Le décompte des congés payés pris par le salarié donne souvent lieu à des tensions au sein des entreprises entre les employeurs et les salariés. Le plus souvent, ces tensions découlent d’une méconnaissance des règles de décompte, en particulier lorsque le salarié se voit décompter un jour de la semaine pendant lequel il ne travaille pas habituellement. Sur ce point, le Code du travail est peu précis. Ainsi, c’est la jurisprudence qui a apporté les précisions nécessaires. Cependant, outre les règles légales et jurisprudentielles, il conviendra de demeurer attentif aux dispositions de la convention collective applicable.
Les règles générales
Le principe applicable au décompte des jours de congés payés est celui du décompte des jours ouvrables. Les jours ouvrables sont constitués par le jour de repos hebdomadaire du salarié (généralement le dimanche), ainsi que les jours fériés définis par la loi, donc pas nécessairement les jours habituellement chômés par le salarié, tels que le samedi, par exemple.
Par conséquent, l’ensemble des jours ouvrables inclus dans la période de congés choisie par le salarié aura vocation à être décompté. Sur le premier jour ouvrable décompté, la jurisprudence indique cependant qu’il s’agit du premier jour ouvrable de congé où le salarié aurait dû travailler (Cass. soc., 31 janvier 2012, n° 10-30.395). Quant au dernier jour ouvrable à prendre en compte, il s’agira du dernier jour ouvrable de la période de congés, même si le salarié n’aurait pas dû travailler ce jour-là (Cass. soc., 8 novembre 1983, 81-41.583). Ainsi, les jours ouvrables décomptés seront le premier jour où le salarié aurait dû travailler ainsi que l’ensemble des jours ouvrables jusqu’à la reprise du travail par le salarié (Cass. soc., 22 février 2000, n° 97-43.515).
À titre d’exemple, un salarié dont l’organisation du travail se constitue de 5 jours par semaine, du lundi au vendredi, qui souhaite prendre deux semaines de congés du vendredi après sa journée de travail pour une reprise le troisième lundi suivant, ne se verra pas décompter le premier samedi (puisqu’il ne s’agit pas du premier jour ouvrable où le salarié aurait dû travailler), mais se verra décompter en plus des 10 jours, correspondant à deux périodes du lundi au vendredi, 2 jours supplémentaires correspondant aux deux samedis inclus dans sa période de congés, soit 12 jours au total.
Outre la question du décompte des congés, le droit commun et la convention collective appréhendent diverses situations générales et particulières dont la bonne connaissance par les employeurs et les salariés ne pourra être que de nature à limiter le risque de tensions dans les entreprises.
Les précisions apportées par la convention collective en perspective avec le droit commun
De façon obligatoire, "tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l’employeur" (art. L. 3141-1 du Code du travail). Par ailleurs, "les salariés de retour d’un congé de maternité […] ou d’un congé d’adoption […] ont droit à leur congé payé annuel, quelle que soit la période de congé payé retenue pour le personnel de l’entreprise" (art. L. 3141-2).
Si le congé constitue un droit pour le salarié, et donc une obligation pour l’employeur de lui octroyer, la jurisprudence considère que la prise de congés constitue également une obligation pour le salarié. À défaut, en effet, le salarié ne saurait réclamer une indemnisation compensatrice, à l’exception d’une rupture de contrat de travail.
Art. 331.1 Durée
(modifié par avenant du 3 juin 2020, étendu)
En application des dispositions des articles L. 3141-3, L. 3141-6, L. 3141-7, L. 3141-11 et L. 3141-12 du Code du travail, la durée normale du congé payé des salariés est fixée à 2 jours et demi ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur. En application des articles L. 3141-4 et L. 3141-5 du Code du travail, sont assimilées à 1 mois de travail effectif pour la détermination de la durée du congé les périodes équivalentes à 4 semaines ou 24 jours de travail.
Lorsque le nombre de jours ouvrables n’est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur.
Ne sont pas considérés comme jours ouvrables les dimanches et jours fériés tombant en semaine.
Le point de départ de la période de référence prise en considération pour l’appréciation du droit aux congés est fixé au 1er juin de chaque année. En règle générale, les congés payés sont échelonnés au cours de la période qui s’étend du 1er mai au 31 octobre.
Conformément à l’art. L. 3141-14 du Code du travail, les conjoints et les partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans une même entreprise ont droit à un congé simultané.
Conformément aux articles L. 3141-13 à L. 3141-16 du Code du travail, l’employeur fixe l’ordre des départs par roulement à l’intérieur de chaque établissement de façon à permettre la continuité du service, après avis des instances représentatives du personnel dans les établissements qui en comportent.
L’ordre de départ sera porté à la connaissance du personnel par affichage, dès qu’il aura été arrêté conformément aux textes légaux en vigueur et, en tout état de cause, 3 mois au moins avant le début de la période de départ en congés.
Sauf en cas de circonstances exceptionnelles, l’ordre et les dates de départ fixés par l’employeur ne peuvent être modifiés dans le délai de 1 mois avant la date prévue du départ.
