La quadrature du cercle : réunir l’esprit et la matière

Les temps ont bien changé, mais les enjeux, les défis restent les mêmes. Il s’agit toujours de développer une entreprise de pompes funèbres : CA, quantité, panier moyen, marge, taux de couverture, charges, ETP, EBE, trésorerie, recrutement, démission, salaire, etc., tout en restant un artisan du funéraire de proximité, faisant preuve d’humanité, de bienveillance, de disponibilité, de respect, de professionnalisme, apte à l’accompagnement des familles et à la personnalisation des obsèques, et proposant des prestations de qualité…

Beaucoup trop ! Mais à qui la faute ?

1 - Peut-être à l’État. Depuis 2013, le diplôme de maître de cérémonie (70 h) et le diplôme de conseiller(ère) funéraire (140 h), complétés de 70 h de stage en entreprise, sont obligatoires. Un QCM, une mise en situation et vous êtes diplômés. Ce sont des formations obligatoires, avec des connaissances, certes certifiantes mais pas pour l’acquisition, le développement de compétences. Il serait nécessaire aujourd’hui de se poser la question de ce que l’on peut réellement enseigner en 70 h ou 140 h dans un domaine si complexe, aussi bien techniquement qu’humainement.

2 - Aux organismes de formation qui, souvent, forment "qui le veut mais pas qui le peut". C’est un marché tendu, alors très peu de pré-requis, très peu de "sélection". L’objectif n’est pas d’apprendre un métier et de développer des compétences, il est d’obtenir son diplôme et d'être employable. Des objectifs pédagogiques, mais peu d’objectifs opérationnels, et très peu de suivi et d’évaluation.

3 - Aux entreprises de pompes funèbres, Une fois embauchés, les maîtres de cérémonie (MC), les conseillers(ères) funéraires (CF), les porteurs et les marbriers n’ont plus de formation continue. Avec des organisations en tension, pouvant subir les arrêts maladie, les accidents du travail, les burn-out, les ruptures conventionnelle, les dirigeants ne peuvent pas se permettre de laisser partir en formation leurs salariés. Qui va tenir les agences ? Qui va recevoir les familles ? Qui va effectuer les cérémonies funéraires ? Qui va porter et exécuter les travaux de marbrerie ?

Ces entrepreneurs, sans véritable formation de recrutement, peuvent alors embaucher des CF, des MC, des marbriers qui font plus de fautes d’orthographe qu’il y a de mots dans l’avis d’obsèques, qui ne peuvent pas entrer dans un salon funéraire car ayant peur des défunts. Certains CF craignent de demander des acomptes, des porteurs découvrent et refusent les astreintes, le travail le mercredi ou le week-end. Il y en a aussi à qui il faut réapprendre complètement le métier de réception des familles, qui se rendent compte qu’ils ou elles ne pourront faire face à la charge émotionnelle ou qui pensent que le métier d’organiser des obsèques, c’est "assistante sociale". On voit également des MC ou des CF, jeunes souvent, sans aucune empathie ou gentillesse, mais avec néanmoins beaucoup de certitudes… ou ne pouvant pas prendre la parole en public ou porter le cercueil, … ou encore des marbriers qui n’arrivent pas à lire un plan de cimetière.

Formalités et démarches en ligne, avis client, réponse à des demandes via Internet, vente de plaques et de monuments, de contrats obsèques sur des plateformes avec configurateur, cérémonie à distance, cagnotte en ligne, paiement "en 4 fois sans frais", certificat de décès dématérialisé, portail Chorus pour les réquisitions, recherche de fonds perdus, effacement de l’identité numérique, avis d’obsèques en ligne, sur Facebook, bientôt sur TikTok ! En 10 ans le métier du funéraire, je ne le reconnais plus tellement ce métier a changé.

Les familles ont aussi évolué. De plus en plus, elles ne veulent plus de signes ostentatoires de deuil. Moins de blanc ou de noir mais plus de couleurs de tous les jours. Les demandes deviennent plus précises, venir à la cérémonie avec une rose, par exemple. Les pompes funèbres sont plus "cool" avec le "dress code" de leurs salariés, allant jusqu’à tolérer dans l’agence piercing, tatouage, coiffure.

La polyvalence est réclamée dans tous les domaines

Maintenant les femmes, presque autant que les hommes, font les transferts, les réceptions des familles, le portage "épaule", les astreintes et les réquisitions, les travaux de marbrerie, etc. Celles-ci, de plus en plus, percent le plafond de verre des responsabilités en accédant au même salaire à des postes de direction ((pas encore partout, bien sûr). Néanmoins, cela est très bien pour la parité, pour l’employabilité. Par ailleurs, il y a encore des écoles, des chapelles où vous êtes soit CF soit MC, soit porteur, soit marbrier, mais on voit cela principalement dans les "grands groupes", car les entreprises familiales, à dix salariés, ne peuvent pas se le permettre.

