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Partant du témoignage de l’une de mes conseillères funéraires, j’ai tenu à partager, avec les lecteurs du magazine Résonance, mes observations et mon expérience au sujet du syndrome d’épuisement émotionnel dans les métiers du funéraire. Le burn-out… explications !


Quels sont les signes avant-coureurs d’un burn-out ?

Témoignage d’une conseillère funéraire ayant dû faire face à un syndrome d’épuisement émotionnel : "Mon métier, je l’aime, je l’ai choisi, j’ai tout fait pour y arriver… Depuis plusieurs semaines, j’ai l’impression d’être vidée de l’intérieur. Je n’ai plus d’énergie pour me lever le matin, plus envie… J’ai des familles à gérer, je passe de l’une à l’autre et je n’en vois jamais le bout. J’ai l’impression de n’avoir jamais le temps d’effectuer correctement mon travail. J’ai l’impression de ne plus accompagner les familles.

Je supporte de moins en moins mes collègues, les demandes de mon responsable, les demandes des familles. Je ne sais pas dire non, et j’ai toujours du mal à aborder les aspects financiers avec les familles endeuillées. Je ne sais pas comment, et j’ai peur de les relancer pour prendre un rendez-vous concernant le monument, un contrat obsèques ou le règlement de nos prestations, comme je suis censée le faire. On accède à des demandes et on accepte des travaux que l’on ne devrait pas… Du coup, on prend souvent du retard, notamment sur les gravures. Au final, je me dis qu’être conseillère funéraire, ce n’est pas aussi valorisant et gratifiant que je le pensais…"

Mais au fait… pourquoi ce métier ?

Pourquoi avons-nous voulu faire ce métier ? Il y a ceux qui sont tombés dans la marmite quand ils étaient petits, et il y a les autres. Pour ces derniers, beaucoup évoquent un déclic lors du décès d’un proche. Ils se disent alors : "C’est un métier qui a du sens… pourquoi pas moi ?" Mais la vraie question qu’il faut se poser est : "Sommes-nous préparés pour faire ce métier dont nous ne voyons qu’une facette ? Sommes-nous préparés à évoluer dans le monde funéraire" ? Être quotidiennement au contact de la mort, manipuler des défunts, voir des familles en pleurs… un monde terrible ou nous côtoyons plus la tristesse que les rires.

Vient ensuite le temps de la formation, et sur ce sujet-là, il pourrait y avoir à redire. Ingérer un maximum d’information pour obtenir le diplôme, cocher des cases et se prêter à un jeu de rôle… trop peu. Nous sommes bien dans les standards de l’Éducation nationale… obtenir un diplôme tout en n’ayant aucune idée des réalités de ce métier.

Ensuite, lors du stage pratique, nous commençons seulement à entrevoir, à comprendre la charge émotionnelle à laquelle on doit faire face dans ce métier, les responsabilités et leurs exigences. Mais durant ce stage, nous sommes passifs, en observation derrière le conseiller funéraire, sans prise de notes. À cet instant, on ne s’imagine pas seul(e) face aux familles, on ne se prépare pas à les recevoir, en totale autonomie. Et enfin, il y a les exigences, de la société, des familles ou encore de l’entreprise qui nous emploie, qui nous demandent plus et encore, tout en faisant preuve d’empathie.

L’erreur de casting

Au bout de quelques années, de familles en familles, de convois en convois, de demandes en demandes, de reproches en reproches… un constat s’impose. Nous n’avons pas su nous protéger et mettre cette distance entre nous et les familles, nous et notre rôle, nos fonctions d’organisateur, d’assistant ou de commercial. Soit nous devenons de plus en plus froids et distants pour tenter de gérer nos émotions, soit, à l’inverse, nous nous impliquons sans plus aucune limite afin de réparer toutes les injustices… Et, dans les deux cas, nous perdons pied et nous craquons !

Dans les faits, qu’attendent les familles de notre part ?

En réalité, les principales attentes des familles à notre égard sont on ne peut plus simples… Elles attendent de nous que nous soyons professionnels et que nous soyons force de propositions pour chacun de leurs problèmes au regard du décès de leur proche.

Dans le meilleur des mondes, lors du premier contact, tout commence par la prise d’informations, la découverte des besoins des familles et des dernières volontés du défunt. Il faut poser de nombreuses questions pour obtenir quelques réponses qui nous permettront de bien cerner les réels besoins des familles. Bien préparer ses entretiens permet de mieux maîtriser son dossier.

Il est également très important de savoir dire "non" et de savoir expliquer et argumenter ce refus. On ne peut pas répondre positivement à toutes les demandes des familles… au risque de s’embarquer personnellement dans des promesses impossibles à tenir. C’est couler sans bouée !

En fin de journée, avant de quitter l'agence, il est très profitable de reprendre son ou ses dossiers. Ces quelques minutes d'introspection qualité permettent de se conforter dans le montage d’un dossier ou de le corriger, nous laissant profiter pleinement de notre vie privée pour recharger les accus.

De même, il ne faut surtout pas hésiter à faire appel à un collègue ou à sa direction, car on ne peut pas tout savoir ! Dans le même temps, il est idéal de pouvoir compter sur une direction qui soit un soutien pour tout ce qui est défendable vis-à-vis des familles. L’indéfendable peut arriver, mais il faut savoir l’accepter et se dire : "Oui, c’est arrivé, j’ai ma part de responsabilité et je n’ai plus aucun moyen d’y remédier. La prochaine fois, je serai plus vigilant pour que cela ne m’arrive plus."

Chaque fois qu’une famille nous adresse ses félicitations, il faut savourer l’instant et en ressortir renforcé. Enfin, il faut aussi tenir compte du fait que l’on n’a pas prise sur tout ce qui nous entoure… Entreprise, supérieurs, collègues, secteur professionnel, société, etc., il faut savoir faire le tri et se préserver.

Aussi, si vous sentez des symptômes de lassitude, d’agressivité, de stress, de pleurs, de crainte… faites le point et posez-vous la bonne question… Est-il sage de continuer dans ces conditions ?

Se mettre en arrêt maladie, faire une pause, consulter à la médecine du travail, quand elle existe, ou encore demander conseil à vos amis, à vos collègues, à votre famille. Tous vous côtoient, vous observent et vivent avec vous, ils seront francs avec vous et vous dévoileront la vérité sans faux-semblant. À vous d’en tenir compte… ou pas. Pour revenir plus fort, ou lâcher prise sans culpabiliser.
 
Jean-Michel Rey
Directeur du développement
Groupe funéraire familial Funé Sphère

Résonance n° 193 - Juillet 2023

Instances fédérales nationales et internationales :

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