Il est rappelé que, conformément à l’art. L. 3141-8 du Code du travail, les salariés de moins de 21 ans au 30 avril de l’année précédente bénéficient de 2 jours de congé supplémentaires par enfant à charge. Ce congé est réduit à 1 jour si le congé légal n’excède pas 6 jours.
Les salariés âgés de 21 ans au moins à la date précitée bénéficient également de 2 jours de congés supplémentaires par enfant à charge, sans que le cumul du nombre des jours de congé supplémentaires et des jours de congé annuel puisse excéder la durée maximale du congé annuel prévu à l’art. L. 3141-3.
Est réputé enfant à charge l’enfant qui vit au foyer et est âgé de moins de 15 ans au 30 avril de l’année en cours, et tout enfant sans condition d’âge dès lors qu’il vit au foyer et qu’il est en situation de handicap.
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Cet article de la CCN reprend en grande partie les dispositions du Code du travail :
- Acquisition de 2,5 jours ouvrables de congés par mois travaillé, avec une durée maximale de 30 jours (art. L. 3141-3 du Code du travail) ;
- Assimilation à un mois de travail effectif, 4 semaines ou 24 jours de travail (art. L. 3141-4) ;
- Arrondi au nombre entier supérieur du calcul des droits à congés du salarié (art. L. 3141-8) ;
- Droit à la prise de congés simultanée des conjoints mariés ou pacsés travaillant dans la même entreprise (art. L. 3141-14) ;
- Droits à congés supplémentaires des salariés ayant des enfants à charge (art. L. 3141-8).
Elle fixe néanmoins au 1er juin "la période de référence prise en considération pour l’appréciation du droit aux congés" et indique qu’il conviendra de privilégier "la période qui s’étend du 1er mai au 31 octobre", période qui ne peut en tout état de cause être exclue de la période de congés payés, ainsi que le prescrit l’art. L. 3141-13 du Code du travail.
Par ailleurs, elle rappelle le pouvoir normatif de l’employeur pour fixer "l’ordre des départs par roulement à l’intérieur de chaque établissement" et ses limites : communication aux salariés 3 mois avant le début de la période de congés, délai raccourci à 1 mois en cas de circonstances exceptionnelles.
Art. 331.2 Fractionnement
(étendu)
La durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder 24 jours ouvrables.
Le congé principal doit être pris dans la limite d’au moins 12 jours ouvrables entre le 1er mai et le 31 octobre.
Par accord entre l’employeur et le salarié, le congé principal, d’une durée supérieure à 12 jours ouvrables et, au plus égale à 24 jours ouvrables, peut être fractionné en une ou plusieurs fois.
Lorsque les jours de fractionnement sont pris entre le 1er novembre et le 30 avril, il est attribué 2 jours ouvrables de congés supplémentaires lorsque le nombre total de jours fractionnés, pris pendant cette période, est au moins égal à 6, et un jour s’il est compris entre 3 et 5 jours.
Les jours de congé principal dus en sus des 24 jours ouvrables n’ouvrent pas droit à des jours supplémentaires de fractionnement, même s’ils sont pris hors de la période du 1er mai au 31 octobre, pas plus que les jours complémentaires pour ancienneté.
En aucun cas, le nombre de jours de congés pris en dehors de la période légale ne pourra être supérieur aux droits acquis par les salariés à la date du congé.
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Après avoir précisé la durée des congés dans l’article précédent, la CCN indique les modalités de fractionnement dans la prise des congés :
- En principe, "la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder 24 jours ouvrables". En outre, "le congé principal doit être pris dans la limite d’au moins 12 jours ouvrables entre le 1er mai et le 31 octobre".
- Par exception, et "par accord entre l’employeur et le salarié", ce congé pourra "être fractionné en une ou plusieurs fois".
- En outre, les jours de fractionnement pris entre le 1er novembre et le 30 avril entraînent l’attribution de :
- 1 jour ouvrable si le nombre total de jours fractionnés est compris entre 3 et 5 jours ;
- 2 jours ouvrables si le nombre total de jours est supérieur ou égal à 6.
Cependant, les jours de congés dus au-delà des 24 jours ouvrables n’ouvrent droit à aucun jours de congés supplémentaires même s’ils sont pris fractionnés dans la période du 1er mai au 31 octobre.
Art. 331.3 Périodes assimilées au temps de travail effectif
(étendu)
Sont assimilées, pour l’ouverture du droit au congé, à des périodes de travail effectif :
a) Les périodes de congés payés de l’année précédente ;
b) Les périodes limitées à une durée ininterrompue de 1 an pendant lequel l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ;
c) Les périodes de repos des femmes en couches telles qu’elles sont définies aux articles L. 1225-17 à L. 1225-24, L. 1225-38 et R. 1225-9 du Code du travail ;
d) Les périodes pendant lesquelles le salarié est, en temps de paix, maintenu ou rappelé sous les drapeaux ;
e) Les périodes de congés d’éducation ouvrière ou d’éducation syndicale ;
f) Les périodes pour la formation des cadres des organisations de jeunesse et de sports ;
g) Les périodes de formation professionnelle ou de promotion sociale ;
h) Le repos compensateur (articles L. 3121-16, L. 3121-26 à L. 3121-32 du Code du travail) ;
i) Le congé de formation (art. L. 6322-13 du Code du travail) ;
j) Le temps passé hors de l’entreprise par les conseillers prud’homaux du collège salariés (articles L. 1442-5 et L. 1442-6 du Code du travail) ;
k) Le temps passé par les salariés qui exercent une activité d’assistance ou de représentation devant les juridictions prud’homales (art. L. 1453-4 du Code du travail) ;
l) Le congé de représentation d’une association ou d’une mutuelle (articles L. 3142-51 à L. 3142-55 et R. 3142-29 du Code du travail) ;
m) Le temps passé hors de l’entreprise par le conseiller du salarié (articles L. 1232-9 à L. 1232-11 du Code du travail) ;
n) La maladie professionnelle (art. L. 3141-5 du Code du travail).
