Quand j’anime une formation, ou bien si j’interviens dans une commune, je signale à mes interlocuteurs qu’ils peuvent m’appeler si jamais ils ont des questions.
Dernièrement deux conseillères funéraires, anciennes étudiantes de mes cours et en poste dans l’Ouest de la France, m’ont appelé. Elles avaient des clients qui les mettaient dans des situations embarrassantes. Chacune d’elles a eu ce réflexe, celui aussi de beaucoup d’entreprises et de collectivités territoriales : elles m’ont appelé comme ils le faisaient quand j’étais le responsable du centre de formation EFFA. Ces centaines d’appelants m’ont permis de comprendre une chose : les entreprises regardaient souvent les problèmes qui se posaient à travers un biais plus sentimental que réglementaire.
Le temps m’a permis d’établir un constat : les techniques de la résolution de problème invitent l’utilisateur à jeter un regard froid sur une situation. Par la suite, pour résoudre un problème, une question se pose : disposons-nous des moyens pour le résoudre ? Sommes-nous outillés pour agir et avons-nous la force et la vivacité d’expliquer quelles sont nos limites à des personnes qui vous accablent de leurs reproches. En effet, si le problème requiert de partir à la bagarre, en avons-nous la force ? Si une situation nous effraie, allons-nous nous placer en situation d’échec ?
Mes anciennes étudiantes, étaient aux prises avec des personnes qui leur demandaient des conseils mais aussi de prendre parti sur une question de concession et d’ayants droit. Les uns et les autres se déchiraient. Ils étaient irréconciliables sur "qui décidait quoi" et "qui payait quoi". Ces conseillères funéraires, qui vivaient les mêmes difficultés à 300 km de distance, étaient prises à partie dans cette histoire et elles se demandaient quoi faire. Elles se laissaient emporter par ces gens aux allures vindicatives et qui cherchaient tous les soutiens qui pouvaient apporter de la crédibilité et une caution réglementaire à leur point de vue.
Que fallait-il faire ? Les conseillères funéraires, se sentant bien seules, m’ont donc appelé, comme je les avais invitées à le faire. Nous avons analysé la situation.
À la fin de l’exercice, les deux conseillères m’ont dit qu’elles se rappelaient une image que je leur avais donnée quand j’expliquais qu’elles devaient saisir leur rôle à partir de leur fiche de poste et du contour que la réglementation donnait à leur action. Tout ce qui arrivait au-delà de ce périmètre constituait une "zone de danger".
Pour faire comprendre ce concept de la "zone de danger", j’ai expliqué que vouloir s’occuper de certains problèmes est certes vertueux. En revanche, dans certaines situations, nous nous retrouvons dans la posture de militaires à qui on dit de se battre mais qui ne disposent d’aucune arme pour se défendre ou de protocole pour guider leur action. Ils sont ainsi mis dans des situations où ils ne peuvent que recevoir des coups. J’ai terminé mon intervention auprès de ces étudiantes en leur conseillant de ne pas prêter le flanc à ce genre de situation.
Yves Messier
Formateur et consultant auprès des communes
Résonance n° 204 - Juin 2024
Résonance n° 204 - Juin 2024
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :