties, permettant ainsi de laisser découverte la partie du visage, et réalisé en fibres naturelles biodégradables, dont la laine de mouton. L’avantage de la laine de mouton est son côté "couette ou doudoune" : d’aspect plus enveloppant, confortable et au toucher "chaud" (en opposition au toucher satin, considéré comme un toucher "froid").
Une fois le projet abouti, j’ai commencé le développement, les premières fabrications, puis la distribution. Je suis allée voir différents professionnels qui ont été surpris par la qualité du produit. Quant à la question du prix, il se situe dans la fourchette haute des prix des capitons sur le marché, tout en respectant leur marge. De grands groupes m’ont également fait confiance. Ils m’ont dit que les gens, aujourd’hui, dépensaient de moins en moins pour un cercueil, mais que, notamment grâce à certains produits dont les capitons que je leur propose, ils investissaient plus dans le confort du défunt, ils font l’effort du décor intérieur.
La force de nos capitons est qu’ils sont beaux car ils sont discrets. Je dirais même d’une beauté intime… Intime parce que cachés ! Ils sont à l’intérieur des cercueils. Cette femme, cet homme, dans leur dernière demeure, sont avec l’image de ce qu’ils ont aimé lors de leur vie et partent avec cela dans la mort. Cela est choisi par la famille proche, celle qui connaissait bien les goûts du défunt.
R : Dans ce même esprit, il est possible également de remplacer les motifs thématiques par des photos fournies par les familles pour une personnalisation du capiton plus poussée…
ML : Aujourd’hui, nous vivons dans le monde de l’image. Que ce soit par la télé, les appareils photo ou les smartphones, elle est partout. Le fils, par exemple, a pu, grâce à son smartphone, prendre souvent et spontanément des photos de son père dans son environnement de vie : dans son jardin si celui-ci avait pour passion les fleurs ou le potager, ou en train de bricoler des petits meubles si cela était son hobby. On peut donc récupérer ces photos que les pompes funèbres réceptionnent et les imprimer afin que le défunt parte entouré de ce qu’il aimait le plus.
Du point de vue technique, il suffit simplement d’avoir quelques photos numériques de bonne qualité. Celles-ci sont "maquettées" par nos infographistes et envoyées à notre fabricant, qui va les imprimer sur un capiton neutre blanc grâce à la technique du flocage de feutre à chaud (type transfert).
R : Compte tenu, en général, de l’imprévisibilité du décès, ce type de produit doit pouvoir être livrable rapidement.
ML : Dans le funéraire, il faut être capable bien sûr de livrer dans l’urgence et de permettre également à nos clients de ne pas être obligés d’avoir un stock pléthorique qui ne servirait à rien. De plus, nos capitons sont un complément de gamme. Il s’agit de le présenter comme quelque chose en plus… qui marque une différence, à proposer à des gens qui souhaiteraient faire quelque chose de singulier. Comme vous avez pu le voir, sur le salon FUNEXPO, notre base line était : "La différence est un art". Je considère que chaque personne est unique… dans sa vie… Et qu’elle doit l’être dans la mort.
En conclusion, nous n’obligeons pas nos clients à stocker, car nous pouvons livrer en 24 ou 48 heures.
R : Pouvez-vous nous parler de la lampe souvenir, nouveau produit présenté lors de FUNEXPO ?
ML : Oui, cela a été pour nous un véritable succès, et les commandes (822) ont été nombreuses. Parfois, les familles veulent avoir un portrait du défunt qui suit la cérémonie. C’est une demande qui est faite de plus en plus souvent. J’ai eu l’idée ainsi de fabriquer des lampes sur lesquelles on imprime la photo de la personne décédée ou une photo représentant quelque chose qui était important pour celle-ci et, éventuellement, un petit texte complémentaire… Cette photo est déposée sur le site "anoblis.com", sur lequel on choisit également le fond qui sera attribué à la lampe.
Une fois la photo sur notre serveur, elle peut être imprimée dans les dix minutes sur le support rectangulaire adéquat. Celui-ci, après un double cerclage, devient cylindrique.
Ces lampes sont soit électrifiées, soit avec des LED sur piles ayant une autonomie de 8 heures. Une fois réalisée, la lampe est immédiatement envoyée aux pompes funèbres en charge des obsèques. Cette dernière version (avec des LED) peut être ensuite posée sur le cercueil durant la cérémonie et l’accompagner jusqu’au cimetière. Cela ne coûte pas cher et c’est livrable dans des délais très courts. C’est sans doute la raison de son succès au salon.
Gil Chauveau
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