Présentée le 12 mai dernier lors de l’Assemblée générale de la CSNAF (Chambre Syndicale Nationale de l’Art Funéraire), l’enquête Funérama 2023 du CREDOC est une mine d’informations économiques sur le secteur funéraire, son évolution et ses tendances. À quelques semaines du salon FUNÉRAIRE PARIS, et à l’heure où entreprises, salariés et collectivités préparent leur venue à ce rendez-vous incontournable de la profession, revenons sur les résultats de cette enquête…
La méthodologie de l’enquête
Afin d’assurer la fiabilité de ses résultats, l’enquête, qui s’est déroulée du 1er septembre au 17 octobre 2022, a impliqué 398 établissements du secteur funéraire sous le code NAF 9603Z (Services funéraires) ayant eu une activité en 2021. L’échantillon a ensuite été redressé pour tenir compte de la taille des entreprises interrogées (aucun salarié, 1 à 5 salariés, 6 à 9, plus de 10), la zone d’implantation de l’entreprise (zone urbaine ou rurale), la région, et enfin le caractère mono ou multi-établissement(s).
Quant à la fiabilité de la comparaison des résultats, celle-ci a été apportée en appliquant les mêmes correctifs que ceux opérés lors de la dernière enquête menée en 2012.
Un nombre de décès en hausse structurelle qui attire toujours plus d’acteurs
Comme annoncé par la pyramide des âges, la France a enregistré une augmentation structurelle du nombre de décès chaque année depuis 10 ans. Ainsi, l’année 2021 a enregistré 660 361 décès en France métropolitaine, contre 534 795 en 2011. Cependant, alors que le nombre de décès a augmenté de 2,1 % par an, l’augmentation moyenne du nombre de décès traités par an et par établissement (opérateur funéraire) n’est que de 0,53 %, passant ainsi de 110 décès traités en moyenne par an, à 116.
Cette différence importante, de facteur 4, ne peut s’expliquer que par l’augmentation du nombre d’opérateurs funéraires, elle-même rendue possible par une augmentation structurelle du nombre de décès due au vieillissement de la génération "Baby-boom"(1).
La crémation toujours en augmentation
Rappelons que la crémation, qui ne fera un retour timide en France qu’à partir de 1889, sera grandement ralentie dans son développement, d’une part par un arrêt de la construction de crématoriums entre 1922 et la décennie 1970, et par les réticences farouches de l’Église. Ainsi, ce n’est que depuis les années 1990 que la crémation connaît une augmentation continue. Alors qu’en 1980 la crémation ne représentait que 0,9 % des obsèques, elle représentait déjà 10,5 % en 1994, pour atteindre 30 % en 2010.
En 2017, alors que la crémation atteignait les 36 %, un sondage réalisé par BVA révélait que 59 % des Français sondés déclaraient préférer la crémation pour leurs propres obsèques. L’augmentation de la crémation suit ainsi son cours, puisque l’enquête Funérama du CRÉDOC révèle que le taux de crémation constaté en 2021 était de 39 %.
Des contrats obsèques en augmentation très lente
Si le développement de la prévoyance obsèques n’est pas sans avoir connu un engouement certain au cours des dernières décennies, force est de constater que l’augmentation du nombre de décès traités sous contrats obsèques n’a été que très lente au cours des 10 dernières années, passant de 13 % à seulement 15 %. Par ailleurs, conçus en principe pour couvrir les frais d’obsèques, l’enquête dévoile que seulement 48 % des contrats ont couvert 90 à 100 % des frais d’obsèques.
Une évolution des produits vendus conforme à l’évolution démographique et des pratiques
De façon logique l’enquête Funérama indique une variation de la vente de cercueils et de convois, proportionnelle au nombre de convois traités. En revanche, elle confirme une tendance déjà très marquée et pressentie : une très forte diminution de la vente de plaques funéraires, passant (en nombre moyen de plaques vendues par établissement) de 147 en 2011 à 96 en 2021.
S’agissant de la phase entre le décès et la mise en bière, si l’enquête révèle une légère augmentation du nombre de séjours en funérarium, elle met surtout en évidence une forte augmentation du nombre de soins de conservation, passant en 10 ans de 81 à 58 ventes en moyenne par opérateur funéraire sondé.
Une inflation qui frappe de plein fouet les monuments
Si les résultats de l’enquête font apparaître que l’augmentation générale des prix n’est pas significative au cours des 10 dernières années, tel n’est pas le cas s’agissant des prix des monuments, qui enregistrent une augmentation moyenne par an de 3,1 % s’agissant des monuments funéraires "classiques", et de 3,0 % pour les monuments cinéraires.
