Xerfi vient de publier une étude "Le marché des services funéraires à l’ère des mutations - Inflation des coûts, développement de l’assurance obsèques, essor des crémations : quelles stratégies d’adaptation ?
quelles perspectives d’ici 2025 ?". Trois questions à Cathy Alegria, directrice d’études…
Avec l’inflation, l’activité des entreprises funéraires peut-elle encore voler de record en record ?
Le marché des services funéraires, estimé à environ 3 milliards d’euros, se porte bien. Le chiffre d’affaires des entreprises du secteur aura ainsi bondi de presque 4 % en 2023 malgré le repli de la mortalité. Les pompes funèbres ont en effet fortement augmenté leurs prix (+ 4,5 %) pour répercuter, au moins en partie, l’inflation de leurs coûts. Plus surprenant en période de pressions sur le pouvoir d’achat, les pompes funèbres ont même pu compter sur la légère hausse du panier moyen des Français en matière d’obsèques en 2023 (en euros constants), malgré le contexte inflationniste.
Pour autant, les familles n’ont pas hésité à davantage faire jouer la concurrence, à négocier des remises et à demander des paiements en plusieurs fois. Importantes, ces hausses de prix pratiquées ne reflètent pourtant pas totalement celles de leurs coûts. C’est vrai pour les pompes funèbres qui ont dû composer avec la flambée des prix du carburant, du granit, du marbre, du bois... Ça l’est aussi pour les crématoriums. Pour la plupart exploités dans le cadre de Délégation de Service Public (DSP), ces derniers ont été contraints de respecter les prix de crémation fixés par les communes et d’absorber eux-mêmes une partie des hausses passées des prix du gaz.
Dans ce contexte, les performances d’exploitation des pompes funèbres auront de nouveau fléchi en 2023, tout en restant à haut niveau (11,1 %). Après avoir volé de record en record de 2020 à 2022, l’activité des entreprises funéraires retrouvera un rythme de croissance plus habituel d’ici 2025 (d’au moins 3 % par an), porté par la hausse de la mortalité. Avec une activité bien orientée, les marges des pompes funèbres le resteront également à court terme.
À plus long terme, la montée en puissance de la prévoyance obsèques représentera un facteur de risque pour les opérateurs funéraires en matière d’augmentation tarifaire. Les producteurs de contrats seront en effet en position de force grâce à l’étendue de leur portefeuille. Ils pourraient ainsi faire pression sur les pompes funèbres (surtout les plus petites) pour imposer les modalités, voire les prix, de certaines prestations.
Comment la popularité croissante de l’assurance obsèques bouleverse-t-elle les rapports de force dans la filière ?
Entre les offensives de "start-up de la mort" (ou deathtech), les tentatives de riposte du funéraire public et l’incursion de plusieurs mutuelles dans le secteur (Groupe VYV avec La Maison des Obsèques et Prévifrance), la vie des pompes funèbres privées a été animée ces dernières années de façon générale. Sans oublier, bien sûr, la percée de la prévoyance obsèques qui laissait craindre une disparition progressive des indépendants du fait d’une visibilité insuffisante aux yeux des assureurs, les producteurs de ces contrats.
Au final, les entreprises funéraires n’ont pas été franchement ébranlées jusqu’ici. Et une nouvelle donne paraît peu probable. D’abord, les start-up du funéraire ne sont pas en mesure de devenir des acteurs de premier plan et encore moins de le disrupter. En effet, les deathtech ne sont pratiquement pas positionnées sur le cœur de métier puisque la loi impose d’avoir un établissement physique pour accueillir les familles. Ces jeunes pousses proposent donc plutôt des services additionnels aux pompes funèbres et à d’autres professionnels (assureurs, banques, mutuelles, voire les notaires), qui les intègrent dans leurs offres.
