L’année 2023 est celle de la célébration du trentenaire de la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire. Une loi qui a profondément restructuré le funéraire en France, en apportant le libre choix du prestataire par les familles, tout comme elle a contribué à moderniser la branche d’activité. Cette évolution a conduit à une recomposition en profondeur, avec l’apparition de réseaux d’opérateurs funéraires structurant une offre de prestations diversifiée.
[…]
6. Pour une nouvelle mission d’information parlementaire
Depuis la promulgation de la loi du 8 janvier 1993, seules deux missions d’information et d’évaluation de la situation dans le secteur funéraire ont été menées.
Plus de 15 ans après, il s’avère nécessaire de programmer une nouvelle mission d’information, dans la mesure où le secteur a poursuivi sa restructuration en profondeur et la perception du deuil par la société contemporaine a également évolué, faisant émerger de nouvelles préoccupations et attentes. Dans la continuité des missions précédentes, le sénateur ne manquera pas de conduire une telle initiative. Il est d’ailleurs opportun de rappeler que le sénateur, exerçant encore son mandat, puisse animer les travaux de la mission. Ce serait alors, historiquement, un cas inédit de texte législatif évalué par son auteur, près de 30 années après publication. Je ne connais pas de situation analogue dans l’histoire des travaux parlementaires.
L’objectif de la mission parlementaire serait alors d’évaluer le cadre de la loi, son bilan et ses perspectives. Une réflexion en profondeur sur le contenu de la mission de service public devra être engagée, tout comme la question du sous-équipement en chambres funéraires et les perspectives des formules de financement des obsèques.
7. Pour un statut de la personne endeuillée dans la société contemporaine
L’adoption et la signature de la "Charte du respect de la personne endeuillée", le 29 octobre 2009, ont largement fait progresser la réflexion sur un futur statut de la personne endeuillée. L’action de simplification engagée à travers la Charte – relayée par la Direction de la modernisation de l’État au ministère de l’Économie et des Finances – a conduit à de véritables avancées, telles que la mise en ligne du "Guide des formalités après décès" et du "Guichet unique de déclaration de décès".
Certes, les acquis de la Charte sont bien réels. Néanmoins, ils restent insuffisants face à la perception de l’opinion publique qui considère toujours que la gestion d’un deuil reste pénible sur le plan administratif, du fait de certaines formalités redondantes.
Selon le statut de la personne décédée (salarié, retraité, militaire, agent de la fonction publique ou hospitalière, marin…), la gestion des formalités après décès sont disséminées dans les 73 Codes législatifs existants en France. À l’image du "Code pratique des opérations funéraires" qui recense l’ensemble des textes applicables, il convient d’effectuer la codification des textes régissant les formalités après décès et de procéder à leur publication sous la forme d’un "Code pratique des droits de la personne endeuillée". Ce travail de codification donnerait, alors, naissance à l’ébauche d’un statut de la personne endeuillée dans la société contemporaine.
8. Pour un rapport annuel sur l’état du métier
La profession souffre d’une image dégradée dans les médias, notamment à l’occasion de la Toussaint. Les médias lourds n’accordent de l’intérêt au métier que sous la forme de "marronniers" classiques autour de certaines situations exceptionnelles. En déficit de communication et de relais dans les médias, une sorte de vide s’est installé entre les médias et la profession. Faute d’orienter le travail journalistique à travers un support d’information fourni par les professionnels, les médias s’attellent à une course au scoop de manière à créer le buzz.
C’est dans cette perspective qu’il est suggéré de procéder à un rapport annuel sur l’état de la profession, dans lequel les médias pourraient puiser l’essentiel de leur contenu éditorial. Le rapport de branche, sorte de bilan social de la profession, constitue une excellente base de travail à compléter par des données économiques et sociétales. Ce rapport pourrait alors faire l’objet d’une conférence de presse à la veille de la Toussaint.
9. Pour la mise en place d’un fonds d’archives funéraires
Un métier, une profession, une branche d’activité, c’est également une mémoire, une histoire qui doit être nécessairement archivée. Nous devons tous nous poser la question de savoir comment les jeunes générations arrivées dans le funéraire pourront découvrir et s’informer autour de l’histoire du métier. Je sais que certaines institutions de la branche disposent d’un fonds d’archives exceptionnel. Le tout est de savoir comment mutualiser, a minima, un fonds d’archives à constituer et à ouvrir en libre accès aux chercheurs, journalistes, étudiants, y compris les jeunes en quête d’acquisition de la capacité professionnelle en vue d’exercer le métier.
La profession a non seulement un devoir de mémoire, mais un devoir de transmission. Au moment où les effectifs de la profession se rajeunissent et s’accélèrent, une telle ambition devrait se convertir en réalité. Cette perspective doit être également partagée avec la Direction Générale des Collectivités Locale (DGCL) au ministère de l’Intérieur, gardien de la mémoire du métier. Il convient également d’y associer la Direction Générale de la Santé (DGS) au ministère de la Santé. Du côté ministériel, ce fonds d’archives devrait être constitué des circulaires ministérielles, des correspondances des préfets des départements et de toutes documentations ayant fait l’objet d’une publication officielle.
10. Pour une journée nationale de la personne endeuillée
Cette proposition n’est pas nouvelle, elle a déjà fait l’objet d’une proposition de loi en date du 13 novembre 2012, portée par le député de l’Isère Jean-Pierre Barbier. Elle faisait suite aux travaux liés à la mise en place de la "Charte du respect de la personne endeuillée". Elle vise à instaurer une Journée nationale de la personne endeuillée. La proposition de loi vise à donner à la profession la possibilité de célébrer les "vivants", notamment les associations et les professionnels du funéraire engagés dans l’accompagnement de deuil. Véritable fait de société, le deuil engendre des situations économiques, sociales et psychologiques lourdes de conséquences.
Malgré la signature de la "Charte du respect de la personne endeuillée" en 2009 ainsi que le recul de la perception de la complexité des formalités après décès qui était évalué à 40 % en 2008, contre 30 % en 2010, comme l’attestent les travaux de la Direction Générale de la Modernisation de l’État (DGME), la mort reste encore trop souvent cantonnée à un véritable tabou. La situation des endeuillés s’aggrave même par le silence dans lequel notre société contemporaine les a plongés et par l’absence d’information autour des droits et aides que cette situation leur ouvre.
Le deuil n’est pas installé en tant qu’élément du débat national. Un énorme travail pédagogique et informatif reste par conséquent à engager afin de permettre aux personnes endeuillées d’accéder aux droits ouverts dans le cadre de la législation, de la réglementation et des accords collectifs en vigueur. Ce travail est d’autant plus nécessaire que le nombre de décès va s’accroître dans les prochaines années eu égard à l’évolution de notre démographie. Les projections démographiques prévoient un passage à 773 333 décès en 2049. Les situations de deuil et la cristallisation du chagrin peuvent conduire à l’apparition de relations sociales conflictuelles. La société est quelquefois perçue comme indifférente et insensible aux difficultés quotidiennes des personnes endeuillées.
Pour faire du deuil un fait social apaisé mettant en relief la solidarité de la société contemporaine, il convient d’instaurer une Journée nationale de la personne endeuillée qui sera célébrée le 29 octobre de chaque année. Le choix de cette date correspond à la date anniversaire de la signature de la "Charte du respect de la personne endeuillée" (29 octobre 2009). Cette décision aura le mérite d’engager une réflexion et une sensibilisation d’envergure nationale autour de la situation des personnes endeuillées, tant sur le plan juridique, économique que social.
À l’occasion de cette Journée nationale, les professionnels du funéraire et les associations spécialisées dans l’accompagnement plaideront pour la mise en place d’un véritable statut répertoriant en un Code l’ensemble des dispositions législatives, réglementaires, conventionnelles et internationales ouvrant des droits à cette catégorie sociale appréhendée dans le cadre d’une approche universelle regroupant les veuves et les veufs, les parents, les orphelins, ainsi que les personnes âgées ou isolées. Les visions exposées sont très certainement subjectives et incomplètes. Bon nombre d’entre elles restent sujettes à débat et à analyse approfondie. Néanmoins, elles constituent l’esquisse d’une probable évolution du métier vers de nouvelles perspectives.
11. Accompagner la montée en puissance des services funéraires affinitaires
Depuis quelques années, les services funéraires ont connu de très fortes mutations. D’abord sous l’effet des organismes mutualistes, des assureurs et des bancassureurs créant des communautés d’intérêts et de prévoyance autour des garanties obsèques, amorçant ainsi un mouvement vers l’apparition de communautés affinitaires spécifiques. Ensuite, avec l’apparition de services funéraires rattachés à une religion ou un rite spécifique. L’éclosion de services funéraires affinitaires permet le développement de nouveaux modèles économiques fondés sur des niches de marchés non encore explorées.
Leur intégration à la filière funéraire, en général, s’avère indispensable. C’est tout le sens de l’engagement de la CSSFA, qui ne manquera pas de s’appuyer sur des expériences inédites témoins de la mutation de la sociologie des services funéraires en France. Les services funéraires affinitaires constituent des segments de nouveaux marchés s’appuyant sur des catégories sociales ou des groupements de consommateurs convaincus de la nécessaire adaptation d’un produit ou service à leurs exigences. D’autant plus que ces derniers seront initiés, conçus et diffusés à travers leur organisation collective.
Une évaluation menée à partir des habilitations délivrées par les préfectures révèle l’existence d’un segment de marchés animés par plus de 200 entreprises. Une nouvelle donne avec laquelle la filière devra composer, avec son lot d’exigences législatives et réglementaires spécifiques dont il convient de citer quelques exemples :
• La mise en place d’un statut pour les toiletteurs ;
• La consolidation de la doctrine en matière de fiscalité des cercueils fournis dans des opérations de rapatriements ;
• Clarifier le statut de la dépouille en matière de transport internationaux. Par la route, il est considéré comme un transport de personnes et par avion un transport de marchandises.
Le "Livre blanc" présenté par la CSSFA dresse un inventaire détaillé de l’ensemble des préoccupations sectorielles.
Méziane Benarab
Résonance n° 193 - Juillet 2023
Résonance n° 193 - Juillet 2023
Suivez-nous sur les réseaux sociaux :