Respecter ceux de votre métier. Qui que vous soyez, quoi que vous fassiez, les familles ont besoin de vous. À partir du moment où vous travaillez dans le secteur du funéraire, elles ont besoin de votre gentillesse, de votre humanité, de votre écoute, de votre honnêteté, et aussi de votre professionnalisme. C’est la base des bases.

Respecter votre environnement. Il vous faut imaginer votre famille, dans la peine et la douleur, qui doit se rendre dans une agence de pompes funèbres. Tout doit être accueillant, non agressif. De votre magasin au bureau de réception famille, une salle à manger - plutôt qu’un bureau administratif -, en passant par la maison funéraire, sans oublier les toilettes. "Le manque de soin fait plus de mal que le manque de science". "Voulez-vous un café ou de l’eau ?"

Maîtriser votre environnement et les différentes étapes de réception famille. Poser des questions sur la découverte des besoins, écouter et noter. Ensuite conseiller par rapport à ce que la famille dit et ne dit pas. Attention aux pièges d’organisation d’obsèques : savoir dire non à une famille - avec sourire, sans stress - qui désire une cérémonie mardi à 14 h alors que vous en avez déjà deux à cette heure-là. Et cela sans que celle-ci s’en aille du magasin. Raccourcir une date de pose de monuments, alors qu’à l’import les délais de livraison dépassent les six mois.

Quels sont les avantages pour la famille d’un bon accueil ? Expliquer les avantages de tels ou tels produits et services à la famille, ce n’est pas de la vente forcée. C’est de la vente avec ses techniques spécifiques d’accueil, de découverte, d’argumentaires, d’avantages et d’objections (très rare de traiter l’objection). Il faut obtenir l’accord de la famille. L’informer sur la nécessité à valider les modes de paiement, c’est l’aider à faire le point sur ses ressources, son budget et ne pas lui créer d’autres soucis plus tard.

Si vous ne posez pas de questions, vous n’aurez pas de réponses… si vous ne semez pas, vous ne pourrez jamais récolter. 100 % des familles vont traiter leurs formalités et démarches après obsèques, 100 % des familles vont rechercher un monument (dans le temps) sur le caveau. Beaucoup de veufs ou de veuves vont se poser la question de la prévoyance funéraire pour éviter à leurs enfants tous ces tracas. Alors, pourquoi pas vous ? Si vous ne sortez pas de votre rôle d’organisateur d’obsèques, tout de suite, pour proposer pour demain, vous ne ferez jamais de formalités, de démarches après obsèques, jamais de monuments, jamais de prévoyance, jamais régler de factures. Sachez que si ce n’est pas vous, ce sera une autre entreprise de pompes funèbres.

Pour cela, prenez votre téléphone et prévenez votre famille que vous allez la contacter après les obsèques, avec son accord et en respectant le RGPD, pour l’accompagner après les funérailles. Convenir d’un rendez-vous pour les formalités et démarches après obsèques, pour lui proposer un contrat obsèques, pour un RDV monument ou pour suivre son dossier non payé. Peut-être, tout simplement, pour prendre de ses nouvelles et la remercier des chocolats qu’elle vous a apportés.

Soyez également transparent et respectueux de la famille et de la loi. À partir du moment où vous respectez la loi (pas de démarchage à domicile, respect du RGPD), respectez les familles en étant limpide sur vos tarifs et en leur disant bien que vous ne voyez pas votre intérêt avant le leur. Pas d’abus, pas de magouilles car cela finira par se retourner contre vous. Un devis signé, une commande signée, c’est le minimum pour s’engager dans un contrat écrit et moral.

Nos familles sont dans la peine et la douleur, mais elles sont intelligentes, comme tout un chacun. Le monde du funéraire, nombre de familles le découvre avec beaucoup d’apriori. Elles filment tout ce qu’on leur dit ou ne dit pas, écoutent, ressentent la fluidité ou pas des obsèques, de la cérémonie funéraire, les intentions, les attentions. Le devis et la commande sont signés mais pas forcément compris. Les modes de paiement sont validés… ou pas.

Nous, notre agence, notre magasin, notre bureau, le téléphone, notre environnement, nos toilettes, notre présentation, nos explications, la salle cercueil, le salon funéraire, le recueillement auprès du défunt, le MC, les porteurs, le corbillard, les fleurs, l’hommage, les marbriers, la sépulture, le souvenir au cimetière ou au crématorium, l’impression des proches sur la cérémonie avec ses bons et mauvais points, tout est filmé par la famille. Et quand arrive la facture, la famille va dérouler le film en sens inverse et apprécier ou pas tous les services rendus qui se traduisent en somme à payer.