Réserve d’extension : l’art. 331.3 est étendu sous réserve que la référence à l’art. L. 3121-16 du Code du travail soit entendue comme faisant référence à l’art. L. 3121-30 du Code du travail (arrêté du 10 novembre 2021 – art. 1).
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Ces dispositions de la CCN des pompes funèbres reprennent et développent celles de l’art. L.3141-5 du Code du travail. Elles établissent les périodes non travaillées qui seront assimilées à des périodes de travail effectif pour le calcul de la durée de congés payés qui devront être octroyés au salarié. La période servant de base de calcul sera donc composée de la manière suivante :
- Les périodes de travail effectif (pendant lesquelles le salarié a travaillé) ;
- Les périodes assimilées à du travail effectif visées à l’art. 331.3 de la CCN (pendant lesquelles le salarié n’a pas travaillé).
Art. 331.4 Ancienneté
(étendu)
Le personnel comptant au 1er juin 10 ans de présence dans l’entreprise a droit à 2 jours ouvrables complémentaires, portés à 4 pour les agents comptant 20 ans de présence.
Ce congé complémentaire pour ancienneté peut être pris en dehors du congé principal. Il n’ouvre pas droit à l’attribution de jours de fractionnement, quelle que soit l’époque où il est pris.
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Cette disposition de la CCN énonce les jours de congés complémentaires attribués aux salariés à raison de leur ancienneté. Néanmoins, ce congé complémentaire qui peut être pris en dehors du congé principal, n’ouvre aucun droit à l’attribution de jours de fractionnement prévus à l’art. 331.2.
Art. 331.5 Indemnité de congés payés
(étendu)
L’indemnité afférente aux congés est égale à 1/10 de la rémunération totale perçue par le salarié au cours de la période de référence (1er juin - 31 mai), à l’exclusion des rétributions, gratifications, primes et sommes diverses qui sont versées globalement pour l’ensemble de l’année, période de travail et période de congés payés confondues.
De même, n’entrent pas en ligne de compte, pour le calcul de l’indemnité de congés payés, les rémunérations ou parties de rémunérations directes ou indirectes qui sont intégralement maintenues pendant la période des congés.
En cas de fractionnement de congés, l’indemnité calculée sur les bases ci-dessus sera payée proportionnellement à la durée du congé.
L’indemnité pour congés complémentaires d’ancienneté et celle afférente aux jours supplémentaires attribués pour certains congés pris en dehors de la période légale seront calculées en partant de l’indemnité de congés payés légale à raison de 1/30 de cette indemnité par jour ouvrable de congés complémentaires et supplémentaires.
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Cet article de la CCN relatif à l’indemnité de congés payés reprend de façon logique les dispositions des articles L. 3141-24 et suivants du Code du travail :
- Indemnité fixée à 10 % de la rémunération totale perçue par le salarié ;
- Exclusion de la période de référence des rémunérations versées globalement pour l’ensemble de l’année.
En revanche, est précisée au dernier alinéa la méthode de calcul de l’indemnité afférente aux congés complémentaires d’ancienneté et aux jours supplémentaires relatifs aux congés pris en dehors de la période légale.
Art. 331.6 Maladie pendant les congés
(étendu)
Le salarié qui n’aura pu prendre ses congés à la date prévue par suite de maladie ou d’accident ou qui aura dû interrompre ses congés pour ce même motif, sous réserve qu’il en ait informé son employeur dans les délais prévus à la présente convention, pourra, s’il n’a pu bénéficier au 31 octobre de la totalité de ses congés, demander à cette date :
- soit le report des jours de congés restant dus jusqu’au 31 mai, sans que ce report entraîne l’attribution de jours supplémentaires ;
- soit le paiement de l’indemnité compensatrice correspondant aux congés non pris.
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La question de la maladie ou de l’accident pendant la période de congés n’est pas tranchée par le législateur français, et est, dans le silence des textes, soumise aux évolutions jurisprudentielles européenne et française
L’art. 331.6 de la CCN pose néanmoins un cadre à appliquer aux congés non pris, en donnant la possibilité au salarié de demander :
- soit le report de ses congés ;
- soit le paiement d’une indemnité compensatrice.
Xavier Anonin
Docteur en droit - Avocat au barreau de Paris
Résonance n° 196 - Octobre 2023
Résonance n° 196 - Octobre 2023
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