Funéplus collabore par exemple avec Alanna pour permettre aux proches des défunts d’accéder aux avis de décès et à des informations liées aux cérémonies funéraires en ligne. Quant au funéraire public (7 % du marché), il peine à revenir dans la course malgré le remplacement de ses régies par des Sociétés Publiques Locales (SPL) et autres Sociétés d’Économie Mixte funéraire (SEM) pour gagner en souplesse ou en unissant ses forces à celles du réseau mutualiste La Maison des Obsèques. L’ouverture de chambres funéraires par le privé et la mise en exploitation de crématoriums concurrents lui mènent de fait la vie dure.
Pour sa part, La Maison des Obsèques (LMO) se développe moins vite que prévu en dépit de ses nombreux atouts pour se renforcer sur le marché (présence dans la prévoyance obsèques à travers MUTAC, un certain capital confiance bâti sur les valeurs mutualistes, étendue de son portefeuille d’adhérents…). L’objectif des 400 agences a ainsi été reporté de 2025 à 2031. Enfin, la montée de l’assurance obsèques est encore loin de régir l’activité des pompes funèbres. Certes, elle les contraint à travailler davantage avec les assureurs et donc à perdre le lien direct avec le client.
Pour autant, cette garantie ne flèche pas davantage la demande vers certains acteurs plus que d’autres en raison de la liberté de choix des familles et de la faible prévalence des contrats en prestations (25 % du total environ) qui désignent des acteurs funéraires en particulier. Sur ce terrain, la menace de la concurrence des grands réseaux des acteurs nationaux semble écartée pour les indépendants. Ces derniers peuvent en effet parler d’une seule et même voix et gagner en visibilité auprès des assureurs depuis la création du Groupement des Opérateurs Funéraires Indépendants (GOFI) en 2018.
Quelles sont les stratégies de croissance privilégiées par les acteurs ?
Les deux leaders du secteur, OGF et FUNECAP (plus de 30 % du marché ensemble), ont très tôt participé à une course à la taille à la fois pour créer des synergies et renforcer leur visibilité vis-à-vis des producteurs de contrats obsèques. Toutefois, OGF privilégie désormais la croissance organique tandis que FUNECAP ambitionne d’acquérir 20 à 30 acteurs français par an ces prochaines années. OGF et FUNECAP misent également sur l’exploitation de crématoriums pour asseoir leur position dans le secteur.
Ensemble, ils exploitent près de 60 % des crématoriums opérationnels sur le territoire. Malgré leur domination sur ce créneau, certaines pompes funèbres de taille intermédiaire pénètrent cette activité, à l’instar de la Maison Dabrigeon. Conscientes du rôle de plus en plus central d’Internet, les pompes funèbres renforcent par ailleurs leur présence en ligne (référencement) et enrichissent les fonctionnalités de leur site (demande de devis, prise de rendez-vous, etc.). Elles se dotent également de logiciels funéraires pour gérer leur activité quotidienne, automatiser les tâches redondantes, optimiser la gestion de leurs équipes, voire gérer leurs funérariums.
La montée en puissance des préoccupations environnementales chez les Français incite aussi les opérateurs à proposer une offre plus respectueuse de l’environnement (utilisation de véhicules électriques et vente de cercueils en bois bio dépourvus d’ornement, urnes en fibres naturelles…). Confrontée à des difficultés de recrutement et à un taux de turn-over élevé, la profession multiplie en outre les initiatives pour renforcer son attractivité (actionnariat salarié, accompagnement des équipes via des cellules psychologiques...).
Les entreprises funéraires misent aussi sur la formation en interne. La diversification vers des marchés connexes est également d’actualité chez certains opérateurs, à l’instar de FUNECAP qui s’est vite internationalisé dans la gestion de sites de crémation, et se lance dans les crématoriums animaliers.
Auteur de l’étude : Cathy Alegria
Transmis par Xerfi
Résonance n° 197 - Novembre 2023
Résonance n° 197 - Novembre 2023
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