Cependant, interrogés sur leur capacité à répercuter l’augmentation des coûts sur leurs clients, les opérateurs funéraires sondés déclarent à 39 % avoir été capables de répercuter la totalité ou une grosse partie de leurs coûts, mais 48 % seulement une petite partie.
Les cercueils et les monuments demeurent les "best-sellers" du marché
Alors qu’une partie du secteur s’efforce de remettre en question les fondamentaux de son modèle économique centré sur le cercueil, produit "phare" traditionnellement à forte marge, vers un modèle économique centré sur le service, l’enquête démontre que l’objectif est loin d’être atteint. Il apparaît en effet que la vente de cercueils représente encore le tiers du chiffre d’affaires des établissements sondés, devant les monuments funéraires, qui représentent un quart du chiffre d’affaires, et les convois, près de 20 %.
Une satisfaction à l’égard des fournisseurs en très nette hausse
Sur l’ensemble des articles et prestations soumis à l’enquête, il ressort une nette augmentation de la satisfaction des opérateurs funéraires à l’égard de leurs fournisseurs. À la question : "Êtes-vous tout à fait satisfaits de vos fournisseurs ?", le taux de réponses positives passe de 64 à 100 % s’agissant des articles funéraires, de 67 à 99 % s’agissant des urnes, et de 75 à 95 % pour les toilettes et soins de conservation entre 2011 et 2021. Si l’augmentation est également présente sur les cercueils et les monuments, celle-ci demeure moins prononcée.
Le prix et la personnalisation, les deux axes majeurs d’amélioration souhaités
À la question : "Voici plusieurs améliorations que les fabricants de produits et de services mortuaires pourraient vous proposer, ces améliorations vous intéressent-elles ?", la demande de prix plus attractif se dégage de façon significative, avec 76 % de réponses positives, devant la plus grande possibilité de personnaliser les produits : 63 %, et la demande d’interlocuteur unique : 62 %.
Ce dernier point démontre l’importance qu’attachent les opérateurs funéraires, et en particulier les plus petits d’entre eux, à tisser une relation de proximité avec les commerciaux de leurs fournisseurs. Si les fournisseurs du secteur funéraire n’ont pas résisté aux phénomènes bien connus de concentration et de rationalisation de leurs process, force est de constater que nombre d’opérateurs funéraires ne sont pas encore prêts à sacrifier la relation privilégiée de confiance avec "leur commercial" qui a longtemps caractérisé l’approvisionnement en articles funéraires. Cette tendance à la "résistance" tend à se confirmer, puisqu’en 2021, 73 % des opérateurs indiquent interroger les commerciaux lors de leurs déplacements sur les nouveautés, contre 70 % en 2011.
Une inquiétude quant à l’évolution du secteur fortement marquée par les difficultés de recrutement
Le dernier volet de l’étude confronte les réponses fournies par les entreprises sondées en 2011 à celles fournies en 2021 à la question : "Selon vous, les éléments suivants risquent-ils d’entraîner des profondes modifications de votre activité à un horizon de 5 ans ?" De façon particulièrement nette, les entreprises ont répondu "oui" avec une augmentation de 11 % à la réponse "le recrutement de personnel qualifié", loin devant les conseils apportés aux familles (3 %), la demande de personnalisation des arts et services funéraires (2 %) et les commerces sur Internet (1 %). L’inquiétude des opérateurs funéraires quant au recrutement traduit une réalité de plus en plus constatée.
Bien que le funéraire soit loin d’être le seul secteur d’activité concerné et qu’il s’agisse d’une tendance générale affectant de très nombreuses branches professionnelles, il n’en demeure pas moins que la formation professionnelle aux métiers du funéraire semble être entrée dans une crise à bas bruit.
Alors que les métiers du funéraire sont des métiers de passion et que le secteur est particulièrement propice aux reconversions professionnelles, même tardives, force est de constater qu’il séduit de moins en moins. Si un sursaut est assurément possible, il ne se fera pas sans l’implication de l’ensemble des acteurs du secteur : refonte des projets et méthodes pédagogiques, rehaussement des compétences des formateurs, implication des employeurs, sont autant de pistes dont il ne pourra pas être fait l’économie de l’exploration pour que le secteur retrouve son attractivité au service de familles toujours plus exigeantes.
Me Xavier Anonin
Docteur en droit
Avocat au barreau de Paris
(1) Expression désignant traditionnellement le pic de naissances enregistré au sortir de la Seconde guerre mondiale pendant la période 1945-1960.
Résonance n° 196 - Octobre 2023
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