Cela fait des années que j’ai la chance de rencontrer régulièrement des dizaines et des dizaines d’entreprises funéraires, tant en France qu’à l’étranger. Je parle de chance, car ces rencontres sont l’occasion d’observer les évolutions de la profession et des comportements de la clientèle, mais aussi de pouvoir comparer la façon qu’ont les uns de traiter d’un sujet par rapport aux autres. C’est très enrichissant.
Philippe Gentil, président de POMPES FUNEBRES Pascal LECLERC© |
C’est aussi l’occasion unique de pouvoir croiser des gens d’exception, souvent partis de rien, et qui ont su, par leur travail, leur habileté et leur courage, créer des entreprises prospères, reconnues et appréciées par les familles qui les ont sollicitées.
Plus récemment, quelques déplacements en province m’ont conduit à observer de nouveaux phénomènes commerciaux auxquels je n’étais pas forcément habitué : celui des ventes d’obsèques à prix plancher. Bien qu’ayant un peu d’expérience sur les marques qui défendent les tarifs les plus abordables pour les familles, "tarifs respectueux" des obsèques pour la marque POMPES FUNEBRES Pascal LECLERC©, j’ai tout de même été très surpris de voir se développer des points de vente proposant des tarifs qui relèvent plus du prix coûtant que de prix modérés pour la clientèle, ce qui est tout de même assez différent.
Dernièrement, je constatais qu’une entreprise proposait des obsèques pour moins de 550 € + taxe de crémation. Voyant cela, je ne pouvais m’empêcher de faire un calcul simple : comment vendre un ensemble de prestations comprenant la mobilisation de 2 personnes minimum durant une durée d’au moins 3 heures (TVD, mise en bière, transfert du cercueil au crématorium, attente durant la crémation d’au moins 1 h 30, remise de l’urne – la dispersion n’étant pas possible dans un laps de temps aussi court), un véhicule funéraire assuré et habilité, un cercueil équipé, une vacation de police pour la fermeture du cercueil et, bien entendu, 20 % de TVA ?
Lorsque l’on pose cette question, chacun comprend bien que cet exercice trouve rapidement deux types de réponses et que tous ceux qui se targuent de pouvoir offrir une prestation à ce prix sont, soit des inconscients qui assécheront leur affaire rapidement, soit des aigrefins qui réduiront forcément le niveau des prestations et des articles vendus pour pouvoir dégager un petit profit, cela, bien évidemment, au détriment des familles ou des caisses de l’État ou de la Sécurité sociale, qui ne percevront pas les prélèvements habituels…
J’oubliais également la troisième voie, celle consistant à gérer deux entreprises bien distinctes mais néanmoins sœurs, l’une pratiquant des tarifs "standards" et situés dans le milieu de la fourchette sur le marché ; et l’autre appuyée sur les moyens de la première entité et facturant ses prestations à des prix coûtants, bien insuffisants pour permettre à la structure d’être à l’équilibre. C’est le principe des vases communicants… C’est un système qui consiste à appauvrir l’ensemble afin de soi-disant pouvoir servir une frange de clientèle n’ayant pas les moyens de payer des prix médians pour faire exécuter les obsèques d’un proche.
Cela peut s’entendre lorsque ces initiatives sont prises dans une société familiale gérant sa propre enseigne. Dès lors que ce mode de fonctionnement est proposé par une marque nationale qui oblige à suivre un concept et facture des royalties, la question de pertinence économique globale se pose.
Au-delà de cette remarque, il m’en vient une beaucoup plus générale : peut-on travailler de la sorte en proposant systématiquement une enchère à la baisse sur des prestations qui coûtent de toute façon de plus en plus cher à produire ? Certes, la concurrence est rude, mais travailler sur des coûts de revient de plus en plus bas ne favorise finalement personne, ni l’entreprise de pompes funèbres qui voit ses marges diminuer et donc ses capacités d’investissement se réduire, ni les salariés qui y travaillent et voient leur rémunération se figer parce que l’entreprise n’a pas les moyens de les augmenter, et enfin encore moins les familles qui sont souvent frustrées de ne pas trouver l’assistance complète de ce qu’elles attendent pour honorer un proche.
Certes, comme dans tous les commerces, il en faut pour tous les goûts et toutes les bourses, mais à force de trop souvent considérer que les services sont "gratuits", on en déprécie la qualité et la perception qu’a le public du travail fourni par autrui.
C'est ainsi qu’au lieu de permettre de valoriser les prestations de service de ce métier si difficile, on va finir par en réduire l’image que l’on cherche à lui donner en oubliant qu’un dossier obsèques nécessite de la prise en charge, de l’accompagnement, de l’écoute et du temps pour présenter une offre correspondant à ce que souhaite ou attend la famille.
N’est-il pas plus simple de proposer une offre économique au sein d’une même entreprise, sans réduire les prestations à leur plus simple expression ? Le package est bien pour des services connus d’avance par les clients. Dans le cadre de nos métiers, ces derniers ignorent ce à quoi ils peuvent avoir accès dans le cadre de nos métiers. Si on leur impose une prestation déjà construite et réduite, on les prive du choix, et ce, pour un seul motif : le prix. Le raisonnement est un peu limité…
Philippe Gentil
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